Algérie

Apulée de madaure, pionnier numide du roman


De la rhétorique avant toute chose ! aristote le Grec, Cicéron le Latin, El Gorgani l?Arabe et les autres attestent de l?universalité de cette discipline qui prend appui sur la logique et les différents artifices du langage. Le propre de celle-ci, qui se trouve quelque peu marginalisée de nos jours, n?est-il pas de mener à bien le discours, n?importe quel discours, selon la convenance du moment, et avec la force de persuasion nécessaire ? Apulée de Madaure (125-180), tout comme l?encyclopédiste Denis Diderot, savait bien que « la rhétorique est à l?éloquence ce que la théorie est à la pratique, ou comme la poétique est à la poésie ». Ce Numide, considéré, à juste titre, comme le pionnier du roman dans l?histoire de la littérature mondiale, et comme un esprit génial en matière de rhétorique, fut traîné en l?an 158 devant un tribunal romain, à Sabrata, en Libye, où il dut se défendre contre une accusation de magie. Il aurait ensorcelé une riche veuve pour parvenir à l?épouser ! Dans son Apologie, livre décapant écrit après son procès, il nous renseigne, amplement et avec force ironie, sur la cupidité et la jalousie de ses accusateurs qui, en fait, lui faisaient grief d?être « un philosophe, très bel homme et aussi inventif en grec qu?en latin ! ». Fallait-il vraiment se prévaloir de toute la doctrine de Platon pour ensorceler cette riche veuve ? Durant quatre heures, et face à un corps de magistrats romains aguerris, ce rhéteur qui ne voulait en aucun cas sacrifier à l?art du discours sa propre vérité, celle qui le ferait innocenter, s?employa à démanteler, un à un et avec brio, les faits délictueux qui lui étaient reprochés. Le Numide a bien compris la leçon de rhétorique, et avec quelle finesse ! Lui, le colonisé, qui se trouvait en position de faiblesse,dans un pays étranger, a su renverser la vapeur au moment opportun. La langue latine qui, depuis, fit de lui un homme de lettres universel constitua pour de vrai un butin de guerre remarquable utilisé à bon escient. La rhétorique, quant à elle, a été une sorte de cheval de Troie, en ce sens qu?elle lui a permis d?aller fouiner, en psychologue averti, dans les profondeurs abyssales de ses ennemis, romains comme berbères, avant de passer à la contre-attaque. « N?était leur éloquence, je les aurais décapités », disait El Hadjadj, à propos de quelques jeunes dés?uvrés, surpris sous le coup de l?ivresse, quelque part, à Baghdad. De fait, ceux-ci avaient réussi, durant une courte confrontation verbale, à tempérer la fougue du dictateur omeyyade grâce à leur bon usage des différentes figures de rhétorique. Finalement, Apulée n?est pas loin de ces jeunes dés?uvrés de Baghdad. Dans les deux cas, le tout était de savoir peser le pour et le contre dans les situations délicates qu?ils eurent à affronter d?autant qu?ils étaient solidement armés et bien disposés sur le plan psychologique. L?auteur de L?Âne d?or accomplit même la prouesse de décliner, non sans fierté, son identité et son appartenance géographique au cours du même procès sans être tenu en suspicion de la part des magistrats romains : « Je suis d?un pays situé entre la Gétule et la Numidie ! » Oui, il n?était pas romain, mais, un Berbère bien enraciné dans sa terre natale. La rhétorique, qui a, depuis, fait une belle carrière dans toutes les langues et sous tous les cieux, ne serait-elle pas, aujourd?hui, comme une batterie vide qui attend d?être rechargée ?
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