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Après son match contre Karpov : Paroles de Kasparov



Après son match contre Karpov : Paroles de Kasparov
Voici les déclarations de Garry Kasparov faites après son match victorieux joué à Valence, Espagne, du 21 au 24 septembre 2009 dans un duel en 12 parties : 4 semi-rapides et 8 rapides et gagné sur le score de 9 à 3. «N’oublions pas que je travaille avec Magnus, c’est même mon métier actuellement..." Deux vieux mecs... Nous sommes toujours là, et c’est nous qui sommes l’événement du moment pour le microcosme des échecs. Quelque chose ne va pas là-dedans. Jouer, sur l’échiquier je veux dire, environ cinq ans après m’être arrêté constituait un vrai challenge. J’aurais décliné l’offre si je n’avais pas débuté cette année ma coopération avec Magnus, parce que je savais à quelles difficultés je devais m’attendre. Même pour ce qui est de la préparation, vous finissez par perdre votre instinct. C’est assez difficile à expliquer à ceux qui n’ont jamais fait cet effort. Il est amusant de constater que cette pratique cybernétique est à la fois une aide et un handicap. J’ai joué certains coups de qualité médiocre, par exemple ...f4 dans la première partie.  Qualitativement j’ai été déçu de ma prestation contre Karpov , certains de mes coups étaient horribles et heurtaient mon esthétique de joueur d’échecs. Dans la quatrième il me restait deux ou trois minutes contre cinq secondes à Karpov. Et là réflexe typique, j’ai joué un coup médiocre pour passer le temps. C’est compréhensible, mais difficile à justifier auprès des joueurs d’échecs. Ca m’a vraiment contrarié parce que j’avais réalisé une belle partie, en obtenant une position écrasante stratégiquement à partir d’un milieu de jeu quasiment égal, dans le style de Karpov du reste. Je reviens sur ces difficultés pour préparer le match. Je me suis efforcé de retrouver mes sensations de joueur professionnel. J’ai annoncé une suspension temporaire de mon blog politique du Wall Street Journal et me suis éloigné une semaine de la politique afin d’être tranquille. Je suis allé à Oslo pour une session d’entrainement avec Magnus. Il ne s’agissait pas réellement de préparer mon match, plutôt de me replonger dans une atmosphère échiquéenne. Nous avons travaillé, joué quelques blitz. Je n’ai pas joué de semi-rapides avec lui, mais j’en ai disputé à Moscou contre un très fort grand-maitre, et j’ai trouvé mon jeu plutôt satisfaisant. Le plus important étant malgré tout de me clarifier les idées et d’être dans les dispositions requises pour jouer aux échecs. J’avais quelques idées prêtes mais avec le soin de ne pas jouer quoi que ce soit qui puisse dévoiler mes préparations avec Magnus, étant donné qu’il en avait plus besoin pour le super-tournoi qu’il devait disputer en Chine que moi ici. Donc j’ai joué simple. Karpov avait décidé de jouer des positions aussi simples que possible avec les noirs et agressivement avec les blancs. Ce qui me convenait plutôt bien, si j’excepte mon choix ridicule dans le premier blitz lorsque j’ai joué le coup idiot 12 exd5 après lequel je n’ai pu revenir dans la partie, alors que Tc1 après un roque de part et d’autre était prometteur.Je veux que cela soit bien clair, mais les gens n’ont pas l’air de m’écouter : Je n’ai aucun intérêt (à faire mon retour dans le milieu des échecs professionnels). Parce que j’ai accompli tout ce que j’ai voulu dans le jeu d’échecs, et maintenant cela me procure une joie immense, mais jouer professionnellement est très différent. N’oublions pas, je travaille avec Magnus, et c’est mon boulot .Vous ne pouvez pas mélanger ces deux choses. Je suis heureux d’avoir pu jouer à un bon niveau avec Karpov - d’accord, c’est très exagéré de dire cela. Karpov a joué de bons coups, mais la qualité globale de son jeu était irrégulière, parfois elle chutait fortement, sans parler de sa gestion du temps. En tant que joueur professionnel, vous savez que très souvent votre partie dépend de votre adversaire. Karpov n’a pas pu gérer la pression. Le niveau de jeu réel aurait pu être testé si j’avais eu Anand contre moi. Je ne suis pas sûr que j’aurais pu le contenir, cela aurait probablement été beaucoup trop pour moi. Mais une fois encore, on ne peut pas le dire avec certitude. C’est vraiment tragique qu’un match Kasparov -Karpov, 25 ans après notre premier championnat du monde, 5 ans après que j’ai pris ma retraite échiquéenne, et Karpov qui n’est plus parmi l’élite échiquéenne actuelle, que "ça" soit encore le plus grand événement dans le monde des échecs. Cela montre qu’il y a quelque chose qui ne tourne pas rond, et je pense que c’est un message très important, pour les organisateurs, pour les FIDE, pour les fans d’échecs, pour les Grands Maîtres : Ce que je veux dire réellement, c’est qu’il y a un problème très grave, si personne n’arrive à s’intéresser à rien d’autre qu’un match entre, on va dire, deux vieux mecs.Quoiqu’il en soit, nous sommes toujours présents et nous créons le plus grand événement du monde des échecs. Je pense que cela n’est pas une bonne chose. Je peux seulement espérer que les choses vont changer, d’une manière ou d’une autre. Je ne sais pas comment, parce-que en regardant les échecs tels qu’ils sont joués à Elista, Nalchik, Sochi, Khanty-Mansiysk, quelquefois Baku et Erevan, cela conduit les échecs aux oubliettes. Pendant 25 ans depuis notre premier match, les échecs ont glissé vers les oubliettes, et maintenant c’est un jeu qui n’est plus à la mode. Si les Joueurs du Top mondial se satisfont de cette situation, il n’y a alors rien que l’on puisse faire contre ça. Mais je pense que les échecs méritent mieux que ça. Nous avons essayé de le prouver pendant ce match - que nous ayons réussi ou pas est difficile à dire. Notre prochaine étape sera, espérons-le, Paris. Notre objectif est de réussir à jouer des matchs dans tous les pays où nous avons disputé des matchs pour le championnat du monde. Le choix idéal aurait été de commencer à Moscou, mais pour des raisons assez évidentes il semble que jouer à Moscou ne se concrétisera jamais. Je pense que Paris a des chances de se produire... mais qu’après il risque de n’y avoir plus rien. J’ai probablement obtenu mes meilleurs résultats à Paris. J’ai joué 5 tournois de parties rapides à Paris, j’en ai gagné 4 /5, et j’ai perdu la 5è fois en finale. A Moscou j’ai atteint une fois les demi-finales et je n’ai jamais gagné là bas. Donc, Paris a toujours ce que j’ai fait de mieux, et ce n’étaient pas des tournois ordinaires : à chaque fois j’ai dû affronter les plus forts adversaires et j’y ai remporté mes victoires les plus mémorables. Donc je souhaite participer à un nouvel événement là-bas, et si tout va bien, permettre ainsi aux gens de voir que le jeu d’échecs est toujours vivant.


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