[email protected] /* */En évoquant le bain maure, Assia rit à gorge déployée. «J'ai soixante ans, j'en rigole aujourd'hui, mais à l'époque, du haut de mes cinq ans, croyez-moi, j'en pleurais.» Elle s'en souvient comme si cela datait d'hier. Elle revoit encore cette grande salle avec ses multiples colonnes, sa mosaà'que, son marbre et ses porte-manteaux alignés. Elle se rappelle lorsqu'accompagnée de sa maman et de sa sœur, elle à'tait ses vêtements avec pudeur pour vêtir sa fouta, dénouait ses cheveux, pour pénétrer dans l'antichambre.Une sensation de froid l'envahit, puis, en poussant la seconde porte, la chaleur, le brouillard la surprennent. Il lui faut quelques minutes pour y voir plus clair. Et là , elle distingue toutes ces femmes la chevelure en bataille, des grosses, des maigres, des blanches, des brunes, des grandes, des petites et des vieilles à la peau fripée. Et tous ces gamins, filles et garçons pas plus hauts que trois pommes, aux joues rouge sang qui, brûlant de chaleur s'aspergent d'eau froide, s'en donnant à cœur joie. «Ce qui m'horripilait le plus, c'étaient ces mamans hystériques qui emprisonnaient leurs petits entre leurs jambes, attrapaient leurs cheveux et comme un linge sale, elles les lavaient, frottaient sans relâche jusqu'à épuisement. Ni les cris ni les hurlements des enfants n'avaient raison de leur acharnement. Elles continuaient en mâtant les rebelles. Elles tiraient sur leur tignasse, en leur assénant des tapes sur les cuisses nues qui résonnaient dans cette grande salle. Les images de ces gamins sont encore vivaces. Les malheureux étaient terrorisés par cet espace embué qu'ils découvraient pour la première fois et cette canicule qui les étouffait. Ils refusaient d'entrer, se faisant traîner par leurs mamans à coups de fessées. Et le comble, c'est lorsque, pieds nus, on les ramassait sur le marbre glissant. Le pire c'est qu'on ne se souciait guère du mal qu'ils pouvaient ressentir, au contraire, ils avaient droit à une tannée en bonne et due forme. Ce qui me répugnait plus que tout, c'est le henné qui ruisselait sur le sol.Le calvaire, quoi.» Aujourd'hui, avec du recul, Assia tourne à la dérision ces épisodes. Elle en garde quand même un bon souvenir, le meilleur sans nul doute, le moment où, enveloppée dans des draps de bain et propre comme un sou neuf, sa maman épluchait des oranges et leur en distribuait des quartiers. «Je sens encore l'effluve qui embaumait l'air.»Le bain elle en raffole. Le décor y a beaucoup changé et les enfants ne sont pas pieds nus !
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Posté Le : 02/01/2016
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Naé Ì„ma Yachir
Source : www.lesoirdalgerie.com