Algérie

Arbitrage



Bien que parfois ponctuée par de très regrettables dérives langagières et quelques relents régionalistes, dont l'opinion se serait d'ailleurs volontiers passée surtout en cette période d'incertitude politique, l'intense polémique soulevée par le livre de Saïd Sadi consacré à la vie du colonel Amirouche est intéressante au moins sur un point. Elle a réussi à mettre tout le monde d'accord quant à l'impérieuse nécessité d'écrire l'histoire de la guerre de Libération nationale. Les premiers à formuler aujourd'hui avec force une telle revendication sont les acteurs eux-mêmes de la Révolution de Novembre. Pas plus loin que jeudi dernier, l'ancien commandant de la Wilaya II historique, le colonel Ali Kafi, s'est invité, lui aussi, avec fracas, dans le débat non sans avoir au préalable reproché longuement à l'Etat de n'avoir pas investi dans l'écriture « authentique » de l'histoire.Au-delà sans doute des réserves émises sur le contenu du livre de Saïd Sadi, l'on retiendra surtout l'étroite convergence qu'il y a entre l'analyse du système politique hérité depuis 1962 déroulée avec véhémence par Ali Kafi devant la presse et celle défendue par le président du RCD depuis déjà de longues années. La preuve, le commandant de la Wilaya II historique a saisi au vol l'opportunité offerte par le débat amorcé autour du livre du docteur Sadi pour régler ses comptes avec Houari Boumediène, un homme qu'il assure être l'une des causes principales des malheurs de l'Algérie indépendante. Il va sans dire qu'en défendant une telle position, l'ancien président du Haut Conseil d'Etat (juillet 1992 - juin 1994) prend, à son tour, le risque en toute conscience de se voir accusé de « bidouiller » l'histoire à son profit et, par conséquent, de s'attirer les foudres de tous ces maquisards qui ont fait le choix durant la terrible crise de l'été 1962 de bafouer l'autorité du GPRA et de soutenir la prise de pouvoir par la force par le groupe de Tlemcen.Probablement, plus que le livre de Saïd Sadi ' qui a pour autre mérite d'avoir obligé de nombreux acteurs de la guerre de Libération nationale à sortir de l'ombre et à affronter pour la première fois l'opinion ', les accusations proférées par Ali Kafi à l'encontre du système bâti par Boumediène et des responsables politiques actuels prouvent avec clarté que certains des clivages à l'origine de la crise de l'été 1962 n'ont en rien perdu de leur intensité et que les frustrations qu'ils ont occasionnées sont encore profondes.L'opinion a même la nette impression aujourd'hui que ces clivages se perpétuent dangereusement. Compte tenu de la situation, il est aisé de comprendre, par exemple, pourquoi Lakhdar Bentobal ne tient pas à ce que ses mémoires soient publiées de son vivant. Dès lors, faut-il vraiment s'interdire de parler de la guerre de Libération nationale et d'attendre bien gentiment que le climat soit propice pour le faire, cela tout en sachant de toute manière que toute révolution a ses travers et ses zones d'ombre ' Certainement pas. Il faut juste garder à l'esprit qu'au-delà de ce qui peut-être dit ici et là, il n'y a que le discours des historiens qui peut faire autorité en la matière et arbitrer.


Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Nom & prénom
email : *
Ville *
Pays : *
Profession :
Message : *
(Les champs * sont obligatores)