De notre envoyé spécial à Ath Ouacif : K. Tighilt
C'est un paysage sinistre et désolant qui s'offre aux yeux commence au beau milieu du chemin n°30, à Takhoukht où, des deux côtés, arbres, animaux et exploitations agricoles ont été brûlés. Les flammes ont tout ravagé sur leur passage. Toute la végétation a été entièrement calcinée. En avançant vers le barrage militaire, au carrefour des chemins menant vers Ath Yenni et les Ouadhias, on avait, là encore, l'impression d'accéder à une zone de guerre. En effet, l'air qui venait de la montagne était irrespirable. Il brûlait les poumons.
Les flammes jaillissaient des arbres encore debout, mais en grande partie calcinés. Une pluie de cendres tombait du ciel. Arrivés au barrage militaire de Takhoukht, des gendarmes, des pompiers et des policiers étaient là en faction. Des soldats étaient en train de dresser une grande tente verte. Le conservateur des forêts de Tizi Ouzou, Ould Mohand Youcef, que nous avons rencontré sur place, nous a informés qu'une délégation ministérielle était en route pour la région. Une fois ce barrage militaire dépassé, c'est encore un autre décor apocalyptique qui se présente à nos yeux.
En effet, de part et d'autre de la route qui mène vers Ath Yenni, l'espace forestier était calciné. La fumée sortait de partout. L'on avait l'impression d'un volcan en éruption dans la région. Sur ce même passage, des chutes de pierres et des arbres tombés rendaient la circulation difficile. De nombreux automobilistes avaient des pneus crevés à cause de la chaleur du goudron. En montant vers Ath Yenni, il fallait bien se résigner au fait qu'aller sur place était pour nous une mission impossible.
Et pour cause, des flammes de plus de 20 mètres surgissaient de la forêt pour complètement bloquer la route. Dans cette région, les incendies étaient surtout favorisés par un vent chaud qui poussait les flammes vers les hauteurs, menaçant ainsi de nombreux villages. Sur cette route, nous avons constaté des foyers d'incendie dont certains menaçaient directement des habitants d'Ath Yenni. D'ailleurs, des renforts de pompiers ont été appelés en urgence afin d'y faire face, alors que de nombreux automobilistes étaient bloqués. "Il faut rebrousser chemin ! Et l'air est irrespirable", nous dira un automobiliste qui venait de faire demi-tour. Sur le chemin du retour, nous avons encore croisé des automobilistes venus apporter leur aide aux habitants. Seulement, ils étaient aussi bloqués. "Nous avons apporté de l'eau aux pompiers, aux volontaires et aux villageois, mais comme vous pouvez le voir, apparemment, nous ne pouvons pas continuer à cause des flammes", a indiqué un représentant d'une marque d'eau minérale croisé sur notre chemin vers Ath Yenni. Cette situation cauchemardesque est aussi vécue par les habitants de la daïra voisine, Ath Ouacif. Les habitants de cette localité ont vécu une nuit sans fin à cause des incendies qui ont cerné les maisons.
"Nous suffoquons !"
Pour arriver à Ath Ouacif, située sur l'autre flanc de montagne, au pied de Talettat, il fallait aussi traverser un chemin en feu. En effet, au bord de la route, des arbres étaient encore en flammes. Certes, les grands incendies ont été maîtrisés, mais çà et là, la nature fumait toujours. Les flammes commençaient même à repartir à certains endroits. Ces grands incendies ont encore endommagé les lignes électriques et le relais téléphonique, ce qui a totalement isolé la région. "Nous sommes sans électricité depuis hier. Nous n'avons même pas d'eau fraîche. Nous suffoquons !", dira un commerçant, ajoutant que même pour éteindre les feux, la population a recouru à l'eau de la rivière qui traverse la commune. "Pour voir l'étendue des dégâts, il faut aller voir un peu plus haut. Je vous invite à monter à Aït Toudert, dont les habitants ont passé une nuit d'enfer", a renchéri notre interlocuteur.
Effectivement. Sur le chemin d'Aït Toudert, il ne fallait pas trop avancer pour voir les dégâts occasionnés. Des citoyens étaient encore en train de lutter contre les flammes pour sauver leurs maisons. C'est le cas de Hassan qui tentait avec un tuyau d'arrosage d'éteindre les restes de l'incendie de la veille qui menace sa maison. "Le feu a brûlé tout ce hangar qui abrite notre entreprise familiale d'alimentation de bétail. Il reste encore un brasier que j'essaye d'éteindre pour empêcher la propagation des flammes vers ma maison", a-t-il expliqué, tout en affirmant avoir évacué toute sa famille.
Selon le récit de Hassan, les flammes avaient débuté du village de Tahechat puis d'Aguni Fourou. "Les flammes étaient très hautes, ce qui a alerté les habitants sur le danger qui guettait notre village. Les habitants se sont donc vite mobilisés pour y faire face", a-t-il raconté. "Dans un premier temps, nous avons procédé à l'évacuation de nos familles vers les localités voisines, notamment Agouni Gueghrane, les Ouacifs et les Ouadhias, car les flammes menaçaient sérieusement l'intégralité de nos familles et l'air était irrespirable", a poursuivi Hassan.
"La Protection civile est également venue. Elle a même utilisé un hélicoptère pour stopper l'incendie, mais il ne pouvait pas tout éteindre surtout qu'il faisait nuit", a-t-il précisé, tout en saluant au passage la solidarité des régions voisines qui se sont mobilisées pour aider les familles.Arrivés à l'entrée du village Tigounsaft à Aït Toudert, l'un des villages touchés par le feu, les premiers habitants que nous avons croisés n'avaient pas fermé l'?il de la nuit. Sur le chemin qui mène au centre du village, les arbres fumaient encore. "Nous avons vécu un enfer. Nous étions au c?ur des flammes pour sauver nos maisons. Dieu merci, nous avons sauvé des vies. Cependant, nous avons enregistré deux maisons brûlées", a affirmé Dda Rachid, rencontré à l'entrée de Tigounsaft. "Vous pouvez venir voir de vos propres yeux. Nous avons échappé à une véritable catastrophe", a-t-il ajouté, en montrant du doigt les foyers d'incendie qui cernaient le village.
"C'est aussi grâce à cette fontaine du village que nous avons pu faire face à l'incendie. Elle a été d'un grand apport pour nous face au manque d'eau", a-t-il expliqué. Pour ce qui est des dégâts enregistrés, et en plus des deux maisons brûlées, les flammes ont détruit toutes les lignes électriques, ce qui a plongé le village dans le noir, a expliqué Dda Rachid, tout en affirmant que tous les villages situés un peu pus haut, à l'image d'Iguer Adhloune, d'Aït Toudert-village, d'Aguni Fouri, de Tahechat, étaient touchés par les flammes. À Aït Toudert, l'élan de solidarité qui a suivi cette situation inédite a été d'un grand soulagement pour la population qui espère la fin de ce cauchemar !
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Posté Le : 11/08/2021
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : NATH OUKACI Kamel
Source : www.liberte-algerie.com