Algérie

Après Habré, c'est le tour de Déby



Le Tchad est le pays des seigneurs de la guerre. Plus que n'importe quel autre, ce pays, à la limite du dénuement social et économique, vit au rythme des guerres de succession qui ont réduit depuis longtemps toute possibilité aux Tchadiens d'aspirer un jour à une «paix des braves» et son corollaire, le développement social. La journée de samedi aura été pour les habitants de N'Djamena, un grand bourg sur le Chari, la rivière qui sépare le Tchad du Cameroun voisin, le «jour le plus long». La rébellion, venue du Soudan, y a établi ses quartiers et encerclé la présidence où Idriss Déby tentait de lutter pour sa survie. Cela s'est également passé comme ça en décembre 1990, lorsque le jeune commandant Déby paradait à N'Djamena, conquise au bout de quelques jours de violents combats avec les FANT (Forces armées nationales tchadiennes), alors menées par Hissène Habré, soupçonné de crimes contre l'humanité et actuellement en résidence surveillée à Dakar (Sénégal). Dans ce pays pauvre de l'Afrique sahélienne, la guerre livrée depuis une quarantaine d'années semble ne pas se terminer: après la décennie 70-80 où les deux seigneurs de la guerre, Goukouni Oueddei et Hissène Habré, jouaient à échanger le régime en place, est venue celle de Idriss Déby qui aura réussi la gageure de se maintenir au pouvoir pendant presque 16 ans ! Mais voilà, le regroupement de l'opposition armée en un seul mouvement, puissamment équipé, aura réussi à vaincre toutes les résistances possibles d'un régime politique en fin de règne. Au pays du Chari, les guerres de succession se suivent et se ressemblent, comme signifier toute l'incapacité des dirigeants africains à assurer la stabilité de leurs pays et mettre en place une véritable démocratie et l'alternance au pouvoir. Au Tchad, c'est patent, et Paris, un protagoniste pas tout à fait neutre avec ses 1.500 hommes de l'opération Epervier, les seigneurs de la guerre, qu'ils soient de l'ethnie Zghawa (musulmans du nord) ou Gorane (animistes du sud), s'entre-déchirent chaque décade pour désigner un représentant, l'homme fort du moment. Et ce qui se passe au Tchad est une parodie grandeur nature de toutes les contradictions politiques qui minent le continent africain: la Somalie est irrémédiablement et pour longtemps absente de la carte géopolitique; le Libéria renaît difficilement de plus de 20 ans de guerre civile; le Kenya y plonge furieusement alors que la catastrophe aurait pu être évitée; la Côte d'Ivoire, même si elle est à la CAN-2008, n'a pas assuré définitivement son retour à la stabilité; le Tchad replonge dans une autre période trouble et obscure, alors qu'à Addis-Abeba, les dirigeants africains s'échinent à trouver des demi-solutions à une crise globale: la perte de vitesse politique, économique et sociale du continent africain sur les autres Nations. Et quand des seigneurs de la guerre paradent fièrement dans N'Djamena, boursouflée par les crevasses, sentant l'odeur de chair grillée au bois de coupe et offrant ce spectacle désolant d'un gros village africain avec ses misérables masures, quelles peuvent être les réactions des autres capitales du monde ? Assurément pas celle de manifester une grande peur devant ces «guerriers» venus du désert et préparer la fuite de légions d'Européens qui ripaillaient sur les richesses naturelles africaines. Quant aux pays africains, ils auront tout le temps de déclamer leur indignation et, en parallèle, se préparer à accueillir les nouveaux seigneurs de la guerre. C'est ça l'Afrique, un continent politiquement instable. Quant au pays de feu Tombalbay, il pleure toujours sa liberté volée, souillée par ces guerriers venus du désert.


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