Oui, attention au réveil, car lorsque ceux qui auront acquis l'habitude de, simplement, occuper la rue pour obtenir ce qu'ils veulent ne pourront plus rien obtenir...A l'occasion de la présentation du projet de loi de finances pour 2015 à l'APN, le ministre des Finances, Mohamed Djellab, n'a pas raté l'occasion de rappeler aux Algériens la chute du prix du pétrole. Une chute que chacun de nous sait et suit depuis quelque temps. Certes, le ministre a dû y mettre le bémol pour qu'il n'y ait pas de panique, il l'a dit en termes diplomatiques, mais il l'a dit tout de même: le risque est grand, il peut même être très grand. C'est ce qu'il a voulu dire par «à prendre très au sérieux» concernant cette chute du prix.Le prix élevé du pétrole a été un dangerEn réalité, après cinquante ans d'indépendance, il est difficile de dire si c'est la hausse du prix du pétrole qui est dangereuse pour nous ou si c'est sa baisse qui devrait nous faire peur. Depuis toujours, lorsque le prix augmente, on a plus d'entrées d'argent et nous nous laissons aller dans la douceur du gaspillage, du confort et de la rente. Nous jetons des milliards à chaque passage dans chaque wilaya. Sans trop savoir pourquoi ni où cela nous mènerait dans quelque temps pas si loin, nous augmentons les salaires de tous ceux qui marchent dans la rue. Nous le faisons même avec effet rétroactif. Nous finançons des projets qui sont mille fois revalorisés sans jamais demander des comptes. Nous établissons des budgets qui sont toujours revus à la hausse sans jamais savoir pourquoi. Les augmentations soutenues du prix du pétrole ont fini par perpétuer notre comportement irresponsable jusqu'à ce que nous en faisions une première nature.Nous avons fini par comprendre que l'argent et le travail ne sont pas compatibles. Eh oui, pourquoi travailler si on a de l'argent' Pourquoi travailler si le prix du pétrole est élevé'C'est ainsi que nous avons, le temps aidant, fini par oublier ce que travailler veut dire. Et qui ignore le sens du travail ne peut pas ne pas ignorer ce que récompense signifie. On ne donne plus des salaires, on distribue des générosités, des largesses du moment qu'il n'y a rien en contrepartie. On ne récompense plus un effort, on encourage un comportement, une attitude, une opinion, un vote, un hurlement, un applaudissement... bref tout ce qui n'a, en réalité, aucune valeur ni pour aujourd'hui ni pour demain, ni même pour tout le temps qui nous reste sur cette terre. Notre devise «mange et tais-toi» a dû anéantir jusqu'au dernier espoir de voir un jour le travail valorisé dans notre pays. Il ne nous passe plus par la tête qu'un jour nous pourrions peut-être oser rêver substituer une production locale aux importations qui nous étouffent et sucent notre sang et notre sueur. Nous ne ressentons plus aucune envie de nous épousseter, d'essuyer la poussière qui a envahi notre réflexion et notre perception du monde. Les bras croisés, la bouche ouverte et le regard coincé dans le nombril, nous n'avons fait pendant très longtemps que mentir au monde, à nous-mêmes et à nos enfants.Année après année, prisonniers de notre inertie, nous nous sommes éloignés de l'avenir. Ce n'est pas tant de la faute du prix élevé que de ce que nous avons fait de ce prix élevé du pétrole.Le prix bas du pétrole sera un dangerLes besoins des pays ne sont plus les mêmes et leurs productions pétrolières aussi ont beaucoup évolué. Les Etats-Unis, par exemple, deviendront exportateurs de pétrole d'ici quelques années seulement. Depuis quelque temps, le baril chute et il continuera probablement à chuter encore.Beaucoup de questions se posent et beaucoup d'autres se poseront dans les jours sinon les mois à venir lorsque nous devrons abandonner de notre «sous développement luxueux» pour un «sous-développement beaucoup moins riche», lorsqu'il ne sera plus possible de balancer en l'air des liasses de milliards sans voir où est-ce qu'elles tombent. Ce jour-là, attention au réveil.Oui, attention au réveil, car lorsque ceux qui auront acquis l'habitude de, simplement, occuper la rue pour obtenir ce qu'ils veulent ne pourront plus rien obtenir, lorsque ceux qui ont appris qu'en marchant ils peuvent forcer l'Etat à augmenter les salaires se rendront compte qu'ils ne pourront plus rien obtenir, cela ne va pas être gai. La plus grande folie de l'Algérie depuis l'indépendance, pire que la destruction du tissu industriel, a été cette série irresponsable d'augmentation des salaires à des taux incroyables.Jusque-là, c'est le prix du pétrole qui a financé nos folies, et demain' Comment continuer à verser ces salaires avec un pétrole au prix bas' Les largesses de l'Etat ont tué la compétition chez nous. La vanne pétrolière a fini par tuer l'esprit même de compétition. Où trouver alors de quoi couvrir ces dépenses' Le mal sera grand certainement car les lendemains qui nous attendent ne seront pas gais. Pas du tout. Et le réveil risque d'être très douloureux.Elevé, le prix du pétrole a été un problème, bas, il sera aussi un problème parce que, incapables de bien exploiter cette opportunité, nous avons transformé la bénédiction divine en une malédiction tout simplement. Il faudrait bien un jour réapprendre à travailler, à ne pas vivre de pétrole, à ne pas jeter l'avenir à chaque visite de campagne ou de précampagne électorale. Tout contents de détruire le pays et de dilapider bêtement ses richesses. Il faudrait bien se réveiller mais... il est peut-être déjà trop tard! Ce n'est pas la faute au pétrole, c'est la faute aux hommes qui n'ont pas su quoi faire avec le pétrole.
-
Votre commentaire
Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Posté Le : 23/10/2014
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Aissa HIRECHE
Source : www.lexpressiondz.com