Photo :Riad
Par Karima Mokrani
Une corvée pour les élèves de se lever le matin pour se rendre dans leurs établissements respectifs pour une nouvelle journée de cours peu intéressants, parce que trop chargés. Elèves et parents d'élèves se plaignent des difficultés à suivre le rythme imposé par une tutelle peu intéressée par la qualité de l'enseignement dispensé et les conditions de travail pour l'enfant (ou l'adolescent) et l'enseignant. L'essentiel : les résultats de fin d'année. Des taux de réussite jamais enregistrés depuis l'indépendance du pays comme aime à le répéter l'ancien ministre de l'Education nationale, Boubekeur Benbouzid. Pourtant, d'année en année, les résultats sur le terrain sont plus que désolants. «Non, le problème n'est pas dans le fait qu'on leur impose le français, l'anglais ou toute autre langue étrangère à un âge que certains considèrent précoce. Bien au contraire, les langues sont élémentaires. C'est même la base. Le drame, c'est que la plupart des élèves ne sont bons (au sens propre du terme) dans aucune matière du fait qu'ils ne maîtrisent pas justement la langue, l'arabe en premier», relève Idir Achour, un des porte-paroles du Conseil des lycées d'Alger (CLA). Et le représentant de l'organisation autonome -que les pouvoirs publics refusent d'agréer malgré sa représentativité reconnue sur le terrain- de poursuivre : «Au lieu de travailler sur l'essentiel, c'est-à-dire aider les enfants à une maitrise réelle de la langue, on est en train de bourrer leurs têtes avec d'autres matières». Résultat : fatigue, stress, manque de concentration'et désintéressent total pour ne pas dire carrément dégoût et envie de tout lâcher. «C'est trop pour une fille d'à peine onze ans. Elle se lève à 6h15 parce que le bus doit assurer un autre service juste après qu'il dépose les enfants du village à quelques mètres de l'école et ne rentre à la maison qu'à 17h passées. Elle est devenue trop maigre, elle est même pâle et parfois, elle me parait triste et découragée. Et elle n'en parle même pas à la maison comme si quelqu'un la menace de représailles», raconte une mère à une des enseignantes de son enfant, comme si elle attend d'elle une initiative allant dans le sens d'un allègement des programmes et des horaires scolaires. Non, cela ne dépend pas d'elle mais de toute une institution de l'Etat, en coordination avec d'autres organismes dépendant de personnages influents. C'est, là, tout le problème mais'pour le moment, et pour remédier au déficit de compréhension et d'assimilation, des parents, de plus en plus nombreux, recourent à des cours de soutien.
Un silence complice
Ils y obligent presque leurs enfants par souci d'assurer de bonnes notes aux examens de fin de trimestre et de fin d'année. Ceci, même si le budget ne le permet pas. «On se débrouille comme on peu. C'est tout le monde qui fait ces cours, nous aussi, nous devrions être à la page. Pour moi, c'est surtout pour que mes enfants ne se sentent pas diminués par rapport à d'autres», confie une autre femme.
Celle-ci, étant au foyer, n'hésite pas à accepter les demandes de certaines de ses voisines pour des travaux domestiques ou autres : «Je nettoie la maison, je fais la vaisselle'et j'aide dans le travail des champs. Je n'ai pas honte de faire ça. Les temps sont durs». Et ce n'est pas un cas isolé. Chacun, en effet, se débrouille comme il peut pour venir en aide à son enfant. «Je ne vois pas d'utilité pour ces cours du moment qu'ils sont donnés par les mêmes enseignants qui les donnent en classe», estime le représentant du CLA. Pour ce syndicaliste, «ces cours de soutien sont une manière de commercialiser l'éducation. La tutelle ferme l''il sur cette pratique qui se fait au su et au vu de tout le monde. Elle laisse faire parce que ça l'arrange». Idir Achour considère que «la tutelle laisse faire pour discréditer l'école publique. Son objectif est clair, c'est faciliter la privation de cette école». Les parents aussi en ont leur part de responsabilité : «Eux aussi, ils ont une grande responsabilité dans cette dérive par le fait qu'ils réclament ces cours et les payent». Et pourtant, côté prix, ce n'est pas donné. 3 000 dinars à 9 000 dinars, peut-être même plus, c'est selon les paliers et le nombre d'enfants. Une association de parents d'élèves, à Alger, a dénoncé récemment l'utilisation d'une salle de classe, dans un établissement scolaire, public, pour des cours payants alors que l'enseignante s'était engagée avec l'Administration d'un cours de rattrapage. «Elle a réuni 50 élèves et chacun a donné 200 dinars» rapporte un représentant de cette association. Une somme de 10 000 dinars pour un seul cours d'une heure. Un cours de rattrapage ou de soutien, c'est selon, pour ses propres élèves et dans la même matière qu'elle leur enseigne durant les heures réglementaires. Un vrai commerce encouragé, semble-t-il, non seulement par la tutelle mais tout le gouvernement algérien pour fuir sa responsabilité dans la dégradation de la qualité de vie des enseignants. Et c'est l'élève qui en pâtit. «Le programme scolaire est déjà trop chargé, on leur rajoute des cours de soutien, c'est les épuiser physiquement. Aussi, cette manière de les assister pédagogiquement n'est pas du tout à encourager, parce qu'elle les empêche de compter sur eux-mêmes et d'utiliser leur propres capacités».
Le nouveau ministre de l'Education nationale, Abdelatif Baba Ahmed, a parlé d'une réforme de la réforme. Encore un chantier à lancer en l'absence de ceux qui sont censés apporter les bonnes solutions.
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Posté Le : 11/12/2012
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : K M
Source : www.latribune-online.com