Algérie

Attaché à la culture des ancêtres et à l'amour de son pays


Attaché à la culture des ancêtres et à l'amour de son pays
En réalité, il a vécu un triple exil : linguistique, religieux et spatial. A cause de la colonisation, il a appris le français et par son père il s'est retrouvé à Tunis comme catholique malgré lui.Contrairement aux autres membres de la même fratrie, lui et sa s?ur Taos ont gardé leur identité en acquérant dans le milieu traditionnel la langue et la culture des ancêtres. Leur grand-mère paternelle, férue de littérature orale, leur a transmis tout ce qu'elle savait dans le domaine des contes et des chansons composées au fil des générations, depuis la nuit des temps. C'est de tout ce patrimoine qu'ils ont été pétris au point de devenir des écrivains de renommée mondiale. Jean El Mouhoub Amrouche a fait de brillantes études à l'école normale supérieure d'où il devait sortir 1er et au mérite, mais étant donné ses origines indigènes, on l'a fait rétrograder comme 2ème de promotion. Toutes ces injustices qui l'ont marqué à vie, ont fait de lui un poète engagé. Et à la faveur de ses prédisposions, il avait un style de haute tenue littéraire. C'est dans cette langue de Molière qu'il a traduit les chants de grand-mère que Taos a chantés dans la longue des origines. Jean El-Mouhoub Amrouche ou l'itinéraire d'un homme politique à la bonne plume On peut dire que tout le destinait à la politique, comme tous les vrais poètes qui ont subi des injustices, avec un système colonial qui a fait des siens des opprimés. Très tôt, Amrouche a pris conscience de la nécessité de lutter pour l'indépendance. Son père qui était venu au bled passer quelques mois de vacances pendant la guerre de libération, s'est fait maltraiter comme tout le monde. « Tu n'es qu'in bicot comme tous les autres », lui a dit un militaire français qui avait participé à une rafle sauvage. Amrouche n'a pas vécu dans l'Algérie libre et souveraine, ayant été arraché à la vie le 16 avril 1962, après le cessez-le feu et quelques mois avant l'indépendance. Ferhat Abbas lui a rendu visite à l'hôpital quelques temps avant sa mort. Celui qui avait été premier président du GPRA l'appréciait beaucoup. Mais Amrouche ne savait pas qu'il allait être gommé de la liste des hommes de plumes et de combat pour l'indépendance. En 1947, il était lié avec les nationalistes tunisiens et marocains comme Ferhat Hached, secrétaire général de l'union des travailleurs tunisiens, Salah Benyoucef, secrétaire général du néo-doustour, Allal Fassi leader du nationalisme marocain. De plus, avec les massacres du 8 ai 1945, Amrouche ne croyait plus à l'assimilation, il s'est engagé dans la lutte pour la revendication de l'indépendance. Il épouse la cause des siens parce que se sentant lui aussi comme opprimé. C'est à ce sujet que sa biographie Tassadit Yacine dit ceci : « Toutes les conditions sont réunies pour permettre à l'événement de prendre le dessus sur la création littéraire, qui, en revanche exige de la distanciation. Dans ce face à face avec les évènements, le refoulé revient au galop et le colonisé parvenu au plus haut degré de l'assimilation se livre à une auto-analyse publique ». ce qui a fait dire à Amrouche que « pour devenir un assimilé, il doit mourir à sa race, se séparer de son peuple s'identifier à ses oppresseurs ». Ceux qui l'ont suivi dans son itinéraire savent bien que Amrouche a lutté dans la perspective d'une Algérie indépendante, dans toute sa diversité culturelle. Il a adressé pendant, le message aux français et musulmans d'Algérie : Ils comprendront quand le temps sera venu que la nation algérienne sera riche de sa diversité. Ils se reconnaitront frères sur la même terre qui aura bu la sueur, les larmes et le sang des hommes, sous le même ciel » (extrait de sa déclaration). On va terminer cet aperçu sur son itinéraire en ajoutant que Amrouche a perdu son poste de directeur de radio pour sa participation à la révolution et qu'il a servi d'intermédiaire entre le GPRA et De Gaule pour les négociations d'Evian. Une poésie à l'image de sa vie tourmentée Il faut rappeler que Jean El Mouhoub Amrouche a été un partenaire de grande envergure dans les ouvrages dialogués avec André Gide et Paul Claudel, des livres assez copieux sur l'actualité littéraire sur fond d'idées politiques très controversées. Il est aussi l'auteur de traductions des chansons kabyles dans la langue française, mais elles ont gardé leur cachet authentique par la voix de Taos devenue chanteuse malgré elle. Elle raconte qu'un jour alors qu'elle se trouvait dans une salle mitoyenne à celle où son frère Jean faisait son cours, des voix intérieures lui demandaient de chanter et sous leur pression, elle s'est mise à chanter. Mais en dehors du texte qu'il avait consacré à Yughurta à qui il voulait s'identifier, Jean El Mouhoub Amrouche est né pour la poésie. Toute son ?uvre se résume en plusieurs recueils de poèmes de facture classique. L'un d'eaux ayant paru sous le générique : « Angoisse de la jeunesse », peut servir d'indicateur de portée universelle, « Aurai-je le temps d'écrire et de pleurer, aurai-je la vie de l'âme et le temps de créer, aurai-je encore la force d'agir et de donner ' » Un poème à la forme interrogative pour exprimer l'idée d'incertitude du lendemain pour quelqu'un qui a des ambitions et un esprit inventif. On dit d'ailleurs de lui qu'il parle à la manière d'un homme de plume attaché à Dieu, comme les chants kabyles que sa grand mère lui avait transmis et dont les thèmes sont dominés par la résignation. Ne peut-on pas dire que sa production se situe sur le prolongement du patrimoine populaire ' Dans son recueil « Etoile secrète », titre à fortes connotations, on a relevé cet extrait qui en dit sur ce lien évoqué : « Je n'ai rien dit qui fût à moi, je n'ai rien dit qui fût de moi, Ah ! Dites moi l'origine / des paroles qui chantent en moi ».