ATTITUDES

naiyach@yahoo.frComme un éléphant dans un magasin de porcelaine, Malika dérange tout ce qu'elle touche sur les étalages d'une supérette d'un quartier chic de la capitale. Elle voulait juste prendre quelques paquets de biscuits, et voilà que toute la pile se retrouve par terre, et en présence de qui ' cette élégante dame à qui elle voudrait tant ressembler et qu'elle croise tous les jours dans cette même échoppe, et qui, comme par hasard, se tenait à quelques centimètres d'elle. Elle choisit ses petits-beurres, avec délicatesse sans faire de bruit et sans ameuter le garçon du rayon qui a tout remis en place devant le visage pâle de Malika qui s'est confondue en excuses. Et comme pour l'agacer, elle passe devant elle, la frèlant de son chariot, en arborant un large sourire. Malika, ravalant sa colère, fait mine de rien et continue ses achats. «Zut alors ! encore elle, mais on dirait qu'elle m'épie, qu'elle attend la moindre maladresse de ma part pour rire sous cape. C'est mon cauchemar !»Elle se dirige cette fois au rayon frais sous l'insistance de son gamin de quatre ans qui veut absolument sa petite bouteille de yaourt. Elle ouvre l'armoire frigorifique et lui tend la bouteille. Ce dernier en deux temps trois mouvements à'te le bouchon et voilà le contenu par terre devant les yeux ahuris de son «contraire», cette dame, toujours zen, le geste lent, sûre d'elle, qui a pris ses yaourts sans fracas. Malika, sortie de ses gonds, affichant un sourire jaune, réprimande son fils «gentiment», ne sachant pas quoi faire de la bouteille. Elle est sauvée in extremis par un employé qui en une fraction de seconde nettoie tout. Malika, excédée, veut tout de suite quitter le magasin mais elle vient à peine d'entamer sa liste d'achats. Elle traîne son petit qui pleure en réclamant son laitage. Elle essaye de le calmer mais rien n'y fait. Elle s'attire les regards des clients, qui font la moue devant de tels comportements. Malika essaye de reprendre la situation en main, gronde sévèrement son enfant, qui cette fois s'assoit par terre et ne veut plus bouger. Au bord des larmes, elle tente de le raisonner quand, au même moment, l'élégante dame passe devant elle, choquée. Elle n'a pas besoin de prononcer un mot, Malika a tout compris dans son regard.Elle s'approche du bambin, et lui tend une barre de chocolat. Il la prend, se lève, sèche ses larmes et retrouve son sourire. «Vous savez, il faut aller mollo avec les gosses, j'en ai trois, je sais ce que c'est», lui lance-t-elle. «Et en plus elle me donne des leçons. C'est vraiment le bouquet !» Furieuse, elle prend la main de Skander, met un terme à ses emplettes et se dirige tout droit vers la caisse. Et comme par un dernier des hasards, elle se retrouve derrière sa donneuse de leçons. En dame civilisée, son «cauchemar» lui cède sa place car Malika n'avait pas beaucoup d'articles, comparés à son chariot rempli à ras bord. Elle passe devant, irritée.Au moment de payer, elle cherche son porte-monnaie. Prise de panique, elle farfouille dans son sac. Voilà que tout le contenu se retrouve sur le sol. Sa bourse est introuvable. Les clients s'impatientent, la caissière ne sait plus quoi faire. Malika, confuse, ramasse ses effets. Son samaritain a vite fait de payer, avant même que Malika ne s'en rende compte. «Ce n'est rien Madame, de toutes les manières on se voit presque tous les jours ici, vous aurez tout le loisir de me rembourser.»A ces mots, Malika se sent achevée. Elle court vers son véhicule et éclate en sanglots. En glissant sa main dans la poche de son manteau pour chercher les clés de sa voiture elle retrouve son porte-monnaie. Elle s'affale sur son siège après avoir installé Skander à l'arrière, et pleure comme une Madeleine.