Un code d'engagements pour les imams d'Algérie est en cours d'élaboration
et sera prêt pour le mois de Ramadhan. L'annonce en a été faite, hier, par M.
Adda Fellahi, conseiller chargé de l'information au ministère des Affaires
religieuses et des Wakfs, en marge d'une journée d'étude à Dar El Imam à Alger
consacrée à l'élaboration d'un modèle unifié de construction des
infrastructures à caractère religieux. Selon M. Fellahi, le ministère des
Affaires religieuses a engagé une réflexion «pour la mise en place d'une charte
qui stipule le respect par les cadres du corps religieux et les imams de la
référence religieuse nationale afin d'éviter les écarts par rapport au
consensus national». Pour le responsable de l'information auprès du ministère,
ce code est devenu nécessaire en raison de «l'ouverture sur le monde et la
pénétration en Algérie de plusieurs courants». Ce code doit donc cadrer les
imams en leur imposant «le respect des lois de la République et l'engagement
religieux», le «respect du rite malékite et ibadhite qui fait partie de notre
histoire et des engagements tels la lecture du Coran selon la version Ouarch,
la lecture du «Sahih El Boukhari», Hizb Erateb et la dispense de cours sur le
Fikh dans les mosquées». Ce code, a affirmé le responsable, sera distribué au
niveau des directions des affaires religieuses des wilayas.
Le responsable des affaires
religieuses parle de «code» qui va s'imposer aux imams du pays dans un langage…
codé. Que les imams décryptent bien entendu. Il y a exactement deux semaines,
des imams officiels, fonctionnaires des affaires religieuses, avaient fait
scandale dans la même Dar El Imam en refusant de se lever pour l'hymne
national. Le ministre des Affaires religieuses, Bouabdellah Ghlamallah, les a
vivement dénoncés et a engagé des mesures disciplinaires à l'encontre de ces
religieux…
Dans des mosquées, officiellement toutes sous la supervision des Affaires
religieuses, est-il besoin de créer un nouveau code ? En réalité, la panoplie
des sanctions a été renforcée en 2001 pour les imams. Ainsi, l'article 87 bis
10 du code pénal, introduit avec le même amendement durcissant les peines en
diffamation pour la presse, dispose que «quiconque prêche ou tente de prêcher
dans une mosquée ou tout autre lieu public consacré à la prière, sans être
nommé, agréé ou autorisé par l'autorité publique habilitée, est puni d'un
emprisonnement d'un an à trois ans et d'une amende de dix mille à cent mille
dinars». Le même article punit de 3 à 5 ans de prison et d'une amende de 50.000
à 200.000 dinars «quiconque par un prêche ou toute autre action, entreprend une
activité contraire à la noble mission de la mosquée ou de nature à attenter à
la cohésion de la société ou à faire l'apologie et la propagande des actes
terroristes et subversifs».
Salafistes présumés «scientifiques»
A priori, outre les mesures administratives applicables à des imams
fonctionnaires de l'Etat, il y a dans le code pénal de quoi cadrer sévèrement
les imams. Le code et la charte sont donc une voie moins répressive destinée à
rappeler aux imams des notions essentielles et notamment le caractère sacré des
symboles nationaux. Des générations entières d'Algériens ont grandi avec la
notion que «l'amour de la patrie fait partie de la foi». A l'évidence pour
beaucoup d'imams acquis au courant de la «Salafia El Ilmiya» dont le mentor le
plus connu est l'imam Aboubakr Al Jazaïri, les symboles nationaux (hymne,
drapeau) sont des inventions répréhensibles, en langue arabe «bid'aa». Il faut
croire que leur nombre est suffisamment important pour amener les Affaires
religieuses à leur préparer une sorte de bréviaire du bon imam. Le scandale des
imams qui ne voulaient pas se lever pour l'hymne national a été d'ailleurs
l'occasion pour les courants islamistes (fréristes ou harakistes) du MSP ou
d'El Islah de mettre en cause les autorités religieuses. Pour eux, dans le
souci d'éliminer les courants dits «modérés» mais politisés des lieux de
prière, les autorités officielles ont largement favorisé la Salafiya El Ilmiya
en raison de son «apolitisme» présumé alors que les sympathisants de ce courant
sont, selon eux, des «extrémistes». L'Etat a, selon eux, joué avec le feu en
faisant le lit à des imams décérébrés et incultes qui considèrent qu'un hymne
national est une invention diabolique. Le bréviaire du bon imam préparé par les
Affaires religieuses est censé les remettre dans le droit chemin, sinon dans la
voix de la raison. Ceux qui entendent les prêches sommaires des salafistes
soi-disant «scientifiques» et néanmoins imams officiels, en doutent.
-
Votre commentaire
Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Posté Le : 13/07/2010
Posté par : sofiane
Ecrit par : M Saadoune
Source : www.lequotidien-oran.com