Algérie - Revue de Presse

Article 7 de la loi sur la corruption



« Qu?ils le soumettent à référendum » Qu?on nous le soumette par référendum », s?exclame un chauffeur de taxi. Le sujet est épineux mais fait l?unanimité : l?obligation au cadre supérieur de l?Etat de déclarer en début et en fin de mission son patrimoine. Cette levée de boucliers à l?APN par les députés aux couleurs FLN et MSP est comprise par l?ensemble des citoyens. Comprise mais pas justifiée. « Ils ont peur de se retrouver poursuivis en justice, car la plupart sont malhonnêtes. Ils ont beaucoup à perdre et, avec cette procédure, ils ne pourront plus faire leur beurre », continue le chauffeur de taxi. Les cheveux grisonnants, une Hyundai pour outil de travail, le chauffeur de taxi parcourt Hassiba Ben Bouali à l?affût du client. Par besoin d?argent. Il trime quotidiennement pour nourrir les siens et s?autorise à l?approche de la fête de l?Aïd, avec les dépenses y afférents, de grappiller à gauche et à droite quelques dix dinars de plus. Pour sûr qu?il ne considère pas cela pour du vol. La course faisait en réalité 20 DA. Gonfler le prix se justifie par le fait que le parcours est difficile : la rue est toujours bondée de voitures et les policiers sont grincheux en ce début d?année. Alors lorsqu?on lui fait la conversation sur une probable levée d?immunité à l?encontre des députés et ministres malhonnêtes, il s?emporte. « Le projet est soumis à l?APN. Elle est censée représenter le peuple, mais elle s?évertue à voter contre. Qu?ils soumettent le projet à référendum et ils s?apercevront que tout le peuple votera pour un contrôle du patrimoine des cadres supérieurs de l?Etat », réitère-t-il. Sur sa lancée, il enchaînera : « On nous bassine avec des discours pompeux, selon lesquels il n?y a pas de pauvres en Algérie. Ces gens ne sont même pas capables de vous dire combien coûte un sachet de lait. » Visiblement, le chauffeur de taxi a abordé le thème avec d?autres clients. Ce n?est pas le cas d?un gardien de parking aux alentours de 1er Mai. Son temps, il le passe à surveiller les voitures qui ne risquent pourtant pas de bouger. Il est du quartier et personne n?oserait s?aventurer à voler un véhicule dans le coin. Il est toute la journée adossé au mur de son immeuble. Il doit avoir 35 ans et s?occupe à une discussion avec les jeunes de son âge. Tout en jetant un ?il sur les voitures. Il n?est pas au courant de l?article 7. Dans une attitude dés?uvrée, il reconnaît qu?il ne lit pas la presse et ne cherche pas à s?informer. « L?ARGENT DE L?ÉTAT, C?EST NOTRE ARGENT » Après explication, il répond : « Bien sûr qu?ils doivent déclarer leur patrimoine. Les gens qui s?y opposent ont un autre train de vie et se crêpent le chignon dès qu?on touche à leurs millions. Ils sont redevables au peuple algérien. L?argent de l?Etat, c?est notre argent. Pourtant, nous ne réclamons rien. Ici, dans la cité, il doit bien y avoir au moins 70 jeunes au chômage. Environ deux par famille. La plupart vivent honnêtement. » Il écourte la conversation, car il s?emporte. Les petits malfrats sont aussitôt arrêtés lorsqu?ils volent un portable. « Pour subvenir à leurs besoins », commente-t-il. Alors dès qu?on aborde la sphère des hauts cadres de l?Etat, le gardien de parking s?emporte devant autant d?injustice. Kamel B. est cadre dans une entreprise étatique. Plus serein, il s?étonne de la réaction des députés. « Nombre de ces députés, lorsqu?ils étaient dans l?opposition, réclamaient pourtant bien une lutte sans merci et sans complaisance contre la corruption. Aujourd?hui qu?ils se retrouvent au pouvoir, ils ne jugent plus cela nécessaire. Pourquoi ? », interroge Kamel. Il commentera ironiquement l?adage selon lequel « Nul n?est au-dessus de la loi ». « Ce sont les législateurs eux-mêmes qui viennent encore une fois nous apporter la preuve officielle du contraire, car définitivement, immunité ne veut pas dire irresponsabilité », soutient-il. Kamel, le chauffeur de taxi ou encore le gardien de parking, interrogés à brûle-pourpoint, ont avancé des idées, des commentaires, des sentiments, mais doit-on soutenir que sur l?essentiel des personnes « de la rue » qui ont été interrogées, bon nombre n?avait pas d?avis ? Nombreux n?avaient pas lu la presse. Trop occupés à courir le temps. Trop absorbés dans un difficile calcul de budget. Le mouton ou finir le mois ?


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