Attendre et voir venir

Il paraît pour le moins étrange qu'en remontant vingt cinq ans plus tôt dans l'histoire du pays, tout individu qui affirmerait le contraire de ce qu'annonçait la commission nationale de l'observation du croissant lunaire au ministère des Affaires religieuses et du Wakf en matière de début et fin du mois de Ramadhan risquait de passer pour un hérétique. Or, aujourd'hui, les gens s'encanaillent, montent au créneau et contestent les «vérités» de ladite commission parce qu'elles ne se basent sur aucun argument scientifique.Pour moins que ça et en d'autres temps il y en aurait eu des bûchers de dressés et vu des têtes tomber. Dans un communiqué circonstanciel l'association Sirius, qui est l'élément épicentral du «grand» débat autour des entâmes et fin de carême, il est dit que «le début du mois de Ramadhan s'est fait en Algérie sur la base d'une lune qui, quoique née avant le coucher du soleil, se couchait en même temps que lui et était donc et à l'unanimité de la communauté astronomique mondiale, scientifiquement impossible à observer». Autrement dit, les membres du comité des croissants lunaires du ministère des Affaires religieuses, selon ce qui leur a été régulièrement prêté par la rumeur publique, ne fabriqueraient que ce qui les arrangent. Ils peuvent alors le faire par conviction religieuse appuyée sur un «constat avéré», qui reste le leur, sur ordonnance officielle du ministère de tutelle pour des raisons absconses ou sinon encore parce qu'ils ne veulent pas, ces vingt-cinq dernières années notamment, être contredits malgré l'argument scientifique en béton de l'association qui, chaque année, joue les trublions. Toutefois, en quoi cela importe-t-il au citoyen lambda que la lune naisse avant le coucher du soleil et/ou se couche en même temps que l'astre si lui-même (le citoyen) se réveille avant même d'avoir dormi à cause des coupures récurrentes d'électricité, du vacarme nocturne causé par des jeunes qui ne rentrent chez eux qu'au petit matin et rejoint son poste de travail aussi guilleret qu'un zombie.
Paradoxalement, Sirius qui développe comme d'habitude son argumentaire, y va de tous les commentaires, conclut enfin que c'est à la commission nationale de l'observation du croissant lunaire et à elle seule qu'appartient la décision même si le communiqué suggère à ses membres ou du moins au ministère de tutelle d'être bien inspiré au point «d'invalider une prétendue observation du croissant qui pourrait lui parvenir le vendredi soir, comme ce fut le cas pour le début du Ramadhan, soit-elle locale» est, plutôt plus lourde de sens, «ou d'un pays arabe quelconque, ce qui irait à l'encontre des données astronomiques». C'est chaque année la même chose et ce à telle enseigne qu'à chaque fois seule la date change dans les communiqués de l'association. Le ministère des Affaires religieuses n'est certainement pas dupe sur l'avancée des sciences et de l'émergence de technologies nouvelles et ses responsables savent pertinemment qu'il suffirait de demander aux Américains, aux Japonais ou aux Russes de leur fournir un calendrier du mois de Ramadhan pour les cinquante années à venir pour être définitivement déchargés de ce casse-tête mais un casse-tête qui vaut quelque part son pesant d'utilité, voire de nécessité.
A. L.