Algérie

Arrestation de la directrice commerciale alors que son époux est en fuite



Ce qui au départ s'apparentait à une simple rumeur laissant entendre que, l'un des promoteurs immobiliers des plus connus à Oran, et qui possède plus d'un projet immobilier ayant bénéficié d'assiettes foncières situées dans des endroits stratégiques à Oran, était basé sur une grande escroquerie, s'est avéré être plus que fondée. L'information nous a été confirmée de sources sûres auprès des services de la BEF (brigade économique et financière) de la sûreté de wilaya, qui ont enregistré jusque-là plus de 300 plaintes contre M. et Mme Haddouche Immobilier. Le préjudice avoisinerait plus de 200 milliards de centimes, selon les premières estimations.Amel Bentolba - Oran (Le Soir) - Le pot aux roses aurait pu ne pas être découvert puisque la plupart des projets que ce soit ceux d'Oran ou bien des autres wilayas de l'Ouest, sont en cours de réalisation, certains même au point d'être livrés, d'autres tout simplement fictifs.
Récemment, il a été constaté l'arrêt des travaux au niveau de tous les chantiers et le mutisme des employés quant aux raisons et l'absence remarquée des Haddouche a éveillé les soupçons.
Créée en 2013 par Ahmed Haddouche, la Sarl Haddouche Ahmed Construction est une entreprise de promotion immobilière qui se targuait de «maîtriser une large palette de savoir-faire en construction et commercialisation de bâtiments et dans les plus brefs délais», un slogan qui a attiré des centaines de postulants à Oran et à travers des wilayas de l'Ouest et même à Alger où ladite entreprise s'est également lancée. Mais pas seulement puisque même des postulants émigrés font partie des clients de ladite promotion immobilière.
Au total à Oran, Haddouche Construction a mis sur pied 18 projets de résidences : toutes ayant bénéficié de larges facilités et d'assiettes foncières dans des endroits stratégiques, à l'exemple de la résidence Rayan située à Bir El Djir, la résidence Bel-Air située comme son nom l'indique à Bel-Air, la résidence Chems située à Pépinière, non loin du quartier Millénium, ou encore la résidence Malak implantée dans le quartier Gambetta. Des postulants nous confient « nous avons été plus d'une fois avec
Mme Haddouche dans nos futures appartements où nous avons même eu loisir à décider du choix de la dalle de sol, des placards? il ne restait que la finalisation de l'installation de l'ascenseur pour accéder à nos appartements».
Certains moins patients et constatant l'absence prolongée de Mme Haddouche qui ne les recevait que très rarement, avec toujours des arguments pour les faire patienter, ils ont décidé d'aller seuls voir où en sont les travaux. «Sur place j'ai trouvé deux personnes devant mon appartement un F5, dont je m'étais acquitté de 80% du prix d'achat soit 1 milliard 100. J'apprends qu'ils avaient des attestations de réservation pour le même appartement : le mien ! Pour chacun d'entre nous, l'agence le lui a vendu à un prix différent». Le prix des appartements haut standing est estimé à plus d'un milliard 500 millions de centimes et les locaux commerciaux avoisinaient les 400 à 500 millions de centimes.
Les exemples de supercherie se sont succédé puisque de plus en plus d'acquéreurs ont eu vent de la rumeur d'une éventuelle arnaque et ont fini par se rencontrer devant les bureaux de la promotion immobilière. C'est alors que beaucoup se sont retrouvés dans la situation d'un même appartement vendu pour plusieurs personnes à la fois, de même que pour les locaux commerciaux. Pire encore, une postulante a découvert que l'étage où se trouve son appartement n'existe même pas sur terrain, pourtant il figurait sur le plan. Un autre acquéreur qui s'est acquitté de 5 milliards 600 millions de centimes découvre que le terrain où se situe la résidence n'appartient pas à la promotion immobilière Haddouche.
Au début, les acquéreurs ont préféré négocier avec la directrice commerciale, devenue gérante par intérim, le mari étant soudainement absent, les fausses promesses de les rembourser, les absences répétées de la gérante ont augmenté la suspicion. Ce n'est que la semaine passée en se rendant au bureau de l'agence situé à Gambetta, où nous étions également sur place et en trouvant les portes closes et tous les téléphones des employés fermés qu'ils ont compris que la situation s'aggrave, d'autant plus que le nombre des acquéreurs devenait de plus en plus important, sans oublier tous ceux en Algérie et ailleurs qui ne sont pas encore au courant.
Dès lors depuis le début du mois de mars 2019, ils ont commencé à se rendre nombreux auprès du procureur de la république près le tribunal de la cité Djamel-Eddine pour déposer plainte pour escroquerie. Il en sera de même au niveau du commissariat central de police où, à ce jour, l'on compte plus de 300 plaintes. A l'accueil, il suffit de dire «je suis victime des Haddouche» pour être dirigé vers un bureau qui reçoit justement les plaintes relatives à ce dossier qui devient de plus en plus épais et sérieux vu l'ampleur et les dessous de ce scandale qui en cache beaucoup plus qu'il n'y paraît, notamment pour l'octroi des terrains, les complicités. Parmi les victimes escroquées, l'on compte des noms de personnalités exerçant dans des postes importants... On n'en dira pas plus l'enquête étant en cours.
Mme Haddouche qui se trouvait toujours en Algérie, mais en fuite, a fini par être arrêtée ce mardi à Oran devant la daïra de Bir-el-Djir. Le lendemain, elle a été présentée au tribunal de la cité Djamel-Eddine où tous les plaignants ont été convoqués pour être entendus. Le mari, quant à lui, demeure en fuite et aurait même quitté le territoire vers l'Espagne où ils ont acquis des biens.
Comme indiqué plus haut, il ne s'agit pas uniquement de projets à Oran, d'autres victimes des wilayas limitrophes (Mostaganem, Aïn Témouchent, Relizane, Tiaret, Alger...) commencent à se manifester et le montant de cette énorme arnaque immobilière s'élève à des centaines de milliards de centimes en ajoutant les dizaines d'émigrés : Canada, Espagne, France, Etats-Unis qui ont voulu investir dans leur pays.
Les Haddouche ont non seulement ruiné des familles, brisé le rêve de beaucoup de personnes, anéanti des couples et causé des maladies à plusieurs d'entre eux dont un homme qui a été victime d'un sévère AVC, il n'a pas supporté la perte de 7 milliards de centimes qu'il a versée pour l'achat d'appartements pour ses filles. Une veuve avec enfants et sans appartement a vendu une parcelle de terre léguée par son défunt époux et a tout remis entre les mains de cette promotion immobilière. Beaucoup de postulants habitent dans des locations et se retrouvent sans le sou pour continuer de payer les loyers... Autant d'exemples de vies brisées.
Leur espoir est que la justice parvienne à leur obtenir le remboursement de leurs économies pour oublier ce cauchemar.
A. B.


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