Algérie

APRÈS QUINZE ANS D'ABSENCE Dounya, la voix féminine du malouf, résonne sur le Vieux Rocher



Publié le 01.09.2024 dans le Quotidien le soir d’Algérie
ABDELHAK MEBARKI

Une mélodie, un talent, un souffle, une présence, une fidélité, un symbole... Tels sont les mots qui viennent à l'esprit pour évoquer Constantine, l'âme de cette ville mythique, imprégnée de son art et de son passé culturel. Dounya incarne cet esprit depuis son plus jeune âge, luttant contre l'oubli et les failles de la mémoire collective. Après Touati, Righi, Laoubdia et Salim Fergani, nous sommes allés à la rencontre de Dounya...
Sa voix, inégalable, charme et envoûte ceux qui l'écoutent. Pour les connaisseurs, Dounya représente le malouf dans sa forme la plus authentique. Née à Constantine, au sein d'une famille établie depuis longtemps sur le Vieux Rocher, Dounya a rapidement tracé son chemin dans l'univers exigeant du «fen» (l'art), défiant la hiérarchie traditionnelle aux côtés de jeunes prodiges impatients de faire leurs preuves.

Un sacerdoce, une flamme...
Pour elle, le malouf n'est pas qu'une musique, c'est un sacerdoce, une flamme à maintenir vivante pour perpétuer la mémoire collective. Malgré le passage du temps, Dounya a su, à chaque fois, se réinventer, s'améliorant au fil des années. Ses tubes et ses succès composent un répertoire impressionnant, véritable trésor du patrimoine musical constantinois. Monopolisé par les artistes mâles, le malouf constantinois avait besoin de cette voix féminine faite de douceur et de sensualité qui lui manquait tant. Mieux encore, Dounya, en tant que femme, a su exécuter avec une pureté et une orthodoxie sans pareil ces noubas que le public chérit. Après quinze ans d'absence, Dounya est revenue sur scène avec une interprétation magistrale d'extraits de la nouba mezmoune, accompagnée d'un orchestre dirigé par le maestro Samir Boukridira. «Remonter sur scène après une si longue absence est une grande responsabilité», confie-t-elle. «Au départ, je me sentais plus à l'aise avec les chansons patriotiques et orientales, mais le malouf est ancré en moi. J'ai récemment produit un coffret de plusieurs CD de malouf, incluant des kadriyat du hawzi et du zadjel, avec en pièce maîtresse la chanson Salah Bey.»
Dounya se souvient également de ses nombreux succès obtenus à l'étranger, notamment à Tripoli (Libye) lors d'un festival international consacré au malouf, ainsi qu'à Istanbul (Turquie) avec la chanson Ya bahi al jamal, en compagnie du pionnier du malouf, hadj Mohamed Tahar El Fergani. Elle évoque aussi sa première chanson, interprétée à El Kala, une ville côtière proche de la frontière tunisienne, inspirée par le poète yéménite Abdullah Al Bardouni et filmée par le réalisateur Ali Aïssaoui. «Les encouragements de ceux qui m'ont entourée m'ont été d'un grand soutien psychologique et m'ont poussé à aller de l'avant», déclare-t-elle.

Un tube dédié à Ghaza
Ses ambitions étant grandes, Dounya a décidé un jour de partir à la découverte d'autres horizons, notamment en Égypte. «Pendant 14 ans, l'idée de découvrir cette autre planète était avant tout de m'enrichir artistiquement. Mes contacts en Égypte m'ont permis d'être recrutée par les compagnies de Mohamed Abdelwahab et Abdelhalim Hafez. Sans aucun complexe, j'ai pu enregistrer des chansons en collaboration avec de grands compositeurs et poètes comme Nizar Qabbani, Mohamed Al Mougi, Mohamed Hamza, Khaled Al Amir, Salah Fayez, etc.» Elle a ensuite signé de nouveaux contrats avec la société Rotana, déterminée à écrire son histoire en lettres d'or. Elle raconte avec fierté sa rencontre avec la diva Warda El Djazairia, une véritable icône de la musique arabe, qui jouissait d'un immense respect en Égypte. «Ce fut un honneur et une fierté en tant qu'artiste algérienne installée au Caire», confie-t-elle.
Dounya ajoute : «Lorsque je prépare une nouvelle chanson, je m'attache aux différents aspects, au contenu et au message que je veux transmettre. J'aspire à être un modèle dans le monde de l'art et à y laisser une empreinte indélébile. Mon devoir est de défendre une cause et de véhiculer des messages nobles. Je me souviens avoir interprété, durant pas moins de quatre heures sans pause, L'Épopée algérienne (1994), en présence de nombreux compositeurs et poètes comme Mohamed Boulifa, Souleiman Jawadi, Omar Al Barnawi, Belkacem Khamar. Cela a été suivi d'un prix à Carthage (Tunisie).»
Lorsqu'on lui demande de faire un bilan de sa carrière, Dounya est catégorique : «Aujourd'hui, mon objectif est d'apporter davantage à l'art et de prouver à mon cher public, pour qui j'éprouve beaucoup d'amour et de sympathie, que je mérite leur estime. C'est à eux seuls de m'évaluer à ma juste valeur.»
De retour sur scène dans sa ville natale, Dounya Djazairia, avec un répertoire aussi riche que diversifié, trouvera-t-elle à nouveau les conditions pour offrir à son cher public, avide de cette voix féminine, une prestation à la hauteur de leurs attentes ? Le malouf, sur cette terre bénie qu'est le Vieux Rocher, reste pour elle une passion et sa raison d'être.
Pour conclure, Dounya nous parle de son dernier tube, dédié à Ghaza, qu'elle continue de pleurer. Elle espère que ce morceau sera soutenu par le ministère de la Culture et des Arts.
Abdelhak Mebarki




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