Au temps jadis, il y avait au village d'Erchin, du côté de Douai, un petit garnement qu'on appelait la Guerliche, parce qu'au lieu d'aller à l'école, il passait la sainte journée à dépeupler, sans miséricorde, les étangs et les viviers du prochain.Carpes, brochets, tanches, lottes et perches, tout lui était de bonne prise, et jusqu'aux guerliches ou loches, qui ne servent chez nous qu'à annoncer la pluie ou le soleil. Aussi malin qu'adroit et preste, il glissait comme un poisson entre les mains du garde champêtre, en quoi il méritait doublement son nom de la Guerliche.Il était l'unique souci du mayeur d'Erchin, un gros fermier rouvelème qui avait la sagesse de laisser chacun agir à sa guise et le monde rouler sa bosse à la volonté de Dieu. Il n'y avait point de jour qu'on ne vînt déranger le brave homme, au milieu d'une partie de cartes, pour se plaindre des fredaines du petit vaurien?; aussi finit-il par perdre patience, et, un beau soir, il jura ses grands dieux qu'il le fourrerait en geôle à la première escapade.Le surlendemain, à l'heure où tout le monde était aux champs, le mayeur fumait sa pipe à la porte, assis sur la caquetoire, ou, si vous l'aimez mieux, le banc aux caquets.Il dormait à moitié, quand un léger bruit lui fit ouvrir l'?il. Que vit-il?' l'endiablé maraudeur qui, à cheval sur le mur, pêchait effrontément ses canards à la ligne dans la mare de la basse-cour.«Attends un peu, va, fieu, que je me lève?!» cria le mayeur. Mais la Guerliche ne l'attendit point, et, préférant le soleil à l'ombre, il jugea prudent de décamper et ne reparut plus à Erchin.Longtemps après, par un lundi de ducasse, les mynheers d'Erchin, la tête un peu lourde pour avoir trop bu la veille, fumaient leurs pipes en silence au?Bon Couvet, quand voilà qu'un grand drôle, vêtu, comme un Jean Potage, d'une veste de velours brodée de paillons, s'arrêta devant le cabaret.Il pria l'hôtesse de lui prêter une table, la couvrit d'un tapis, tira de sa gibecière une baguette noire, des gobelets et des muscades, sonna de la trompette, puis s'adressa en ces termes à l'honorable assistance?:«Messieurs et dames, vous voyez devant vous l'incomparable Brambinella, escamoteur en chef de Sa Hautesse le grand sultan, du calife de Bagdad, du shah de Perse, de Sa Majesté le roi des Pays-Bas et autres têtes couronnées. L'illustre escamoteur va avoir l'honneur de travailler sous vos yeux, et, si vous êtes contents et satisfaits, le spectacle ne coûtera à chacun de vous que la bagatelle d'un patard.»L'incomparable Brambinella exécuta alors différents tours de gobelets, au grand ébahissement des villageois d'Erchin, gens primitifs et encore peu civilisés. Outre ses muscades, il escamota des florins, des bagues, des montres d'argent, et jusqu'au canari de Marie-Joeph, l'hôtesse du?Bon Couvet, qu'on retrouva dans le chapeau du mayeur Sans-Souci.A suivre
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Posté Le : 02/10/2016
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Charles Deulin 1827 1877
Source : www.infosoir.com