Algérie

"Après le Ramadhan, on constate une recrudescence de diabètes qui n'étaient pas diagnostiqués auparavant" 3 questions à Safia Ouahid. Professeur en endocrinologie et diabétologie à l'université d'Alger



' Quel est l'effet précis du jeûne sur notre organisme '
Le jeûne est tout synonyme d'un manque de nutriments par voie exogène. L'appareil digestif est au repos au même titre que les sécrétions d'enzymes, ce qui est un point positif. Toutefois, les hormones sont fortement sollicitées, en particulier les hormones hyperglycémiantes également appelées hormones de la contre-régulation. En effet, en raison de l'hypoglycémie que provoque le jeûne, ces hormones maintiennent la glycémie à un taux physiologique constant, entre 0.8 et 1g/l. Elles ont également pour effet d'augmenter la tension artérielle, et en ce sens, les personnes hypertendues doivent prendre des précautions, comme ne jamais arrêter leur traitement et consulter leur médecin traitant en cas d'anomalie pour éviter les accidents vasculaires cérébraux (AVC). Au moment de la rupture du jeûne, l'apport massif de nutriments va entraîner une hypersécrétion de l'insuline, principale hormone hypoglycémiante qui va prendre le relais. Celle-ci a pour autre fonction de stocker les graisses au niveau du tissu viscéral, et donc entraîner une obésité abdominale.

' Pourquoi le Ramadhan est-il l'occasion de révéler certains diabètes '

Il faut savoir que pendant le Ramadhan, en général, les Algériens mangent beaucoup de sucreries, résultant sur des apports glucidiques élevés qui déséquilibrent facilement un diabète latent méconnu. Par exemple, un patient avec 1.4 g/l en période de non-jeûne ne présente pas de signes cliniques de diabète, il ne consulte pas et pourtant il est diabétique. Alors que pendant le Ramadhan, par cet apport excessif inhabituel de glucides, sa glycémie peut atteindre les 3 g/l. Les gens s'en rendent généralement compte, car ils boivent beaucoup, urinent beaucoup, maigrissent malgré un appétit conservé. Chaque année après le Ramadhan, on constate une recrudescence des cas de diabète en consultation, qui n'étaient pas diagnostiqués auparavant. En revanche, un excès de sucre pendant le Ramadhan sur un terrain non diabétique n'entraîne pas immédiatement de diabète, mais sur le long terme, ce n'est pas à exclure. Ce qui est sûr, c'est qu'il faut changer les habitudes culinaires des Algériens et ne pas faire d'excès. Pour beaucoup d'Algériens, le Ramadhan rime trop souvent avec sucres et gras.

' Quels sont les risques de jeûner quand on est diabétique '

Quand on a un diabète récent, sans complications, avec ou sous traitement oral et que le patient respecte son régime alimentaire, le Ramadhan n'est pas dangereux a priori. En revanche, les patients qui présentent des complications liées au diabète telles que l'hypertension artérielle ou une atteinte rénale, ou qui sont insulinodépendants, ne doivent en aucun cas jeûner. En effet, ils aggraveraient leurs complications et risqueraient de déséquilibrer leur diabète. Actuellement, on sent[n1] (constate ') une évolution dans l'attitude des Algériens vis-à-vis de leur maladie, ils admettent de ne pas jeûner. Mais il est vrai que certains malades nous forcent la main et ne prennent pas en considération nos conseils en raison du contexte social et religieux. A ce moment-là, on essaye de trouver une alternative thérapeutique pour minimiser les dégâts qui ne sont pas à exclure.


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