Confrontée aux pires attaques perpétrées sur son territoire depuis la Seconde Guerre
mondiale, la Norvège
envisage de poursuivre le suspect, Anders Behring Breivik,
pour «crimes contre l'humanité», un chef d'accusation passible de 30 ans de
prison.
Se disant engagé dans une croisade pour «sauver la Norvège et l'Europe de
l'Ouest face, entre autres, (...) à une invasion musulmane», le Norvégien de 32
ans a reconnu être l'auteur des deux attaques sanglantes qui ont fait vendredi 76
morts, dont de très nombreux jeunes. La police norvégienne envisage maintenant
d'invoquer une disposition introduite en 2008 dans le code pénal qui vise les
«crimes contre l'humanité» et qui est passible de 30 ans de prison, pour le
poursuivre, a déclaré le procureur Christian Hatlo au
journal Aftensposten paru mardi.
«La police a jusqu'à présent invoqué le paragraphe 147 qui porte sur le
terrorisme mais elle n'exclut pas de recourir à d'autres dispositions», a
déclaré à l'AFP un porte-parole, Sturla Henreiksboe. «Aucune décision définitive n'a encore été
prise», a-t-il ajouté. Les faits couverts par le paragraphe 147 ne sont, eux, passibles
que d'une peine maximale de 21 ans: les deux premiers alinéas, ceux invoqués
par la police, portent sur «la déstabilisation grave de fonctions essentielles
de la société» et l'intention de «semer la peur au sein de la population».
«Les noms des victimes vont être publiés progressivement, à mesure que
les autopsies sont effectuées et que les proches sont prévenus», a dit M. Heinriksboe, en précisant que les premières identités
pourraient être communiquées «probablement dans l'après-midi ou dans la soirée»
de mardi.
Actuellement, Behring Breivik, 32 ans, a une
sorte de statut de «suspect officiel», une mise en examen préliminaire propre
aux pays scandinaves qui se situe entre le statut de suspect et celui d'inculpé.
Même s'il a reconnu les faits qui lui sont reprochés, une inculpation ne peut
intervenir qu'au terme de l'enquête, selon le système judiciaire norvégien. Pendant
ses auditions, Behring Breivik a affirmé avoir opéré
seul mais il a aussi évoqué l'existence de «deux autres cellules», une
affirmation que devront creuser les enquêteurs.
A l'issue de sa première comparution devant le tribunal d'Oslo lundi, le
juge Kim Heger a décidé de
le placer en détention provisoire pour une période renouvelable de huit
semaines, dont quatre en isolement total.
Au terme de cette séance de 40 minutes environ tenue à huis clos, Behring
Breivik a été discrètement exfiltré du tribunal
assiégé par la presse mondiale. Les images télévisées ont permis d'entrevoir un
grand homme aux cheveux courts, vêtu d'un pull rouge - il n'a pas été autorisé
à comparaître en uniforme comme il le souhaitait - et apparemment calme, une
attitude dont il ne s'est pas départi depuis son arrestation, selon la police. Dans la soirée, entre 100.000 et 150.000
personnes ont conflué dans le centre d'Oslo, une ville de 600.000 habitants, pour
une gigantesque veillée d'hommage aux victimes. «Ce
soir, les rues sont remplies d'amour», a déclaré le prince héritier Haakon
devant l'immense foule massée au bord du fjord de la capitale norvégienne. Lui
succédant à la tribune, le Premier ministre, Jens
Stoltenberg, a lancé: «Le mal peut tuer une personne, mais il ne peut tuer un
peuple», en appelant à ce qu'il n'y ait «jamais plus de 22 juillet».
La marée humaine a plusieurs fois brandi ses roses vers le ciel en
hommage aux victimes. Drapeaux en berne, la Norvège a aussi honoré la mémoire des victimes en
observant une minute de silence entre 12h00 et 12h01 (entre 10h00 et 10h01 GMT),
imitée par les autres pays nordiques et les institutions européennes.
Le bilan des attaques a été ramené à 76 morts, contre 93 dimanche : huit
personnes tuées dans l'attentat à la voiture piégée qui a ravagé le quartier
des ministères, et 68 abattues sur l'île d'Utoeya, à
une quarantaine de kilomètres d'Oslo, où quelque 600 jeunes travaillistes
étaient rassemblés.
«Dans les moments les plus sombres, je pense que ce qu'il aurait dû finir
par faire, c'était de se donner la mort plutôt que de tuer tant de personnes», a
déclaré son père, Jens Breivik,
lundi lors d'une interview avec la chaîne TV2 depuis le village de Cournanel (sud de la France) où il passe sa retraite. «Je ressens de
la honte et de la peine pour ce qui s'est produit», a dit l'ex-diplomate de 76
ans, qui n'a plus de contacts avec son fils depuis une quinzaine d'années.
Juste avant la tuerie, Behring Breivik a
diffusé sur l'internet un manifeste de 1.500 pages
rempli de diatribes islamophobes et antimarxistes, où
il détaille ses préparatifs. Le suspect avait fait l'objet d'un signalement aux
services de sécurité norvégiens en mars, sur un renseignement faisant état d'un
achat modique dans une entreprise polonaise vendant des produits chimiques, mais
ils ont estimé que le fait était trop anodin pour y donner suite. «Même la Stasi en Allemagne de l'Est
n'aurait pu détecter cette personne», a affirmé Janne
Kristiansen, la directrice de l'Agence de sécurité de
la police (PST), à la télévision norvégienne.
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Posté Le : 27/07/2011
Posté par : sofiane
Ecrit par : Pierre-Henry Deshayes De L'afp
Source : www.lequotidien-oran.com