Algérie

Après tant de ravages, le wahhabisme remis en cause


Le prince héritier et futur roi de l'Arabie saoudite, Mohamed Ben SelmaneLe processus de propagation du wahhabisme a commencé en Algérie grâce aux coopérants issus du Moyen-Orient, notamment les enseignants égyptiens venus pour arabiser l'école et l'université algériennes, mais aussi grâce aux Algériens qui ont été formés au Moyen-Orient.
L'aveu de Mohamed Ben Selmane, prince hériter et futur roi de l'Arabie saoudite, vaut son pesant de malheur subi par les pays musulmans qui, au-delà du prix en vies humaines, en déchirements de familles et en dislocation des sociétés, a coûté à la majorité des nations musulmanes, un temps précieux de recul et d'arriération dans tous les domaines. Le nouvel homme fort de Riyadh, a reconnu au Washington Post, ce que les analystes et les observateurs n'ont cessé de prévenir et de relever depuis les années quatre-vingt au moins. Mohamed Ben Selmane a affirmé que l'instrumentalisation et la propagation du wahhabisme par son pays ont été faits à la demande de leurs alliés (occidentaux, ndlr) pour barrer la route à l'influence soviétique dans les pays musulmans. A une question sur la relation entre le wahhabisme et le terrorisme, Mohamed Ben Selmane a ouvertement admis que «l'origine de l'investissement saoudien dans les écoles et les mosquées, remonte à l'époque de la Guerre froide lorsque les alliés ont demandé à l'Arabie saoudite d'utiliser ses ressources pour empêcher l'Union soviétique d'avoir de l'influence dans les pays musulmans».
Dans cette interview accordée au quotidien américain The Washington Post, de dimanche dernier, le prince héritier admet que les gouvernements saoudiens successifs «se sont égarés et qu'il nous revient aujourd'hui de remettre les choses sur les rails». Dans le même entretien, il souligne que désormais, ce «financement (de la propagande wahhabite, ndlr) provient aujourd'hui en grande partie d'institutions privées basées dans le royaume, et non du gouvernement». L'exploitation politique du wahhabisme par l'Arabie saoudite et sa propagation à travers le monde n'ont pas commencé en 1979 quand Riyadh a été chargé par Washington et ses alliés occidentaux de mobiliser le potentiel jihadiste existant dans la sphère musulmane pour intervenir en Afghanistan aux côtés des moudjahidine anti-soviétiques. Les premières manifestations publiques doctrinales et politiques wahhabites remontent au milieu des années 1950, lorsque Djamel Abdennasser avait refusé d'appliquer la «chariaâ» en Egypte, condition sine qua non pour que les Frères musulmans soutiennent la «Révolution» des officiers libres de 1952 qui a mis un terme à la monarchie. C'est face à ce refus de Nasser, que le mouvement des Frères musulmans a connu sa première grande crise et scission, menée par Sayed Qotb qui a ouvertement adopté la doctrine excommunicatrice d'Ibn Taymiya, inspirateur et référence majeure de Mohamed Ben Abdelwahab, fondateur du wahhabisme au XVIIIe siècle. Ainsi, le gouvernement égyptien de Abdennasser a été excommunié par Sayed Qotb qui a ordonné à ses adeptes de prendre les armes contre le pouvoir, aggravant du même coup, la crise entre les Frères musulmans. C'est à ce moment-là que les salafistes se sont séparés de l'organisation de Hassane El Benna. Le qotbisme et le wahhabisme sont les deux faces de la même médaille, qui ont commencé à se répandre grâce aux milliards de pétrodollars saoudiens -80 milliards de dollars entre 1960 et 2000-, à travers un monde musulman dont la majorité des pays venait d'accéder à l'indépendance, sans ressources humaines pour assurer une éducation de qualité, sans ressources financières pour répondre à leurs besoins immenses, hésitant entre un progrès lointain, mais synonyme d'occidentalisation et un traditionalisme mythifié par un courant passéiste influent dans des sociétés prédisposées culturellement à s'identifier à un passé glorifié à outrance. Le processus de propagation du wahhabisme a commencé en Algérie grâce aux coopérants issus du Moyen-Orient, notamment les enseignants égyptiens venus pour arabiser l'école et l'université algériennes, mais aussi grâce aux Algériens qui ont été formés au Moyen-Orient et qui sont revenus au pays pour répandre la bonne parole dans les mosquées et les quartiers populaires avant d'investir les institutions scolaires et universitaires ainsi que les entreprises et tous les espaces sociaux et les organisations de masse. On se souvient des joutes oratoires puis des affrontements violents entre étudiants de gauche et islamistes qui ont marqué les années 1970, 1980. L'assassinat de Amzal Kamel à la cité de Ben Aknoun en novembre 1982, a été le premier assassinat politique commis par les islamistes contre un étudiant de gauche. L'endoctrinement était assuré dans les années 1960 et 1970, par le mouvement de la prédication islamique, à travers des «halaqate» publiques dans les mosquées où il était question de préceptes de l'islam. Mais dans des rencontres privées, le discours était ouvertement antisocialiste, antiprogrès et antimodernité.
Aidés par une crise identitaire aiguë, la faillite du régime soviétique, des modèles socialisants et le net recul des mouvements de gauche en Algérie, mais aussi par l'instrumentalisation du régime algérien dans les années 1980 et qui voulait en finir avec le modèle de Boumediene et se libérer de la Charte nationale, les islamistes ont eu le vent en poupe et ont réussi à «wahhabiser» la société du moins en apparence, notamment pendant la décennie rouge. Aujourd'hui, le wahhabisme est remis en cause dans son propre pays. Qu'en est-il en Algérie'
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