Algérie

Attention, chaussée glissante


Attention, chaussée glissante
Certains partis d'opposition tentent de se regrouper sans pouvoir s'entendre sur l'essentiel.Certains titres de la presse nationale ont rapporté cette semaine une information des plus sensibles et qui mérite de ce fait d'être considérée avec beaucoup d'attention. Selon cette information, l'ambassadeur de l'Union européenne à Alger aurait adressé des invitations aux leaders de la Coordination nationale pour les libertés et la transition démocratique (Cnltd) aux fins de leur proposer une rencontre. A un moment aussi important de l'évolution politique, économique, sécuritaire et sociale du pays, une telle démarche devrait être considérée sous tous les angles et approcher de plus d'une perspective. Petits rappels.Une situation non enviableSur le plan politique, notre situation soulève beaucoup de questions. La maladie du président de la République est une réalité sur laquelle travaillent quelques courants d'opposition et, jusque-là, il n'y a rien d'anormal car cela fait partie du jeu démocratique si l'on nous concède encore ce vocable et cette expression. Par ailleurs, des manoeuvres aux origines aussi mystérieuses qu'inconnues visent à déstabiliser, encore une fois, le FLN alors que l'autre parti fort du pays, le RND se tape, depuis le départ de Ouyahia, un sommeil comme il n'en a jamais connu. Certains partis d'opposition tentent de se regrouper sans pouvoir s'entendre sur l'essentiel, d'autres essaient de regrouper alors que d'autres se préoccupent du festin jeté là sur la table d'un destin dont on ignore de plus en plus l'avenir. Ceux qui ont préféré s'allier au pouvoir essaient de faire leur travail en fonction de leurs convictions et des opportunités qu'offre le climat trouble et incertain qui traverse le ciel de l'Algérie de Novembre 2014. Sur le plan économique, et après une longue période de vaches grasses au goût du pétrole, les indicateurs significatifs commencent à changer de couleur. Comme il était facile de le prévoir, ces indicateurs sont en train de virer au rouge depuis que le prix du pétrole a commencé à chuter. Une chute dont il fallait amortir l'impact, non pas depuis le mois de juillet dernier, mais depuis le premier jour d'indépendance. Notre pays n'a ni industrie, ni agriculture, ni tourisme, et nous n'avons ni l'ambition ni la capacité de travailler. La rente, que les parvenus et les incapables ont érigée en système de valeur, ayant tout anéanti sur son passage. Sur le plan social, les revendications ne font qu'augmenter et ce n'est pas en jetant des milliards par les fenêtres de la République, comme on le fait depuis longtemps, que l'on pourrait y répondre ou que l'on pourrait éteindre l'envie ou le droit de mieux vivre de ceux qui s'égosillent à crier leur mal-vivre.Sur le plan sécuritaire, la présence des forces de l'ANP aux frontières du pays est un élément des plus révélateurs d'une situation qui, bien que n'étant pas alarmante, demeure loin d'être idéale. A cela, bien sûr, il faut ajouter la réapparition de certains actes terroristes et le danger que présente l'instabilité en terre de Libye et au Mali.Au début, il y a toujours eu des commissions pour le changement et la démocratieC'est dans ce climat que l'ambassadeur de l'Union européenne veut rencontrer les mem-bres de la Cnltd. Cette démarche soulève deux séries de questions. La première est celle relative au pourquoi de la rencontre elle-même' Oui, pourquoi le représentant de l'UE voudrait-il rencontrer cette partie de l'opposition et pas l'opposition dans son ensemble' Pourquoi est-ce maintenant et pas avant ou plus tard' Pourquoi est-ce que cela se passe le lendemain de la nouvelle hospitalisation de Bouteflika' Pourquoi est-ce que cela a lieu après l'appel au peuple de la Cnldt' La seconde série de questions se rapporte aux buts recherchés par cette rencontre. Oui, dans quel but est en train de bouger le représentant de l'UE' Est-ce pour aider cette partie de l'opposition en particulier à aller de l'avant pour faire aboutir ses revendications' Ou bien est-ce pour comprendre les motivations qui la font bouger' A moins que la démarche de la Cnltd, jusque-là pacifique et pacifiste, soucieuse de l'intérêt du pays et du bien du peuple, ne se soit avérée peu suffisante aux yeux de l'Union européenne qui voudrait que les choses aillent plus vite, comme en Libye ou en Syrie, par exemple! Ou bien est-ce que ce représentant de l'UE détiendrait des informations que nous n'avons pas encore et qui l'auraient poussé à agir rapidement pour ne pas être dépassé par des événements quelconques' Quelle que soit la réponse à donner à chacune de ces interrogations, il faudrait le faire en gardant présent à l'esprit que ce qui se passe en Syrie aujourd'hui avait bien commencé par une rencontre avec une certaine opposition. Il ne faut pas oublier non plus, que le chaos qui sévit en Libye avait aussi commencé par une rencontre avec une certaine opposition. La Coalition nationale syrienne et le Conseil national de transition pour la Libye avaient servi de cheval de Troie pour une ingérence d'abord à la télécommande puis directe. Mieux, dans les deux cas, et au nom de «la défense de la démocratie et du droit des peuples», ces deux instances ont été reconnues comme représentants des peuples. Ceci donna les suites que nous connaissons si bien.Osons refuser l'appel des apôtres de la démocratie intéresséeJusque-là, le travail entrepris par la Cnltd demeure une activité d'opposition politique dans un pays. Son propre pays. Mais à partir du moment où d'autres parties, comme l'Union européenne par exemple, commencent à y mettre de leur grain, il est des choses qui pourraient échapper au contrôle de la Cnltd elle-même et ce n'est pas à cause d'un manque d'intelligence ou par mégarde, mais c'est parce que cette ingérence par le biais de comités, commission, conseils... on ne la connaît que trop et ses conséquences sont des plus désastreuses. Lorsqu'on donne sa main au diable, on n'est pas toujours capable de la retirer. Il ne s'agit pour nous, en aucun cas, de diaboliser la Cnltd comme l'ont fait certains parvenus de la dernière heure, dont le seul mérite est de réagir à l'oeil sans jamais poser de question, ni même être capable de le faire. Il s'agit, tout simplement, d'attirer l'attention sur l'aspect très glissant de certaines routes et l'inopportunité de certains sentiers. Nous n'appelons pas, non plus, à fermer la porte aux discussions avec ces parties-là. Il est des mondes où, lorsqu'on y met le pied, on ne peut plus revenir en arrière. La rencontre avec le représentant de l'UE, à ce moment précis, est inappropriée et nous semble malvenue. Beaucoup de choses laissent à désirer dans notre pays car la démocratie, chassée de toutes parts par les intrus et les indus occupants, a été empêchée d'y élire domicile. Nous, Algériens, savons exactement pourquoi et comment et tant que notre destin est entre nos propres mains, tout demeure encore jouable, car possible. Alors n'empruntons pas les chemins de ceux qui ont aidé à dévaster leurs pays, osons dire non à certains ersatzs de démocratie, osons rejeter les offres des apôtres de la démocratie intéressée qui n'invitent en réalité que sur des sentiers inconnus et à la certitude effroyable.L'action des hommes, politiques y compris, ne prend de sens qu'à partir du moment où cela dépasse leurs propres ambitions, leurs propres attentes, pour faire passer celles des autres d'abord.