Cri de révolte Dès son premier roman la Grotte éclatée, Yamina Méchakra a révélé son talent d’écrivain. Dans son roman Arris, paru aux éditions Marsa, elle confirme une fois de plus son don pour l’écriture. Femme au regard blessé, de grande sensibilité, elle conte la douleur des autres… et la sienne aussi avec des mots souvent crus, bariolés, hachurés.
Le livre commence ainsi : «La mère ferme les mains en coquille autour de la bouche d’Arris. Recueille le vomi bilieux qu’elle verse dans un vieux chiffon qui lui sert de serviette. Le petit se remet à somnoler. La mère plonge la main dans son corsage, en tire un minuscule paquet. De ses doigts fébriles, elle écarte les bouts entachés d’huile du journal et découvre un beignet doré, couvert de sucre.»
Arris qui porte le titre du roman est un enfant des Aurès, arraché à sa mère et à son terroir, violé, puis emmené vers le Nord. Indifférent à la gloire, au luxe, à l’amour, il traverse le siècle à la recherche de son enfance et d’une identité obsessionnelle. Dans un style katébien, Yamina Méchakra grave ses mots comme sur des pierres froides pour exprimer la douleur de l’être.
Ce livre a été inspiré à cette psychiatre de formation par un vécu amer. C’était à l’hôpital de Béni Messaous dans un service qu’elle avait créé pour les filles-mères, lorsqu’un jour, alors qu’elle était de garde, une femme se présente avec son enfant déshydraté, on lui exige le livret de famille qu’elle n’a pas et on lui refuse son hospitalisation.
Dans cet ouvrage elle pose le problème des filles-mères et des enfants abandonnés. Elle dit : «Je garderai toujours en ma mémoire l’image de cette mère de 17 ans qui m’a jeté dans les bras son nourrisson et elle est tombée par terre.
Elle était sûre d’avoir confié à de bonnes mains son bébé.» C’est sous cette tension psychologique et avec une grande sensibilité que Yamina Méchakra pose avant tout un problème humain. Arris, c’est aussi le cri d’une mère, d’un enfant abandonné.
«Seule la mère peut se permettre cette fulgurance du cri, ces gémissements.» C’est aussi l’image de la patrie qu’on vole, c’est aussi une révolte contre l’injustice, l’absurdité… le destin. «L’enfant gémit. Il veut boire. Elle le soulève avec précaution, sans toucher à la tête.
Lui fait avaler quelques gorgées d’eau et le recouche. La bouteille d’eau fait le tour des patients et disparaît dans la cohue des mains. La mère soupire et plonge sa main dans son corsage, en tire un mouchoir noué. Elle le dénoue, s’empare des quelques pièces de monnaie qui s’y nichent, les compte, et les recompte.
C’est bien cela : elle ne s’est pas trompée. Le lapin n’était pas gros, maigre comme un chat ; pas plus d’une livre de viande. Son client lui a fait comprendre qu’il achetait de l’os…» Yamina Méchakra est née en 1949 dans le nord des Aurès.
Docteur en médecine, psychiatre, elle s’adonne très tôt à l’écriture, mais ne publiera son premier roman, la Grotte éclatée, qu’en 1979. C’est à son propos que Kateb Yacine écrivit dans sa préface «Dans notre pays, une femme qui écrit vaut son pesant de poudre.» Arris est un roman plein de poésie et d’amour, un livre sur la condition humaine.
Suis bien fier que l'on a choisi comme couverture du roman de Yamina Mechakra " ARRIS une toile à moi..Je n'ai jamais fait allusion vu la longue maladie et le décès de l'auteure .J'aurai bien voulu que l'éditeur mentionne ma contribution.. Ce tableau est toujours chez moi.
Merbah Djamel - Artiste peintre - Liège, Belgique
10/01/2020 - 415434
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Posté Le : 03/12/2001
Posté par : nassima-v
Ecrit par : B.R
Source : www.dzlit.free.fr