Algérie

ATTITUDES



ATTITUDES
naiyach@yahoo.frIl fait froid en ce vendredi de février. Il a plu en abondance les jours précédents et la terre dégorge d'eau. Il est à peine 8h et les abords du centre de tri postal de Birtouta grouille de monde. Deux files interminables se forment pour séparer les genres. Nos quidams, emmitouflés dans leur manteau, tiennent dans leur main un petit morceau de papier jaune sur lequel est inscrit un numéro.Ils sont là , les pieds enfoncés dans la gadoue, espérant enfin élucider l'énigme de la fameuse convocation pour le paiement de la première tranche des logements AADL, qu'ils attendent, pour certains, depuis près d'une année et qui n'arrive toujours pas.La foule se fait de plus en plus dense, et les esprits s'échauffent. Les femmes s'entassent, se bousculent, crient à l'injustice car les hommes, plus costauds, usent de leur force pour remettre leur numéro au préposé au guichet que seuls ceux qui sont en tête de file aperçoivent derrière une petite lucarne.Un homme d'un certain âge, sorti de ses gonds, demande aux femmes de se tenir à l'écart et de ne plus le toucher. Un autre fend la masse en criant : «Laissez-moi passer ! Ma femme est malade, elle étouffe, elle va s'évanouir.» Un gaillard, d'une voix rauque et qui porte demande le silence, car l'employé revient quelques instants plus tard avec une pile de documents remis la semaine d'avant par les concernés. Il fait l'appel. On joue des coudes, on grimace, on s'époumone pour arriver à la minuscule fenêtre et récupérer la réponse. Une femme au corps frêle est emportée par la marée humaine. Ses pieds ne touchent plus le sol, et comme par magie elle se retrouve nez à nez avec l'agent. Ses congénères ont vite fait de lui refiler leur ticket. Elle se retrouve ainsi avec plusieurs bouts de papier qu'elle remet gentiment au préposé ; ce qui a provoqué le courroux des hommes qui pestent sur elle en la sommant de respecter la chaîne et de ne plus ramasser les petits carrés jaunes. Les femmes ne se laissent pas faire. Elles rouspètent, convaincues que c'est la seule manière de faire vite : «On est vendredi et on ne va pas passer notre journée ici !» La lucarne se ferme le temps de la recherche. L'homme réapparaît avec les documents. Un volontaire au bras long (au sens propre du terme) et qui se trouve à proximité de la petite ouverture distribue les feuilles.Il évitera bien des désagréments à ceux qui tentent de se frayer un chemin. Les souscripteurs s'empressent de lire le contenu. L'expression de leur visage en dit long sur le type de réponse, un large sourire découvrant généreusement les dents jusqu'aux molaires signifie que la convocation se trouve à la direction de l'AADL, et que l'heureux demandeur ira la récupérer pour payer la première tranche. Les yeux de chien battu signifient qu'il faudra encore se déplacer le vendredi qui suit. Quant aux vociférations et aux crises de colère, cela veut tout simplement dire que le dossier a été rejeté et qu'un recours s'impose. Ainsi, chacun quitte le flot humain, pressé, beaucoup regagnent la gare ferroviaire qui se trouve tout près du tri postal. Une pluie fine commence à tomber. Le train arrive et dans les compartiments ces compagnons d'infortune, le formulaire à la main, raconte leur déboire. «Moi, cela fait le huitième vendredi que je me déplace. Dieu merci cette fois c'est la bonne», dira avec beaucoup d'émotion une dame.«Moi, on m'a inscrit la lettre «N» sur la feuille, cela veut dire que la galère continue, et je suis pas au bout de mes peines», grogne un quinquagénaire.Il est 11h. Dehors, il pleut des cordes et l'entrée du tri ne désemplit toujours pas.




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