naiyach@yahoo.frLe visage rubicond, le front dégoulinant, Asma essuie la sueur. Depuis quelques années maintenant, la petite serviette blanche qu'elle range dans son sac ne la quitte plus. Aujourd'hui, comme tous les samedis, elle rend visite à sa vieille tante avec laquelle elle passera toute la journée. Elle prend le métro, ça va plus vite, il y a moins de monde et surtout elle n'aura pas tous ces yeux rivés sur elle lorsqu'elle passera sur son visage le linge blanc, comme c'est désagréable pour cette cinquantenaire de le faire en public. Elle a envie de dire à tous ces gens qui la regardent comme une bête curieuse, qu'à 57 ans, elle n'a plus toute sa jeunesse, que ses os devenus fragiles la font souffrir et que ses hormones l'ont trahie. Elle descend au terminus et se dirige chez Amma Doudja. Sa tante, comme tous les samedis est heureuse de la voir. C'est le tour d'Asma de s'occuper de cette vieille de 80 ans clouée au lit depuis trois mois.C'est avec plaisir qu'elle la retrouve, qu'elle lui fait sa toilette, range la maison (qui du reste est propre, car la veille c'est Zakia, sa nièce, qui est passée), lui prépare son plat préféré : un ragout de pommes de terre au pouliot bien épicé.Et au diable les instructions du médecin ! Asma est en nage. Elle sait que ce n'est ni la chaleur ni les efforts qu'elle vient de faire qui en sont la cause. Ce sont ces satanées bouffées de chaleur qui lui empoisonnent la vie. Elle finit de rectifier l'assaisonnement, couvre la marmite et éteint le feu. Elle jette un regard furtif à sa montre : «J'ai juste le temps de prendre une douche, lui donner son médicament, et déguster le ragoût avant qu'il ne refroidisse.»Asma se dirige vers la salle de bains. Elle en sort toute fraîche et sent la lavande. Les voilà à présent dans la chambre, l'une en face de l'autre, savourant le mets. «Que c'est bon, je me régale. Aucune autre femme ne sait préparer 'batata flio' comme toi», dira la tante. Asma ne fait presque pas attention à ce compliment.Les premières gouttes de sueur lui couvrent le visage, et bientôt tout le corps. Elle pose sa cuillère, et après un long soupir, va chercher sa serviette. «ça recommence. Je ne peux plus rien apprécier, c'est comme ça presque tous les jours. Le pire c'est quand je suis au travail, et que je suis coincée dans une salle de réunion. Je ne vais tout de même pas expliquer à mes collègues, pour la plupart des hommes, que je suis ménopausée.»- C'est la vie, ma fille. On ne peut pas garder éternellement sa jeunesse.- Oui, mais c'est très contraignant. Surtout la nuit. Se réveiller trempée en plein sommeil, ce n'est pas gai. J'ai toujours un éventail sur la table de nuit. Un soir il est tombé derrière la tête de lit. C'est mon mari qui l'a trouvé et qui m'a éventée.- Estime-toi heureuse. Tu ne te souviens pas de Meriem qui a carrément été répudiée par son époux. Elle a fini dépressive.- Je sais que je n'ai pas encore beaucoup à tirer. Et au diable ces bouffées de chaleur ! Je pourrai enfin reprendre ma vie normale, même si mon squelette n'est plus ce qu'il était. Comme on dit, on a l'âge de ses os et de ses artères !
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Posté Le : 25/04/2015
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Naé Ì„ma Yachir
Source : www.lesoirdalgerie.com