En assumant le rôle de général qui commande ses troupes, le président Bouteflika vient de réussir la bataille des législatives. Les Algériens, qui ont répondu à l’appel du 8 mai, attendent le retour d’ascenseur. Analyse.
Après le succès relatif par lequel se sont soldées les législatives (car 52% des Algériens n’ont pas voté), la tentation serait certainement grande dans des sphères du pouvoir de prendre le résultat comme une sorte de satisfecit au mode de gouvernance actuelle. Ahmed Ouyahia, une des victimes collatérales de cette consultation, en raison de la descente aux enfers de son parti au fil des élections, est un des partisans de cette lecture positivante. N’avait-il pas, en effet, claironné à satiété, au cours de ses meetings électoraux, que les Algériens avaient le choix entre la continuité où l’intervention étrangère ? Sorte de chantage à la peur que le truculent Daho Ould Kablia avait, à juste titre, balayé vendredi lors de son point de presse, du revers d’une saillie. Mais le président Bouteflika, pour avoir sauvé ses élections du bide annoncé, ne devrait pas trop prêter l’oreille à ses conseilleurs (pas du tout par ailleurs), dont le seul souci est de vouloir jouer les prolongations pour continuer à s’empiffrer de la rente pétrolière. Car ce serait alors une erreur de décryptage qui se paiera cash. En effet, le message des Algériens, ce n’est pas une prime au statu quo, à l’immobilisme. Au contraire, c’est un appel au changement, mais dans la sérénité pour éviter au pays, encore convalescent, de subir les répliques du Printemps arabe. Le président Bouteflika est attendu au tournant, lui qui dit maîtriser l’art de l’embuscade. Il doit, à son tour, envoyer un signal fort. Et à chaud. Autant aux Algériens qu’aux étrangers qui ont cru voir dans le score du FLN un semblant de retour au parti unique. Il doit apporter la preuve du contraire. Ce premier signal devrait être le renvoi immédiat du gouvernement dont la plupart des ministres, pour ne pas dire la totalité, sont usés jusqu'aux dernières cordes, et parvenus au seuil ultime d’incompétence. Il y en a qui ont plus de 15 ans de “ministrature”, comme Chérif Rahmani et Benbouzid.
C’est digne du Guinessbook ! Le gouvernement Ouyahia est un boulet aux pieds de la dynamique de changement promise par le président Bouteflika dans son discours programme du 15 avril 2011. De nouvelles têtes, de jeunes têtes, surtout, sont nécessaires. Une sorte de nouvelle équipe dynamique, en phase avec les deux tiers de la population que sont les jeunes (qui n’ont pas d’ailleurs voté en foule). En phase avec facebook qui est en passe de devenir une véritable arme atomique des temps actuels. Ce changement de gouvernement (et le plus vite serait le mieux) ne devrait être en définitive qu’une sorte de gage, une sorte d’avance sur salaire de ce que serait, dans un deuxième temps, la deuxième partie des réformes annoncées. En l’occurrence, la révision de la Constitution avec un retour à la limitation des mandats présidentiels, la séparation rigoureuse des pouvoirs (selon le modèle présidentiel ou parlementaire), l’indépendance de la justice, la mise en place rapide des textes pour concrétiser l’ouverture de l’audiovisuel. Une ouverture d’autant plus urgente que, à l’occasion de ces législatives, l’Unique a encore fait une démonstration éclatante de son anachronisme, son obsolescence. La compétence des journalistes mise à part. Nesma TV, avec infiniment moins de moyens, a fait un travail remarquable, battant le mastodonte de l’ENTV, qui compte plus de 3 000 travailleurs sur son propre terrain. Le volet économique des réformes est aussi important. En finir avec la facilité de la rente pétrolière (cette malédiction) et poser enfin les assises d’une véritable économie génératrice d’une plus-value, de richesses, d’emplois, avec des règles simples et claires qui donneraient une visibilité aux investisseurs potentiels, toujours hésitant devant “le risque Algérie”. Il y aussi la dimension sociale. L’Algérie doit sortir des ces “opérations pompier” qui consistent à injecter de-ci de-là de l’argent pour éteindre provisoirement le feu. Car la meilleure façon “d’acheter la paix sociale”, pour reprendre une expression chère à Ouyahia, c’est d’aller vers une sorte de “Grenelle” où seront posés les termes de cette équation sociale qui continue de produire quotidiennement de la tension, de la contestation.
Il s’agit en somme d’un package de réformes. Il reste au président Bouteflika deux ans pour leur donner du sens. Deux ans pour convaincre. Avec une nouvelle équipe convaincue. Après, il pourra dire que “notre génération est en fin de mission”. Mais encore une fois, gare à la tentation de l’autosatisfaction. Le retour du boomerang n’en sera alors que plus rapide et plus violent. Les élections locales, c’est dans cinq mois.
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Posté Le : 13/05/2012
Posté par : aladhimi
Ecrit par : Omar Ouali
Source : Liberte 13/05/2012