Cet article décrit les effets de l’usage des chiffres pour réformer une administration, à partir de l’ethnographie de projets conduits par la Banque mondiale et l’Organisation mondiale des douanes en Afrique sub-saharienne depuis 2008. Lorsque l’usage de techniques de quantification est décidé pour changer les comportements des fonctionnaires, le phénomène le plus marquant est la rapidité de la propagation de la culture des chiffres au sein et en dehors de l’administration. Les chiffres et la pensée de l’évaluation qu’ils fondent constituent une connaissance particulière de l’administration sur elle-même, une langue qui interfère dans les rapports habituels entre les administrations et la loi. Cette langue permet-elle de tout penser ? Permet-elle d’innover en termes politiques ou les chiffres sont-ils construits de telle sorte qu’ils enserrent les pensées individuelles dans les institutions auxquelles ils appartiennent ? De fait, l’Etat dispose jusqu’à présent du monopole de la connaissance sur lui-même, parce qu’il demeure, dans de nombreuses administrations, le seul producteur de données quantitatives sur son fonctionnement. L’article tente de dépasser le débat usuel sur l’évaluation quantitative, qui oppose objectivité et subjectivité de cette évaluation, autonomie des fonctionnaires et autoritarisme de l’évaluation, pour proposer une nouvelle compréhension de ce que peut être une institution, dépassant le seul cadre administratif pour s’intéresser au sens même d’un service public et comment les chiffres peuvent donner corps à ce sens.
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Posté Le : 17/05/2021
Posté par : einstein
Ecrit par : - Cantens Thomas
Source : Les cahiers du CREAD Volume 32, Numéro 116, Pages 69-98