En 2006 Suez est
arrivée dans l'exploitation de l'eau d'Alger pour la sortir d'une situation
critique.
Depuis
l'expérience, jugée comme un succès, par le ministre des Ressources en eau, s'incruste
dans la durée. Et s'étend dans l'Algérois. «Logique», estiment les spécialistes.
Sauf que le transfert de savoir-faire vers l'Algérienne des Eaux (ADE) s'éloigne.
Et avec lui pointe le risque d'une dépendance de longue durée à l'égard du
grand opérateur français de l'eau. Un scénario qui ne semble pas gêner Abdelmalek Sellal.
Les cadres de Suez
sont en passe de prendre le contrôle de toute l'eau potable de l'Algérois. Après
la reconduction du contrat de gestion de l'eau à Alger, Tipaza a été transférée
à son tour à la SEAAL
(Société des Eaux et de l'Assainissement d'Alger), gérée par les experts de
Suez, alors que les négociations se poursuivent concernant Blida. A Alger, le
contrat, arrivé à expiration l'an dernier, a été renouvelé sans problème. Officiellement,
un audit a été mené pour évaluer le travail accompli par les cadres de Suez en
contrepartie des 120 millions de d'euros, montant initial du contrat signé cinq
plus tôt avec le géant français de l'eau et de l'assainissement. Toutefois, l'entreprise
qui a été chargée de l'audit, sous tutelle du ministère des Ressources en eau, est
dirigée par un ancien de l'ADE. Son travail était
«une simple formalité», estime un ancien cadre de l'ADE.
Le ministre des Ressources en eau, Abdelmalek Sellal, était satisfait du travail accompli par SEAAL, et
l'a exprimé publiquement, à la différence des entreprises qui devaient prendre
en charge Constantine et Annaba. De manière globale, Alger est alimentée en eau
en H24, ce qui constituait l'objectif central du contrat. Des améliorations ont
été apportées dans différents domaines. Pourquoi prolonger le contrat alors ? Pour
«pérenniser le H24», d'une part, et pour «organiser le transfert de la gestion»
aux cadres algériens, d'autre part, dit-on à SEAAL.
Cette appréciation
ne fait pas l'unanimité à l'ADE. L'arrivée des
spécialistes de Suez - ils sont actuellement dix sept- a totalement démobilisé
les anciens de l'ADE. Le personnel envoyé par Suez
traite directement avec les autorités politiques et administratives, créant une
situation perverse : les cadres algériens ne savent pas s'ils ont leur mot à
dire, si la tutelle va tolérer une éventuelle intervention de leur part. Ils se
font donc tout petits, laissant les choses se faire sans eux.
SEAAL A TIPAZA
POUR GERER L'ABONDANCE D'EAU
Les travailleurs
ont de leur côté avalé la pilule, en contrepartie de larges compensations. En
premier lieu, un recrutement massif et, reconnaît un cadre de l'ADE, inutile. SEAAL comptait 3.000 travailleurs à la
signature du premier contrat, ce qui signifiait un sureffectif important. Elle
en compte 4400 aujourd'hui. D'autre part, le savoir-faire de Suez, largement
reconnu, n'est pas la seule cause de son succès à Alger. Depuis l'avènement de
Suez, l'eau est disponible en quantité suffisante pour alimenter Alger. En 2006,
année où les cadres de Suez ont débarqué, Alger disposait de 600.000 mètres cubes
d'eau par jour, ce qui, avec une gestion parfaite, assurait moins de 200 mètres cubes
par jour et par habitant. Grâce à l'apport du barrage de Taksebt
(plus de 200.000 m3),
de la station de dessalement du Hamma (200.000 m3) et celle de Doauouda (200.000 m3), elle dispose désormais de plus
d'un million de mètres cubes. Alger détient même un surplus, actuellement mis à
la disposition de Blida. Tipaza, de son côté, a été transférée à la SEAAL depuis le début de ce
mois. Curieusement, le transfert a eu lieu avec la mise en exploitation de la
station de dessalement de Douaouda, qui permet de
mettre fin à la situation de pénurie que connaissait la région limitrophe
d'Alger. Une autre station de dessalement, à l'ouest de Cherchell, et un
barrage, près de Damous, vont bientôt offrir des
ressources qui assurent à la wilaya de Tipaza d'abondantes ressources en eau.
SUEZ DE SOLUTION
TRANSITOIRE A RECOURS INCONTOURNABLE
Blida, ville la
plus affectée par les pénuries d'eau dans le centre du pays, n'a obtenu, pour
l'heure, que 40.000
mètres cubes/jour à partir du surplus d'Alger. Une
quantité qui permet d'échapper à la catastrophe, mais qui ne règle pas pour
autant le problème. «Est-ce pour cette raison que le contrat pour sa prise en
charge par les cadres de Suez n'a pas été signé ?», se demande un cadre de l'ADE, qui ne va toutefois pas jusqu'à répondre par l'affirmative.
Quand Blida sera intégrée à SEAAL, c'est donc toute l'eau potable de la région
d'Alger qui sera gérée par les cadres de Suez, avec plus de quatre millions
d'habitants. «C'est logique», estime un spécialiste. «Cette région est dans le
même bassin hydrographique, elle a des ressources qui gagnent à être gérées en
cohérence», dit-il. Cette situation n'est pas inquiétante en soi. Elle se
révèle inquiétante quand on voit la tendance : Suez devait prendre Alger pour
une période intermédiaire, pour dépasser la crise et mettre en place les
instruments d'une gestion algérienne moderne. Mais ce qui se passe est
totalement à l'opposé. Suez s'incruste, s'installe en partenaire indispensable
après l'échec des autres entreprises à Constantine et Annaba, et devient
incontournable : aucune alternative algérienne n'apparaît à l'horizon. De là à
penser que cela est souhaité...
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Posté Le : 17/01/2012
Posté par : sofiane
Ecrit par : Aïssa Bousboula
Source : www.lequotidien-oran.com