Une fois de plus, le «qui tue qui ?» ravageur est agité: un an après la
publication par le journal italien Stampa d'un article citant un haut
fonctionnaire occidental dévoilant dans l'anonymat (quel professionnalisme et
crédibilité !) sa «vérité», accusant «les militaires algériens de tuer par
bavure les moines de Tibehirine», certains journaux français prennent le relais
et se déchaînent pour agiter les mêmes accusations. Une simple question:
pourquoi un an après et surtout pourquoi maintenant ? Premier acte: 6 juillet
2008. Le journal italien Stampa titre en manchette: «Les moines en Algérie tués
par les militaires». Les éléments ? «Après douze années un haut fonctionnaire
occidental dévoile la vérité: un hélicoptère de l'armée algérienne mitrailla le
bivouac où ils (les moines, ndlr) étaient retenus». Un an plus tard jour pour
jour, une dépêche de l'Agence France-Presse (AFP) citant «une source proche du
dossier» relate: «Un général français entendu par la justice a affirmé que le
massacre des moines de Tibéhirine en 1996 était une «bavure» de l'armée
algérienne. Auparavant, le Figaro, Mediapart et l'Express avaient publié la
même version.
La même dépêche AFP donne les détails: «Attaché militaire de l'ambassade
de France à Alger à l'époque des faits, le général François Buchwalter, aujourd'hui
à la retraite, avait recueilli les confidences d'un ancien militaire algérien,
dont le frère avait participé à l'attaque, a-t-on précisé de même source. «Les
hélicoptères de l'armée algérienne ont survolé le bivouac d'un groupe armé et
ont tiré, s'apercevant ensuite qu'ils avaient non seulement touché des membres
du groupe armé mais des moines», a expliqué cette source, rapportant les propos
du général Buchwalter entendu le 25 juin par le juge antiterroriste Marc
Trevidic. Le général Buchwalter «a appris les faits quelques jours après les
obsèques» des moines et «a écrit des rapports au chef d'état-major des armées
français et à l'ambassadeur qui sont restés sans suite», a-t-on précisé de même
source.
Selon la version des faits retenue jusqu'alors, les moines qui
partageaient leur potager avec les habitants de la région et refusaient de
partir en dépit de l'insécurité croissante - onze religieux tués entre 1994 et
1995 - avaient été enlevés par une vingtaine d'hommes armés dans la nuit du 26
au 27 mars 1996. Quelques semaines plus tard, les têtes des sept moines avaient
été retrouvées, après que le Groupe islamique armé (GIA) eut revendiqué les
séquestrations. Le témoignage d'un ancien général français mettant en cause les
autorités algériennes dans la mort des sept moines de Tibéhirine en 1996 est
une «preuve qu'il y a eu dissimulation» de la part d'Alger et de Paris, a
affirmé lundi l'avocat des parties civiles, Me Patrick Baudouin. «C'est la
preuve qu'il y a eu dissimulation de la part des autorités algériennes et
certainement de la part des autorités françaises», a déclaré à l'AFP Me
Baudouin.
L'enlèvement et la mort des sept moines, dont on n'a retrouvé que les
têtes, a longtemps été attribué au Groupe islamique armé (GIA) qui avait
revendiqué les séquestrations. Mais le 25 juin le général en retraite François
Buchwalter, ancien attaché militaire à l'ambassade de France à Alger, a déclaré
à un juge antiterroriste que les moines avaient été victimes d'une «bavure» de
l'armée algérienne. Il a ajouté en avoir informé peu après l'ambassadeur de
France et sa hiérarchie, selon une source proche du dossier, confirmant des
informations du Figaro, Mediapart et l'Express. Pour Me Baudouin, ce témoignage
est «crédible» et «constitue une avancée très significative dans ce dossier».
«C'est la confirmation de ce que nous disons depuis l'origine, que c'est
l'omerta qui a prévalu au nom de la raison d'Etat», a-t-il estimé. L'avocat a
indiqué à l'AFP qu'il s'apprêtait à demander la levée du secret-défense «pour
obtenir les rapports envoyés (par François Buchwalter, ndlr) au chef
d'état-major des armées et à l'ambassadeur». Il compte également demander les
auditions d'Hervé de Charette, à l'époque ministre des Affaires étrangères,
celle d'agents des services de renseignement français ainsi qu'une nouvelle
audition de Michel Lévêque, ambassadeur à Alger au moment des faits.» Voilà
pour le contenu de la dépêche de l'agence de presse française.
Autre «dossier» évoqué par le général Buchwalter, celui de l'assassinat
de l'évêque d'Oran, Pierre Claverie en 1996. Selon l'ancien attaché militaire,
«les autorités n'appréciaient pas sa liberté de ton tant à l'égard des
islamistes que du pouvoir algérien». Selon lui, Mgr Claverie «pensait à
l'implication du pouvoir algérien» dans la mort des sept moines de Tibehirine.
«Je pense qu'il y a un lien entre l'insistance d'Hervé de Charette à aller à
Tibehirine et cet assassinat. J'ai été témoin de la fureur du ministre algérien
des Affaires étrangères quand Hervé de Charette a modifié le planning prévu
pour aller à Tibehirine», a déclaré François Buchwalter.
C'est donc la fameuse agitation juridico-médiatique du «qui tue qui ?»
qui est une fois de plus remise au goût du jour. Pourquoi maintenant ?
Tentative de réponse: depuis quelques mois, Paris n'hésite plus à tourner le
dos à Alger en affichant ouvertement son soutien à Rabat dans le dossier du
Sahara Occidental. Récemment, le représentant français à l'ONU a bataillé
fermement contre un texte de résolution élargissant le mandat du contingent des
casques bleus au Sahara Occidental (Minurso) à la surveillance des droits de
l'homme dans les territoires sahraouis occupés et dans les camps de réfugiés
sahraouis à Tindouf. Le Front Polisario, qui administre les camps de Tindouf,
était favorable à cet élargissement. Mais Rabat, accusé de violer les droits de
l'homme dans les territoires sahraouis occupés, était opposé à une telle
surveillance. La France s'est rangée dans le camp du Maroc. Au risque de
froisser l'Algérie.
Cet épisode illustre le peu d'intérêt accordé par Paris à sa relation
avec Alger. Les autorités françaises ne prennent même plus les précautions
nécessaires pour éviter de froisser les Algériens sur des dossiers sensibles,
comme la mémoire, le Sahara Occidental, l'immigration... et bien sûr la fameuse
agitation «qui tue qui ?». Les diplomates et les hommes politiques français ne
commentent plus par exemple les demandes algériennes sur la repentance. Ils ne
commentent pas non plus les critiques régulièrement formulées par Alger sur le
projet d'Union pour la Méditerranée (UPM). De même que les demandes algériennes
concernant les visas et la circulation des personnes ne semblent pas avoir été
entendues en France.
Après un bon départ qui a suivi l'élection de Nicolas Sarkozy, puis sa
visite d'Etat en Algérie en décembre 2007, les relations algéro-françaises sont
retombées dans le froid. Une relation soufflant entre le tiède et le froid à
laquelle personne n'arrive à donner du contenu. «Les relations entre les deux
pays sont très complexes. L'UPM a montré qu'elle ne pouvait pas constituer une
solution à cette situation de crise récurrente. Depuis quelques mois, les deux
pays se parlent très peu. Les visites ministérielles se sont raréfiées. Autre
exemple de ce manque de froid entre les deux pays: l'ambassadeur de France à
Alger avait indiqué le 22 avril dernier que le président Bouteflika réservait
toujours sa réponse concernant une invitation à se rendre en visite dans
l'Hexagone. Mais dès le lendemain, Mourad Medelci affirmait le contraire, en
indiquant que le président Bouteflika avait donné son accord. «Il n'y a plus de
suivi. Les rares échanges se passent entre l'Elysée et la présidence
algérienne. On ne sait pas par exemple pourquoi le président Bouteflika avait
reporté sa visite prévue initialement au début de l'année ni s'il va vraiment
aller en France en juin prochain», reconnaît un diplomate algérien. La visite
du président Bouteflika en France devait avoir lieu en juin dernier mais elle
est reportée.
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Posté Le : 07/07/2009
Posté par : sofiane
Ecrit par : Amine L
Source : www.lequotidien-oran.com