Aqmi est prêt à embraser le Sahel LE GENERAL-MAJOR ROBIN SEARBY, CONSEILLER DE DAVID CAMERON POUR LA LUTTE ANTITERRORISTE, À L'EXPRESSION

L'ennemi commun à l'Algérie et à la Grande-Bretagne est Aqmi
Le conseiller du Premier ministre britannique pour la lutte antiterroriste en Afrique du Nord et au Sahel, le général-major Robin Searby, est depuis hier à Alger. Il est venu assister à la rencontre annuelle algéro-britannique sur la lutte antiterroriste du 24 et 25 octobre. Nommé conseiller du Premier ministre en 2009, le général-major Searby est un officier retraité de l'armée britannique, il a acquis une grande expérience en Bosnie et dans le Golfe et a également servi avec les forces armées du sultanat d'Oman. Dans cet entretien, il explique que l'ennemi commun à l'Algérie et à la Grande-Bretagne est Aqmi, une organisation terroriste qui risque d'embraser le Sahel si une coopération étroite n'est pas établie tant au plan régional qu'international.
L'Expression: Le Royaume-Uni a donné l'asile, durant les années 1990, à un certain nombre d'islamistes radicaux. Cette position a-t-elle entravé la coopération sécuritaire entre votre pays et l'Algérie'
Robin Searby: Nous avons une bonne coopération en matière de sécurité avec l'Algérie, qui est un allié important dans la lutte mondiale contre le terrorisme. Il ne m'appartient pas d'entrer dans un débat détaillé sur la politique d'immigration britannique. La raison pour laquelle je suis en Algérie à l'occasion de cette 3e édition du Dialogue annuel sur la lutte contre le terrorisme est de renforcer davantage notre coopération dans un large éventail de domaines. Des relations étroites comme celles-ci entre le Royaume-Uni et l'Algérie sont très importantes pour la mise en oeuvre d'une stratégie antiterroriste efficace et cohérente. Nos relations en matière de lutte contre le terrorisme ne représentent qu'un seul aspect positif de notre relation bilatérale approfondie, qui était le thème principal des réunions du ministre britannique des Affaires étrangères avec le Président Bouteflika et le ministre des Affaires étrangères, M. Medelci, la semaine dernière.
Après les attaques du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis, beaucoup de responsables britanniques ont loué les efforts de l'Algérie dans la lutte contre le terrorisme. Il s'en est suivi une coopération. Comment se matérialise cette collaboration sur le terrain'
Nous avons une excellente relation dans le domaine de la défense et de la lutte contre le terrorisme avec l'Algérie, qui couvre un large éventail d'activités. L'Algérie est un partenaire important en matière de sécurité et nous la soutenons dans la lutte contre le terrorisme. Le Royaume-Uni et l'Algérie ont une grande expertise que nous pouvons partager en travaillant ensemble pour lutter contre la menace commune du terrorisme et en particulier Al Qaîda au Maghreb. Nos positions envers le paiement de rançons sont très similaires. Une partie de notre forte relation en matière de sécurité est due aux liens que nous partageons dans le domaine de la défense qui ont été renforcés après la signature de l'Accord de défense en 2009. Depuis lors, il y a eu une augmentation des contacts dans différents domaines et des opportunités de coopération, notamment dans le domaine de la formation.
Les liens entre nos deux pays sont très importants, mais il y a aussi un angle régional important à prendre en considération. Il est clair que la menace d'Aqmi est réelle et en pleine expansion et ne peut être vaincue par des moyens militaires seulement. C'est pourquoi il est particulièrement important que nous travaillions ensemble pour lutter contre cet ennemi commun. Les terroristes ne respectent pas les frontières. Nous ne pouvons réellement vaincre Aqmi que si nous travaillons ensemble, avec les pays de la région en tête, en s'attaquant aux causes principales du problème et en diminuant la capacité des terroristes à menacer les civils innocents. Certains pays de la région n'ont pas les capacités nationales pour faire cela. C'est pourquoi il est important pour les pays comme l'Algérie d'aider et d'assurer qu'Aqmi ne trouve pas refuge dans le Sahel. La création du Comité d'état-major opérationnel conjoint (Cemoc) et la Cellule de fusion du renseignement est une première étape importante dans la région pour travailler plus étroitement ensemble. La conférence sur la sécurité au Sahel tenue en Algérie en septembre a été une autre étape importante vers l'avant.
Avez-vous une estimation précise du nombre d'islamistes qui se trouvent actuellement en Grande-Bretagne'
Nous essayons d'éviter l'utilisation des termes islamisme et islamistes au Royaume-Uni parce qu'ils sont mal interprétés et interprétés de plusieurs manières. Mais malheureusement, il y a un certain nombre d'individus et de groupes qui ont des opinions extrémistes et qui constituent une menace pour la sécurité du Royaume-Uni et de ses citoyens. Nous ne faisons pas de discrimination sur la base de la religion ou de la race, mais nous continuerons à poursuivre, en appliquant toute la rigueur de la loi, tous ceux qui cherchent à mener des attaques terroristes.
Votre pays a appuyé l'Algérie notamment sur la résolution 1904 criminalisant le paiement de rançons. Avez-vous rencontré des difficultés à persuader d'autres pays pour le faire'
La mise en place d'un cadre juridique international solide est une partie importante de notre tentative de dissuader d'autres Etats à payer des rançons aux terroristes. Le Royaume-Uni a aidé l'Algérie à obtenir la résolution 1904 du Conseil de sécurité des Nations unies en 2009, qui stipule que le paiement de rançons aux terroristes désignés enfreint le régime de sanctions contre Al Qaîda et les taliban.
Lorsque le régime de sanctions a été renouvelé cette année, le Royaume-Uni a travaillé dur pour assurer le texte de la résolution 1904 qui a été conservé et renforcé. C'est une question difficile et sensible. Car, bien que les pays comprennent les conséquences du paiement de rançons, ils choisissent de payer parce que c'est le meilleur moyen d'assurer la libération de leurs ressortissants.
L'Algérie et le Royaume-Uni partagent la même approche globale sur la lutte contre le terrorisme. Il s'agit particulièrement de l'aspect social. Comment est-t-il possible de combiner les deux actions; lutter contre le terrorisme et prendre en charge l'aspect social en même temps'
Il est important de faire face à tous les conducteurs de radicalisation, que ce soient des problèmes idéologiques ou communautaires. Les actions combinées pour s'attaquer aux problèmes de sécurité et de développement sont énoncées dans la Stratégie Sahel de l'UE qui définit les activités qui visent à apporter la sécurité et le développement au Sahel. Répondre à la fois aux défis de la sécurité et du développement est essentiel pour lutter efficacement contre le terrorisme.
Votre pays a une très bonne expérience dans la lutte contre le terrorisme, notamment en Irlande du Nord. Comment pensez-vous en faire profiter l'Algérie'
La nature de la menace terroriste en Irlande du Nord a considérablement changé ces dernières années. L'IRA provisoire (Pira) et les principaux groupes loyalistes ont cessé leurs campagnes terroristes et sont pleinement engagés dans le processus politique. Mais certains groupes terroristes résiduels continuent de perpétrer des attentats.
Une coopération étroite entre le Service de Police d'Irlande du Nord et la police irlandaise a conduit à un certain nombre d'arrestations, la saisie de matériel terroriste et la mise en échec d'attaques.
Une réponse politique et communautaire forte et unie est indispensable. Elle montre aux terroristes qu'ils ne réussiront pas dans leurs tentatives de déstabiliser le processus politique. Les élections pacifiques, plus tôt cette année, ont encore confirmé la maturité et la stabilité de ce processus politique.
Quelle est l'importance que vous accordez aux médias dans votre stratégie de lutte contre le terrorisme'
Les développements dans les médias, comme l'Internet, ont transformé la façon dont les organisations terroristes opèrent, en leur fournissant une plate-forme internationale de communication qui a promu le concept de jihad mondial.
Notre objectif est de faire d'Internet un environnement plus hostile pour les terroristes. Une grande partie de ce travail visant à lutter contre l'utilisation terroriste de l'Internet est sensible alors il ne serait pas approprié d'aller plus dans le détail.
La tâche de l'Otan était de protéger des civils. Pourtant, il a bombardé le convoi d'El Gueddafi qui ne présentait pas de danger puisqu'il s'enfuyait. Quelle explication donnez-vous à cela'
L'Otan a confirmé qu'un avion de l'Otan a heurté deux véhicules militaires pro-El Gueddafi qui faisaient partie d'un groupe plus important manoeuvrant dans les environs de Syrte. Etant donné la nature de leur conduite de ces véhicules, ils représentaient toujours une menace pour les civils. Ce n'est pas la politique de l'Otan de cibler des individus spécifiques et en absence de troupes sur le terrain, il était impossible d'identifier la présence d'un individu en particulier dans ces véhicules.
Dans un communiqué publié jeudi, le ministre des Affaires étrangères, William Hague, a déclaré que la mort d'El Gueddafi permettrait au peuple de Libye d'aller de l'avant. «Cela les rapproche beaucoup plus du moment qu'ils pourront déclarer la libération, former un gouvernement de transition, commencer le compte à rebours pour des élections huit mois plus tard et tout le monde peut se concentrer sur un avenir libre et démocratique pour la Libye avec des relations bien meilleures avec les pays voisins et autres pays dans le monde que sous le régime d'El Gueddafi. Donc, tout cela représente aujourd'hui des perspectives réelles s'offrant au peuple libyen.