Algérie

Au-delà de mes rêves de Jugurtha Abbou Ou comment soigner les âmes meurtries


Publié le 03.08.2024 dans le Quotidien l’Expression

Il est encore jeune, mais il ne cesse de nous surprendre agréablement par ses publications littéraires.

Jugurtha Abbou est un nom à retenir car au rythme où il avance dans l'arène de l'écriture, il ne peut qu'aller loin. Il détient tous les ingrédients pouvant faire de lui une plume qui scintillera et fera la fierté de la littérature algérienne. Il est déjà l'auteur de plusieurs livres. Il vient de publier un nouveau roman chez la prestigieuse maison d'édition Dalimen. Le roman porte pour titre Au-delà de mes rêves. Et il a pour ambition de répondre à la question: «Comment sauver les âmes meurtries».
Ce livre est le cinquième portant la signature de Jugurtha Abbou. Ce dernier nous apprend que son nouveau roman est un appel au rêve, un appel à l'espoir.
Le roman narre la trajectoire de Tarek, le personnage principal. Il naquit dans un village. Toutefois, il a eu à traverser villes et pays, passant par de moult péripéties et affrontant diverses épreuves. Jugurtha Abbou explique que ce qui distingue ce jeune des autres, c'est le rêve: le don d'interpréter les rêves des autres et de réaliser les siens, si fous et si originaux soient-ils. «...À son mentor qui l'interrogeait sur on rêve suprême, le personnage principal n'hésite pas à répondre: devenir prophète. Car même s'il reconnaît que le temps des prophètes est révolu, Tarek croit profondément qu'il est plus que jamais temps d'asseoir le bien à la place du mal et de semer le bonheur là où fleurit la tristesse», étaye Jugurtha Abbou. Mais, précise ce dernier, Tarik affronte les idées rétrogrades, les pensées ségrégationnistes et le système patriarcal que les hommes de son village ont instaurés, allant jusqu'à s'attirer leurs foudres: payant le prix de son audace, il est excommunié et se retrouve alors à Tizi-Ouzou,en proie aux flammes du printemps noir.
Dans ce roman que l'auteur veut présenter comme une photographie de l'Algérie, Jugurtha Abbou ne s'attelle pas sur une seule période de l'histoire, mais il nous fait voyager à travers les différentes phases que le pays a connues. De la guerre de libération aux lendemains de l'indépendance, puis les événements successifs, la décennie noire, le Hirak, les feux de forêts... Toutes ces étapes cruciales sont mises en lien avec le sujet central du livre; le rêve, souligne l'auteur. «Rêver me permet de vivre lorsque le monde trébuche, quand il danse entre une promesse de vie et une avalanche de morts. Rêver permet de rester éveillé au-delà du sommeil, pour franchir les craintes qui envahissent les vivants voués au trépas», écrit Jugurtha Abbou. Ce dernier réserve une place considérable à la guerre d'indépendance nationale. Il fait des clins d'oeil à cette période très importante dans notre histoire en rendant, notamment hommage aux figures illustres qui l'ont façonnée et qui en été les artisans. C'est d'un passage où il raconte un rêve dans lequel apparaît aâmi Larbi (allusion faite à Ben M'hidi), traversant la rue d'Isly, un couffin à la main.
Cette scène, vue dans le rêve, est brusquement freinée par le son d'une déflagration dont la victime n'est que Ramdane, l'homme que tous les habitants du village appréciaient. Ramdane n'est malheureusement que la première victime d'une série de crimes commis à Amdoun, le village d'où vient Tarek.

Forte inspiration autobiographique
Ce dernier, parti à Alger poursuivre ses études universitaires, apprend par le biais d'un cousin que Rabah, l'élu dévoué et engagé, est lâchement assassiné. Le roman est de trop forte inspiration autobiographique. D'ailleurs, on reconnait aisément à travers le personnage de Rabah la figure du regretté Rabah Aissat, ancien élu. «Les crimes commis se rejoignent dans ce qui sera probablement la clé de l'intrigue.
On a retrouvé sur chaque corps, une citation d'un écrivain», souligne Jugurtha Abbou qui dévoile au lecteur son caractère de grand lecteur. Il nous fait voyager de livre en livre, d'auteur en auteur. Il cite Louis Ferdinand Céline, Albert Camus, Isabelle Eberhardt et d'autres... «Le coeur serré, je revis les textes en entier et les biographies de leurs auteurs. Je voyageai au bout de la nuit avec Céline, je me relevai de la chute avec Camus, je partis à la recherche du temps perdu avec Proust, croyant au passage des miracles, avec Mahfouz. Je m'en allais au plaisir de Dieu avec d'Ormesson, sifflotant au nom de la rose, avec Eco. Je me rendis compte que cela ne me mènerait à rien et que la métamorphose de Kafka n'était pas pour alléger le fardeau. Je fis et je défis les citations, leurs auteurs et leurs oeuvres», ajoute Jugurtha Abbou. Ce dernier dit ne pas trouver de solution à l'immense problème qu'il rencontrait: «Quelque chose en moi m'affirma que j'étais si proche du but, si seulement je passerais par un autre détour». Ici, l'auteur et le personnage s'enchevêtrent merveilleusement et harmonieusement permettant au lecteur de s'extasier face à autant de génie littéraire et de maîtrise dans l'écriture. Au fil des pages et de l'évolution de l'intrigue, le personnage principal du roman finit par dénouer la situation non sans avoir à traverser les épreuves. D'abord à Alger où il dut faire face à une bande d'intégristes zélés, et qui le poussa à prendre la barque à la recherche d'horizons plus sereins, ensuite à Marseille où Tarek se trouva confronté aux problèmes de racisme. Ne pouvant se taire face à l'injustice, le héros de Jugurtha Abbou pousse le bouchon si loin qu'il finit par tomber dans le piège. Arrestation et emprisonnement, c'est le sort qu'il est appelé à affronter.
Le pénitencier est un lieu où il rencontre des détenus venus d'horizons différents et arrêtés pour des raisons différentes; violence, agression, drogue, djihadisme...

Écriture dense et rebondissements
Les débats dans le pénitencier étaient très animés d'autant plus qu'ils coïncidaient avec deux événements phares: le coup de boule de Zidane lors de la finale de la Coupe du monde et l'agression du Liban par l'armée sioniste. «Tarek se sent doublement impliqué. D'abord pour ses idées et ses valeurs qu'il a ouvertement défendues, aussi et surtout, parce que sa nouvelle dulcinée, Suzy, l'a quitté pour aller se battre au sein de l'armée sioniste, se contentant de lui envoyer une lettre dans laquelle elle lui exprime son plaisir de tuer au nom de sa cause», résumé encore notre interlocuteur. Mais notre personnage finit par retrouver Warda, son amour de jeunesse, Warda qui lui est restée fidèle depuis qu'il a quitté le village, Warda qui a tout fait pour le retrouver, Warda qui fait tout pour le sauver. Mais ce qui l'intéresse lui, ce pour quoi il vit, c'est la sauvegarde de son village, son extraction des forces qui sèment le mal. Pour y arriver, Tarek doit résoudre l'énigme des citations. Il fait appel à ses lectures, à ses auteurs préférés, mais aussi à la sagesse et au bon sens de son grand-père qui, le conseillant, lui indique la voie à suivre pour arriver à bout de sa requête. Comme on peut le constater le roman de Jugurtha Abbou est très dense. Il va d'un rebondissement à un autre.
Quant au style d'écriture, il est tout simplement captivant. Dans la préface du livre, signée par Ali Aberkane, Maitre de conférences à l'université d'Alger, il y est précisé: «Au-delà de mes rêves s'inscrit dans ce dépassement de la réalité, et nous incite, de manière subtile, à retrouver notre âme d'enfant, un temps que l'on croyait perdu à jamais.
Comme le dit si bien le protagoniste: On ne compte pas ses rêves, on les réalise».
Aomar MOHELLEBI

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