Algérie

Après six mois, la «réforme» de Sellal butte encore sur un bouchon de liège Analyse éco : les autres articles



Le 3 mars prochain, le Premier ministre Abdelmalek Sellal bouclera ses premiers six mois dans la fonction. Un premier constat. Il est mieux conseillé que son prédécesseur. En stratégie d'image. Il a, depuis son investiture, vite recensé les sources de nuisance audible dans l'espace public. Et tente, avec sa sincérité avantageuse, de les désamorcer en jouant la carte du dialogue. Premier succès, le FCE ne souffle presque plus un mot de travers sur la gestion gouvernementale. Ahmed Ouyahia n'a pas pu se prévaloir ' et il ne l'aura pas démérité ' d'une telle bienveillance du patronat. Second résultat, les chancelleries influentes à Alger sont attentives à un effet de «détente» nommé Sellal.
Le discours du Premier ministre, en décembre dernier au Sheraton Club des Pins, succédant à celui du président français François Hollande lors du forum d'affaires Algérie-France, lui a valu une wild-card de partenaire d'affaires ouvert. Sellal sait plaire. Surtout aux puissants. Mais pas seulement. Le Premier ministre a reçu et longuement écouté le comité de pilotage de l'initiative Nabni. Eux n'avancent pas par le rapport de force, mais uniquement sur la tectonique des idées. Sellal dit vouloir faire bouger les lignes dans le délai court de son «mandat» à avril 2014. Et cherche à se faire aider. Louable. C'est là qu'arrive le second constat. Il est déjà en retard.
Lorsque le décompte à mi-année est fait, il faut bien se résoudre au constat que, même à ses vis-à-vis les plus «lourds», Sellal n'a rien donné. Le goulag bureaucratique de Ahmed Ouyahia est toujours là. Aucune des mesures, tant décriées par le patronat, de la LFC 2009 n'a été détricotée. Le crédoc pour les nationaux et les 49/51% systématiques pour les étrangers sont, pour ne citer que les principales, toujours en vigueur. Mais le Premier ministre a acheté du temps. Un crédit de «bonne volonté».
La nouvelle stratégie industrielle que prépare Cherif Rahmani promet de remplacer les «champions publics» de l'inconsistant Abdelhamid Temmar par des «champions privés». Tout le monde espère en être. Suffisant pour le Premier ministre pour obtenir une trêve sur son flanc droit. Le réveil, au second semestre 2013, pourra être brutal. Car bien sûr, la «réforme libérale Sellal» est bien partie pour se révéler une «souriante illusion». L'administration joue la continuité systémique avec «les circulaires Ouyahia». Et face à cela, la stratégie d'image du Premier ministre n'a plus d'effet. Sans mouvement politique de soutien, sans réseaux d'influence, sans credo porté pour la débureaucratisation et la modernisation de l'économie algérienne, l'impasse guette.
Les six premiers mois de Abdelmalek Sellal ressemblent finalement à un zeste de communication dans une unité de bétonnage indéboulonnable. Illustration de la symétrie, pour une facilitation de la procédure d'ouverture de compte bancaire pour les citoyens, une campagne tapageuse sur la traque au blanchiment d'argent dans le circuit bancaire algérien. Un enjeu de pacotille. Sept cas recensés en 5 ans par la brigade qui en a la charge.
Par contre, une convaincante invitation pour l'argent de l'informel à rester en dehors du circuit bancaire. Le recensement des sources de nuisance audible a joué dans les deux sens. Si les «bien portants» ont été caressés dans le sens du poil, les faibles ont continué de trinquer sur la scène économique et sociale. La continuité est même assortie de hauts faits d'armes éloquents. La politique sociale de l'Etat interdit la revendication chez ceux qui n'en bénéficient pas. La police a tiré à balle en caoutchouc sur les chômeurs rassemblés à Laghouat. De même, l'Etat policier algérien de Sellal, semblable en cela à celui de Ouyahia, défend «la citadelle assiégée».
La Tunisie en crise politique va accueillir la planète entière ce printemps à l'occasion du forum social mondial dont elle a arraché l'organisation à des destinations prestigieuses dans le monde. Alger, plus vigilante qu'In Amenas, refuse pendant ce temps le principe d'une réunion de préparation dans une obscure Maison des syndicats à Dar El Beïda. Et expulse manu-militari les acteurs sociaux maghrébins invités à la rencontre. Entre Alger et Tunis, le plus précaire n'est pas celui que l'on croit. La «réforme libérale» de Sellal serait elle donc Teatcharienne dans le traitement du syndicalisme et Boutefliko-Ouyahienne pour le reste '
Une affaire résume, dans l'économie locale, toute la force d'inertie du système sur laquelle le sympathique M. Sellal a si peu de prise. Une douzaine d'entreprises privées de transformation du liège viennent, dans les wilayas de l'Est, de mettre au chômage plusieurs centaines de leurs travailleurs. La faute à Ouyahia. Rien d'étonnant jusque-là. L'ancien Premier ministre a signé, en mai dernier, une décision du CPE bannissant le secteur privé de l'approvisionnement en lots de liège issu forcément du domaine forestier public.
Priorité aux entreprises publiques. Petit détail embarrassant : la filière publique de transformation du liège est en panne. Machines obsolètes, encadrement technique perdu, endettement prohibitif. Les 3000 tonnes de la récolte 2012 ont quand même été réservées aux seules entreprises publiques à refonder. Ils iront s'ajouter à d'autres stocks non transformés. La filière privée de la transformation exportait, en moyenne pour 20 millions d'euros, des produits du liège vers l'Europe avant l'oukaze du printemps dernier. Que le Premier ministre ne peut pas changer. Car il faut ici plus que des propos avenants. Une plainte pour crime économique est dans le pipe. Et aussi la tentation de faire comme Amara Bouglez.
Le commandant haut en couleur de la base de l'Est de l'ALN, en conflit avec le CCE en 1957, s'était vu couper les vivres par la direction de la Révolution installée en Tunisie. Il a amassé des fonds pour ses troupes en organisant temporairement une filière de récolte du liège le long de la frontière boisée entre les deux pays et en trouvant en Tunisie des entreprises pour lui racheter ses fagots apportés à dos de mulet. C'est de Amara Bouglez que l'Algérie a encore besoin en 2013.


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