Algérie

Après une carrière de 50 ans Le maître tire sa révérence



Après une carrière de 50 ans                                    Le maître tire sa révérence
Y a-t-il destin plus cruel que de mourir dans cette France à laquelle il avait préféré les 'haillons de son pays' ' C'est hélas le sort de Da Chérif. 'Plutôt les haillons de mon pays/et mon honneur préservé/que les joyaux de l'étranger/c'est l'Algérie qui est attachée à mon nom/J'y ai ma dignité/Cela vaut mieux que toutes les richesses'. Peut-on dire que Chérif Khaddam a trouvé cette dignité revendiquée dans une Algérie qui n'a même pas su le soigner. En réalité, il a entamé son dernier voyage lorsqu'il a dû se rendre en France pour atténuer les effets de la maladie. Nous reproduisons ici un article diffusé après sa dernière apparition publique.
Souffle le vent, gronde le tonnerre... Comme les collines de Kabylie que ne brisent pas les tempêtes, Cherif Kheddam résiste aux années qui s'écoulent. Les temps s'en vont (ruh a zman ruh), l'artiste demeure. Même diminué par la maladie, l'octogénaire porte les dents d'un jeune qui ne se rassasie pas de croquer la vie.
En le saluant, on a presque envie d'ôter à son prénom la particule 'da' que la coutume kabyle consacre aux aînés en signe de dévotion. Il y a chez lui une fraîcheur qui ne laisse pas soupçonner plus d'un demi-siècle de carrière d'un artiste initialement promis à devenir imam, sur les traces d'un père descendant d'une lignée maraboutique.
Le génie de Cherif Kheddam est aussi dans ce paradoxe. Dans la rupture de ce lien avec la tradition dont on a voulu qu'il fût un maillon dans la chaîne de transmission.
Elevé comme un moine soldat dans la rigueur d'une zaouïa, c'est finalement de révolte que sera imprégné son esprit même si le Coran est imprimé dans sa mémoire.
Une révolte violente dans le sens mais douce dans l'expression. Violente parce que l'apprenti imam empruntera la voie du profane. Et parce que la femme deviendra objet d'adoration quand elle n'est censée n'être du péché que l'incarnation.
Révolte violente, mais douce par la métaphore qui berce sa poésie, par la force de la poésie qui renvoie tous les imams à leur état d'homme. Dussent-ils de gandoura couvrir leur corps et de sévérité habiller leur visage.
Cherik Kheddam peut même chanter en duo avec sa fille, signe d'une modernité en totale contradiction avec la schizophrénie de nombre de figures chez qui cette modernité n'est qu'un vernis. En 1961, il s'interrogeait sur l'utilité de porter le voile par une femme toute de nif habillée. Après cinquante de carrière passés, l''uvre de Cherif Kheddam est plus que jamais au goût du jour. Le succès est au firmament quand décrochent des étoiles propulsées par des effets de mode. Son art bouscule le temps, traverse les frontières et transcende les générations.
À cela, une seule explication : il s'exprime dans le langage de l'universalité. Celui de la musique qui s'apprend, qui s'étudie, qui se compose mais qui ne s'improvise pas comme c'est le cas chez de nombreux chansonniers. Chez lui, les sonorités correspondent à la poésie et les mots sont choisis pour composer une harmonie. Célébré, il y a quelques années, par deux immenses concerts à la Coupole d'Alger et au Zénith de Paris, le premier vient d'être l'objet d'une production sous forme de DVD et de CD réalisés par l'édition Antinéa.
Inquiets pour sa santé, amis, fans et artistes ont retrouvé un maestro en pleine forme, heureux de recevoir hommages et marques d'affection. Une forme que ne trompe pas sa voix qui s'élève au-dessus d'un orchestre de plus de soixante musiciens. Commémorant le cinquantenaire de la guerre d'indépendance, le concert de la coupole devant 18 000 personnes s'ouvre sur un hommage aux martyrs dont le sang a arrosé une terre où fleurirait la liberté... 'Loghna' avait été enregistré en 1961 avec l'orchestre de l'opéra comique de Paris.
A. O.
*Cet article hommage est déjà paru en février 2011, à l'occasion de la sortie d'un DVD et d'un CD pour ses 50 ans de carrière.


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