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Au noir ou non déclarés ' Point net



Samir n'a pas vu les chiffres de l'ONS sur le travail au noir. Et pour cause, il ne lit pas les journaux, il ne sait pas ce que c'est que l'ONS et il ne sait pas qu'il travaille au noir dans le café de la capitale qui l'emploie depuis deux ans maintenant. Il ne sait pas qu'il travaille au noir, c'est l'ONS, les gens lettrés et les artistes qui parlent ainsi. Lui, il sait seulement qu'il n'est pas «déclaré».
Il «travaille» dans ce café depuis deux ans mais en fait, il n'est là que depuis' deux mois ! Oui, c'est son dixième «séjour» dans ce café et il n'est pas loin de partir attendre qu'on le rappelle pour un onzième. Comme il est difficile de comprendre, il faut bien qu'on vous explique cela : certains employeurs ne déclarent pas leur personnel et ne comptent pas le faire un jour mais pour ne pas prendre de risques avec les autorités, ils sont à cheval sur le respect de' la légalité ! L'astuce '
On embauche un jeune homme, ou plus rarement un moins jeune, on le laisse travailler pendant la période légale durant laquelle on n'est pas obligé de le déclarer, puis on le renvoie pour prendre quelqu'un d'autre pour la même période. Et si le patron vous prend en «sympathie» parce que vous ne rechignez pas à la tâche, parce que vous êtes de la famille ou vous êtes «recommandé, on vous rappelle systématiquement. Au point de devenir un «permanent» qui revient tous les deux mois. Pas compliqué, n'est-ce pas' Samir ne sait pas que son patron est théoriquement obligé de le déclarer.
D'abord parce qu'il ne sait pas ce que veut dire théoriquement, ni pratiquement d'ailleurs. Normal, il ne connaît que des non déclarés et personne parmi eux ne s'en plaint outre mesure. Comme lui, ils travaillent tous chez le «privé» et comme lui, ils pensent tous que la «déclaration» est un privilège réservé à ceux qui travaillent chez la «dawla». A vrai dire, Samir ne cherche même pas à être déclaré, puisqu'il ne considère même pas qu'il travaille. Et puis à quoi bon '
Il n'est pas marié, il ne tombe jamais malade et il est trop jeune pour penser à la retraite. Il ne pense même pas «se déclarer» lui-même si un jour, il réalise son rêve d'ouvrir son propre café. Il n'a pas pensé à demander à son employeur s'il s'est déclaré. D'abord parce qu'il craint qu'il n'y voit une insinuation dangereuse, ensuite parce qu'il s'en moque éperdument.
Quand un journaliste est venu demander à Samir s'il était déclaré, il a failli lui répondre de quoi tu te mêles, mais il s'est retenu, pensant naïvement que ça valait peut-être la peine de faire la connaissance de quelqu'un d'important, on sait jamais. Mais comme il fallait quand même donner une réponse, il a dit que ça ne faisait qu'une semaine qu'il est là, en espérant qu'il ne s'est pas planté.
Le patron a bien recommandé au personnel la réponse standard à donner aux contrôleurs de la houkouma mais pas celle à donner à la presse, ce qui est une négligence professionnelle grave. Mais dans un café personne ne peut réprimander le patron, c'est connu. Et après le fric, c'est la deuxième raison pour laquelle Samir rêve d'ouvrir son propre «établissement». Alors Samir demande au journaliste, histoire de faire un peu connaissance, si c'est vrai que le CSC, le club de son c'ur, allait jouer contre le Barca.
Mais le journaliste, mécontent que le serveur ne lui ai pas dit qu'il travaille au noir et que son patron est un salaud d'exploiteur sans vergogne, a répondu sèchement qu'il n'est pas de la rubrique sportive. On n'a pas besoin d'être un journaliste sportif pour savoir que le CSC ne jouera jamais contre le Barca, mais bon' On n'a pas non plus besoin de l'ONS pour savoir que 99,99% des garçons de café travaillent au noir. «Ne sont pas déclarés», aurait rectifié Samir.
Slimane Laouari


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