ATTITUDES

naiyach@yahoo.frLes yeux rivés sur la scène, des enfants de six à treize ans suivent la gestuelle et boivent les paroles d'un couple d'artistes venu de France se produire sur les planches du théâtre et du cinéma Le Casino. Le tout organisé par l'Institut français d'Alger. Des sursauts, des éclats de rire, puis le silence. Les bambins sont fascinés par un vulgaire sac en plastique de couleur rose qui se transforme en un personnage, qui incarne le rôle principal de la pièce. La trame : une odyssée sur les dangers environnementaux du polymère. L'histoire se déroule en pleine mer. Un décor fabriqué à base de dizaines de sachets en plastique. Notre héros s'appelle Plastok. Il nage dans la mer puis devient l'ami des méduses. Une tortue l'avale, elle meurt. Elle l'a confondu avec son repas. La pièce est jouée en français, mais cela n'a pas empêché notre couple d'introduire quelques mots en arabe, ce qui a provoqué des rires dans la salle. Plastok continue son voyage en mer. Il atterrit sur le Grand Garbage ou la grande poubelle flottante. Là, il rencontre celle qui l'a mis au monde, Pétra Oléum, la marée noire qui a tué des milliers de mouettes. Dans la salle, nos jeunes spectateurs ne décrochent pas. Ils sont émerveillés par ces grandes marionnettes lumineuses balancées par nos acteurs. Du suspense créé par une musique interprétée en direct par la troisième personne qui accompagne le couple. Les jeux de lumière, la fumée, les effets spéciaux subjuguent à eux seuls nos enfants, même si certains ne maîtrisent pas la langue. Une prestation comme ils n'en ont pas vu depuis belle lurette. Au départ, comme ces deux collégiens du quartier qui ont atterri par hasard dans cette belle salle ouverte depuis deux ans, le dialogue qu'ils ne comprenaient pas très bien ne les attire pas. Mais nos gamins éclatent de rire grâce à l'expression libre et sans tabou du corps. Notre couple a réussi ainsi à leur transmettre la force de l'art. Le sac plastique, ils le connaissent, il fait partie de leur décor quotidien, mais ils ne l'ont jamais vu sous cet angle. Avec leur innocence d'enfant, ils se demandent : comment peut-on réaliser un décor avec une telle matière ' Des sachets, il y en a plein. Beaucoup plus qu'ils ne pouvaient l'imaginer, comme ils ne pouvaient pas se douter que ce sac vit jusqu'à 400 ans. Ils ont appris que les emballages en papier ou en carton sont biodégradables, qu'ils ne polluent pas l'environnement. «Mais où sont-ils, on ne les voit pas '» Eh oui, la vérité sort de la bouche des enfants. Un ancien ministre de l'Environnement avait pourtant promis dans ses discours enflammés devant les médias qu'il mènerait une guerre sans merci au sachet «noir». Il faut croire que notre vulgaire sachet a eu raison de lui et de tous les autres qui lui ont succédé. Moralité : le plastique a encore de beaux jours devant lui.