Algérie

Au coeur d'un désastre



«Nos nuits sont de plus en plus cauchemardesques, ces derniers jours. Le silence nocturne est très souvent entrecoupé par les sirènes des ambulances se faisant entendre à plusieurs kilomètres à la ronde, en plus des cris hystériques des familles déplorant, à gorges déployées, la perte des membres de leurs familles», rapporte, dépité Moulay Mohamed, résidont dans un quartier populaire de Maghnia. «La situation est aux abords du chaos», a-t-il ajouté. Ces petites phrases résument tout le mal qui règne dans la ville qui porte le nom de la Sainte Lala Maghnia. «Le mal est d'autant plus profond que la douleur est de visu perceptible sur les visages de plusieurs dizaines d'habitants qui assistent, impuissants à l'aggravation de la pandémie dans cette ville, située à l'extrême ouest du pays. À Maghnia, il ne fait plus bon vivre. Les bambins ne jubilent plus, ne se distraient pas non plus. Leur joie d'antan a du coup disparu, laissant place aux larmes chaudes secouant leurs corps vierges en perdant, proches chers, succombant au virus. «On continue à compter les morts», déplorent plusieurs habitants. Pour cause, la Covid-19. Cette ville a, en un laps de temps, perdu de son charme. À Maghnia, la mort rode dans la quasi-totalité des rues. Elle n'épargne aucune tranche de la société. Des hommes, des femmes, des jeunes et moins jeunes, ne tiennent plus, ils succombent, endeuillant leurs familles. Le système sanitaire local est en décrépitude. Il dépérit davantage. Il a tout simplement entièrement lâché. Ce très contagieux virus Covid-19 l'a mise à genoux. Ce dernier ne recule plus. La perche tendue par ces quelques volontaires armés de moyens rudimentaires ne sert pas à grand-chose, tout comme ils ne peuvent plus rien faire, hormis d'assumer les petites missions humanitaires en se mettant à la recherche des médicaments, de l'oxygène et des moyens de protection pour le personnel soignant. Ils courent dans tous les sens, ne sachant plus à quelle porte frapper ni à quel saint se vouer, étant donné que leur cas est totalement similaire à la situation vécue un peu partout dans le pays. En quête des moyens qu'ils remettent aux médecins, ces derniers sont, eux aussi, épuisés, saturés et blasés. Ils crient à l'abandon, au laxisme des autorités et à la léthargie complice de la population qui ne se met pas à l'abri du danger.La pause mortelle
Pourquoi et comment en est-on arrivé à cette situation difficile à redresser du jour au lendemain alors qu'on pouvait facilement faire mieux' se demande-t-on. La ville offre une image désolante. Le constat n'échappe à personne. Dès l'aube, des hommes et des jeunes se collent, s'entassent, sans aucune protection, dans les cafés qu'ils transforment en fumoirs. Dans leurs parlotes», ils abordent toutes les questions et décortiquent, notamment, la crise sanitaire qui frappe de plein fouet leur ville, déplorant par là même les trépas causés par la Covid-19. Ils passent en revue la liste des personnes ayant été admises la veille à l'hôpital, ils dénoncent paradoxalement le système sanitaire saturé. Les accusations ne manquent pas. Il est d'autant plus pratique de se mettre à lancer des attaques fortuites et désigner des coupables que de prendre la chose au sérieux et se mettre à la recherche des solutions, ne serait-ce qu'en commençant par donner l'exemple en levant les bivouacs qu'ils dressent dans les cafés en critiquant pour critiquer. D'autant que celles-ci sont faciles à entreprendre. «Il suffit, selon un médecin de l'hôpital Chabane Hamdoune, de se conformer aux règles universelles entrant dans le cadre de la protection de la santé publique. «Il s'agit du confinement et l'observation des gestes barrières», réitèrent ceux qui sont plus aux faits. Tout le contraire se produit. Si Haï Chouhada, quartier abritant environ 100 000 habitants, est, du jour comme de la nuit, endeuillé, les badauds restent attachés à leurs coutumes à telle enseigne que certains croient que la Covid-19 est une «badinerie» ou encore un simple fait qui passera sans trop de fracas ni de dégâts. Idem dans le quartier populaire de Matmar ou encore à El Hamri ou encore dans plusieurs cités. Iconscientes sont tout de même certaines familles qui croient que l'apocalypse constitue la création de la fiction cinématographique. Sinon comment interpréter le fait que nombreuses ont été les cérémonies de mariage qui ont été organisées discrètement' Les plus aux faits n'en reviennent pas dans leur ébahissement, d'autres s'en moquent.
Le personnel soignant dépassé
En fait, le confinement constitue le dernier souci de ces inconscients bravant, de par leurs comportements, les interdits et les lois en s'exposant aux dangers, exposant les autres à une mort certaine, avant de tomber, sens dessus-dessous, sur les médecins et le personnel soignant, les traitant de tous les noms d'oiseaux dés que l'on annonce le décès d'un tel ou tel patient. Dans leurs discussions très souvent acerbes, la négligence médicale revient comme un leitmotiv. Là est toute la question qui est à poser. Ces médecins et infirmiers, qui ne sont pas tenus par l'obligation de résultat, sont fortement atteints. Ils sont mobilisés sur la première ligne et assistent, impuissants à l'aggravation de la situation, faute de moyens. Manifestant certes, leur détermination, ces médecins comptent amplement sur l'implication directe et efficiente ne serait-ce que d'une partie de la population en leur demandant de se confiner en mettant un terme à ces flâneries très souvent fatales. «Ecrivez dans votre journal que la ville de Maghnia est sinistrée», déplore un infirmier, imputant cette «responsabilité à ces spectateurs qui, selon le même infirmier «se transforment en acteurs principaux en contribuant amplement à la lutte contre la propagation de Covid-19». Un bénévole du mouvement associatif ne cache pas sa déception, en dépeignant amèrement la situation du chaos régnant dans cette ville. «Il est vrai que nous ne sommes pas préparés à de telles situations, mais nous ne nous attendions pas non plus à vivre de plein fouet cette phase cruciale que nous subissons actuellement», a-t-il fini par lâcher, tout en soupirant, priant, par la même la Clémence divine. Où sont passées ces autorités censées intervenir et «forcer» ces «énergumènes» à rentrer chez eux' s'est-il demandé, assénant que «la situation épidémiologique de Maghnia est à son comble». Manque de moyens, l'oxygène arrive au compte-gouttes, le personnel soignant est d'épassé, tandis que le laisser-aller est ambiant. À quand la prise de conscience, d'autant plus que le ton n'est plus à l'anarchie ni encore moins au relâchement' Selon un médecin de l'hôpital Hamdoune Chabane, «la ville de Maghnia abrite un cluster géant qui nécessite une enquête épidémiologique immédiate». Le répit et le retour à la normale ne sont contre toute attente pas pour demain. L'épidémie est, visiblement, inscrite dans la durée, à moins que des mesures drastiques soient prises dans les plus brefs délais.


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