Algérie

Au-delà des attentes pour l'emploi, le rêve d'une réindustrialisation de l'Algérie Projet Renault d'Oran



Au-delà des attentes pour l'emploi, le rêve d'une réindustrialisation de l'Algérie                                    Projet Renault d'Oran
La signature du contrat portant sur la réalisation d'une usine Renault à Oued Tlelat (une vingtaine de km du centre de la ville d'Oran), a dissipé tous les doutes concernant la concrétisation de ce projet, après des années de négociations.
Ici, on se prépare déjà à l'accueillir et beaucoup d'espoirs sont mis dans cette réalisation inédite dans tout le pays. «C'est un projet très important qui va offrir des emplois à beaucoup de nos jeunes», estime Yazid, un habitant de la localité qui, comme beaucoup de ses congénères, attend avec impatience le début des travaux. Les détails de l'information ne sont pas encore descendus à l'échelle locale mais tous sont, aujourd'hui, certains qu'il n'y aura plus de retour possible en arrière. «J'ai des amis dans l'administration à qui j'ai demandé de me prévenir dès l'annonce de la moindre information sur le recrutement», déclare un diplômé en mécanique, qui a déjà été recruté par une société étrangère, mais qui a dû s'installer à son propre compte une fois son contrat expiré. Cependant, ce qui l'intéresse, c'est un poste flexible à l'exemple d'agent de sécurité pour qu'il puisse rentabiliser ses journées de récupération. «Renault va certainement proposer des salaires intéressants et ses employés bénéficieront certainement de facilités d'attribution de visas !», ajoute-t-il.
Création de 6000 emplois prévus
Cette façon de voir les choses n'est pas singulière et les autorités locales en sont conscientes. «Nous sommes en train de mener des campagnes de sensibilisation auprès de la population pour inciter les jeunes à se former, car, effectivement, tous veulent un emploi mais ce ne sont pas tous les demandeurs qui, au préalable, font l'effort d'acquérir un métier», indique M. Gourara, maire de Oued Tlelat, fraîchement élu à la tête de l'APC sur la liste d'un nouveau parti : Djil djadid (Nouvelle génération).
Selon lui, le projet offrira en tout 6000 emplois. L'usine est prévue sur 250 ha dans la nouvelle zone industrielle, elle-même prévue sur une superficie de 450 ha, à l'entrée de la ville, en venant d'Oran. L'usine sera la première à s'installer dans cette zone et englobera l'ancienne unité de textile, fermée depuis la faillite de ce secteur dans les années 1990. «Nous allons tout faire pour qu'un maximum de nos jeunes soient recrutés, mais il faut être réaliste, le projet exigera des qualifications qui ne seront pas toutes disponibles localement», prévient le même élu entouré de deux vice-présidents (Mme Hadri et M. Abdelkrim) en partageant avec toute l'équipe une vision qui dépasse le seul cadre de l'emploi.
Pour eux, «Oued Tlelat, malgré une extension palpable enregistrée ces dernières années, reste jusque-là une localité à caractère rural. Bientôt, à l'horizon 2017-2018, avec la nouvelle ville projetée à proximité de la localité mise à part, la population passera de 20 000 à 200 000 habitants grâce à un ambitieux programme de réalisation de logements réparti en deux tranches, avec respectivement 1000 et 900 unités réservées aux résidants de la commune». La nouvelle APC privilégie en outre un certain travail sur les mentalités. «Compte tenu de la mutation urbaine qui se dessine à courte échéance, nous 'uvrons de sorte que les mentalités puissent changer graduellement vers des comportements plus citadins, et ce n'est pas facile», indiquent-ils. Des propositions pour de nouveaux aménagements ont été soumises à la wilaya, et aussi en direction des riverains : élargissement des boulevards, relookage des devantures des commerces et amélioration des services pour «sédentariser» les futurs employés recrutés dans la nouvelle zone industrielle, mais également par les entreprises qui s'installeront sur l'extension (70 ha) de la zone d'activité déjà existante. Il est question aussi de la construction d'un parking à étages pour absorber le flux automobile. Sur un autre registre et pour gérer les dossiers des demandeurs d'emploi, l'APC de Oued Tlelat veut contribuer à l'extension de l'antenne locale de l'Anem (Agence de l'emploi par laquelle doivent obligatoirement transiter toutes les demandes) qui sera sans doute dépassée dans un futur proche.
La formation, une valeur ajoutée
Mais le gros souci reste la formation. «Les représentants de la firme au losange ont déjà visité les hangars du CFPA (Centre de formation) et nous pensons que ce sont eux qui vont prendre en charge la formation pour les besoins de l'usine», indique-t-on ici. Interrogé à ce sujet, M. Sahnoun, chef de service à la direction de la formation et de l'enseignement professionnels, a confirmé qu'une délégation dépêchée par la firme française a visité plusieurs centres à l'échelle de la wilaya, mais rien n'a encore filtré sur les choix qui vont être opérés au moment voulu. Les centres assurent aujourd'hui des enseignements polyvalents, mais il est fort probable que l'un d'eux soit réaménagé pour une spécialisation dans le domaine automobile. A la direction de la formation, on atteste que les formations en mécanique, électrotechnique, électricité et électronique automobile orientées vers la maintenance sont déjà dispensées, mais ce n'est sans doute pas ce qui est exigé par l'activité de production, même si une nouvelle nomenclature est prévue pour la rentrée 2013.
La formation et l'acquisition du savoir-faire industriel sont les seules valeurs ajoutées que retient M. Mebtoul, expert en économie, dont le cabinet est situé en plein centre-ville d'Oran (Miramar) et qui a suivi ce dossier depuis les premières négociations. Selon lui, pour que le projet soit rentable, il faut un seuil de production de 300 000 véhicules par an. Le projet de Renault en Algérie, qui concernera uniquement la gamme Clio «Symbol», produira 25 000 unités par an extensibles à 75 000 à l'horizon 2017-2018. Le docteur en économie, diplômé depuis 1974, a réagi à la reprise, selon lui, par plusieurs agences de presse d'une annonce attribuée au ministre de l'Industrie portant le coût du projet à 1,1 milliard d'euros (1,43 milliard de dollars). Le ministre a nié avoir avancé un tel chiffre et on parle, aujourd'hui, d'un coût avoisinant les 50 millions d'euros pour la création de 350 à 400 emplois directs sur les chaînes de montage. La critique hâtive de M. Mebtoul a été formulée sur la base d'une comparaison avec le projet de Tanger (Maroc) dont le coût est de près d'un milliard d'euros, mais pour une capacité de production de 400 000 unités par an. La rectification étant faite, l'usine de Oued Tlelat paraît modeste, mais elle contribuera à coup sûr à familiariser l'Algérie avec l'industrie automobile.
C'est en outre l'inexistence d'un tissu industriel digne de ce nom qui a été mise en avant pour expliquer le choix d'une structure à faible capacité de production. Dans un premier temps, les pièces qui seront montées localement viendront de France mais aussi de Turquie et de Roumanie. Pour le Pr Mebtoul, cette situation génère des surcoûts transitoires (en attendant d'atteindre le seuil de rentabilité) qui seront supportés par l'Etat (exonérations d'impôts, exclusivité sur trois ans, etc.) avec la société nationale SNVI détenant 51% de la joint-venture. «Les enjeux de la mondialisation sont inévitables et, aujourd'hui, les négociations ne se font plus d'Etat à Etat, mais par le biais de réseaux et, en Algérie, hormis Sonatrach, rares sont ceux qui, comme Rebrab (groupe Cevital), ont compris les mécanismes du commerce extérieur», indique-t-il, et c'était pour minimiser l'impact de l'intervention jugée symbolique du président français François Hollande qui n'a, en fait, paraphé que l'aboutissement d'un dossier entamé il y a trois ans. «A terme, pour répondre à des exigences de rentabilité, même le rapport 51/49% va être remis en cause», prévient-il, en suggérant à l'Etat d'intervenir rapidement pour créer un environnement favorable à l'éclosion d'un tissu de micro-industries, selon une feuille de route permettant des avancées par étapes.
Les PME/PMI archaïquement gérées
Son constat est que les PME/PMI privées algériennes non seulement ne maîtrisent pas la technologie, mais en plus elles sont soumises à des règles de gestion familiale archaïque qui ne les prédisposent pas à affronter un environnement concurrentiel. Pourtant, des potentialités existent et, à titre indicatif, il évoquera les potentialités dans le domaine du plastique, mais aussi de l'électronique avec la proximité de l'Enie de Sidi Bel-Abbès. On considère également que ce dernier aspect, dans une certaine mesure, a été déterminant dans le choix du site à Oran plutôt qu'à Mostaganem avec la proximité de l'autoroute et du port. «On ne construit plus les voitures comme on le faisait dans les années 1960/1970», fait-il encore constater pour introduire la nécessité de maîtriser les nouvelles technologies. Se basant également sur la volonté de la firme française de se lancer dans les véhicules hybrides à l'horizon 2020, il se demande quelle sera la part de la production en Algérie dans ce domaine. Quoi qu'il en soit et en résumé, le projet doit s'inscrire dans une tactique, elle-même inscrite dans une stratégie globale, qui est la réindustrialisation de l'Algérie.


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