Après les partis, haro sur le citoyen

Dans un premier temps, le ministère de l'Intérieur a avancéque l'abstention électorale croissante, de scrutin en scrutin, est imputable aupremier chef aux formations partisanes, au motif qu'elles ont détourné lescitoyens de l'acte électoral par l'inconsistance de leur discours politique, lalégèreté de leurs promesses électorales et la vénalité des comportements pourcertaines d'entre elles. Engagement a été pris par cette institution, sur labase de ce constat, «d'assainir» la pratique partisane, lequel s'est traduitpar l'amendement de la loi électorale en vigueur.Mais preuve que l'administration chapeautée par YazidZerhouni est consciente que l'abstention des électeurs a d'autres causes quecelle de l'impéritie des partis politiques, c'est l'explication toute techniqueet administrative à laquelle a eu recours son patron pour justifier son initiatived'envoi de lettres aux abstentionnistes. La nouvelle explication de Zerhounipostule «qu'en général, les gens qui ont changé d'adresse ne viennent pas voterdans leur ancienne circonscription du fait de l'éloignement». D'où lacorrespondance adressée par son département dans le seul but, paraît-il,d'assainir et de réactualiser les listes électorales.Les deux explications avancées successivement par Zerhounià l'abstention électorale ont effectivement contribué à l'augmentation du tauxde celle-ci. Mais le ministre de l'Intérieur, dont c'est le rôle d'être informéde ce qui peut agiter les esprits des citoyens et les faire agir, faitabstraction de toute motivation politique ou sociale au comportement de lamajorité de l'électorat. Pour Zerhouni, il n'entre dans celui-ci aucune part demécontentement contre le pouvoir d'Etat.Haro donc sur les acteurs partisans coupables«d'infantilisme politique», un «chouia» sur les collectivités locales accuséesde «négligence administrative», mais sus aux citoyens pour leur «incivisme».Zerhouni et le pouvoir en général font la «politique del'autruche» en refusant de tirer la conclusion que l'abstention est la seuleforme d'expression pacifique qui reste aux citoyens pour exprimer leur rejet dusystème, dont ils ne croient plus à aucune de ses promesses et de sesengagements. Ce n'est peut-être pas «Big Brother» qui a inspiré à Zerhounil'envoi de sa lettre aux abstentionnistes, mais il y a à coup sûr du désarroidans la pensée de celui qui en a eu l'idée.Pour saisir l'ampleur de la rupture entre le citoyen et sesgouvernants, il n'y a qu'à sonder le premier en cette période estivale où ilvoit son pouvoir d'achat fondre comme neige au soleil. Ce n'est pas aux partis,même ceux du pouvoir, que ce citoyen impute la descente aux enfers dans sesconditions de vie. Il est assez subtil pour décoder les tenants et aboutissantsqui font que plus son pays s'enrichit, plus lui s'appauvrit, et surtout qui sontles véritables promoteurs de ce terrorisme politico-économique.