Les appels se sont multipliés à Charm El-Cheikh pour une meilleure
représentation des pays en développement dans les instances mondiales. Kadhafi
a même appelé à la révolte. Pourtant, la seule option pour un mouvement, en
panne, est de compter sur ses membres «émergents» au sein du G20.
Une cinquantaine de dirigeants
ont assisté, hier, à Charm El-Cheikh, à l'ouverture du sommet des non-alignés
avec, pour thème principal, la crise financière mondiale. La réunion devrait
être également l'occasion d'une rencontre entre les chefs de diplomatie de
l'Inde et du Pakistan, dont les relations se sont fortement dégradées depuis
les sanglants attentats de Bombay. L'évènement a la primeur des médias
internationaux à l'évidence peu convaincus de la capacité des non-alignés à
peser sur le cours de l'économie mondiale. Il est vrai que le mouvement, né en
réaction à un monde divisé en blocs, a de la peine à retrouver une identité.
Les non-alignés ne sont plus une structure opérationnelle entre deux blocs. Il
ne reste plus qu'un seul bloc dominé par l'Empire et beaucoup de pays
non-alignés y sont... alignés. Le mouvement draine, par certains côtés, l'image
d'être une séquelle d'un passé révolu. Il est en tout cas fort difficile de
trouver des dénominateurs communs entre beaucoup de membres des non-alignés...
Entre Cuba, qui présidait le mouvement et l'Egypte qui vient d'en prendre la
main, l'écart ne peut qu'être considérable sur la manière de comprendre et de
pratiquer le «non-alignement». Les réunions du mouvement sont devenues un forum
où ce que l'on appelle le «Sud» ou le «tiers-monde» exprime quelques
revendications générales. Le fait est que les pays en développement ou
émergents du Sud ont la particularité de n'avoir eu aucun rôle dans les
mécanismes pervers qui ont provoqués la crise financière actuelle. Mais c'est
bien ce sud qui subit l'impact maximal des turbulences économiques.
Kadhafi appelle à la «révolte
contre l'ordre mondial» Pour ce 15ème sommet, les 118 pays non-alignés aux
positionnements très divers, voire contradictoires, ont trouvé dans la crise un
élément unificateur. Tous en effet pâtissent, même si c'est à des degrés
variables, d'une tempête née aux Etats-Unis pour se propager partout ailleurs.
Sans surprise, le président
cubain, Raul Castro, représentant du pays hôte du précédent sommet a dénoncé,
avec vigueur militante, l'irrationalité du système économique et appelé à la
refonte du système financier international. Mettant en cause de la domination
des pays occidentaux sur les institutions financières, le président cubain a
appelé à «l'établissement d'une nouvelle structure financière et économique
internationale basée sur la participation de tous les pays et en particulier
des pays en développement». Dans une allusion claire aux Etats-Unis, Raul
Castro a demandé la mise en place d'un «nouveau cadre qui ne dépend pas
seulement de la stabilité économique et des décisions politiques d'un seul
pays», en précisant que ce nouveau système doit offrir un «traitement
préférentiel» aux pays en développement. Le Secrétaire général des Nations
unies, Ban Ki-Moon, semble avoir adapté son discours à l'auditoire en notant
que la crise économique «a révélé la nécessité d'améliorer l'architecture
financière internationale, afin que nous puissions voir le monde en
développement et les puissantes émergentes obtenir droit au chapitre dans ce
cadre». Hosni Moubarak, qui prend la présidence des non-alignés, a relevé que
ce sont les pays en développement qui endurent les conséquences les plus
importantes de la crise et a appelé à un système international politique et
économique plus «juste et plus équilibré». II a appelé à une meilleure
représentation des pays en développement au sein des organisations
internationales et des institutions de financements et, d'une manière générale,
dans les mécanismes de prises de décisions économiques. Le colonel Mouammar
Kadhafi, auquel Hosni Moubarak a donné du «Roi des rois d'Afrique», a choisi,
comme à son habitude, de faire des déclarations spectaculaires en appelant les
non-alignés à s'insurger contre l'ordre mondial actuel et à exiger un siège
permanent avec droit de véto pour l'Union africaine au Conseil de sécurité. Il
a demandé aux non-alignés de créer un Conseil de la paix et de la sécurité qui
traiterait des questions concernant les 118 pays membres. «Nous sommes 118
Etats. Tout problème qui nous concerne doit être soumis à ce Conseil plutôt
qu'au Conseil de sécurité de l'Onu auquel nous ne faisons pas confiance, sur
lequel nous n'avons aucune influence et qui ne s'intéresse pas à nos
problèmes».
Coordonner avec la Chine
Pour le colonel Kadhafi, le Conseil de sécurité est le «monopole d'un
petit groupe de membres permanents, eux-mêmes sous domination d'un seul État»
et il est devenu, de ce fait, une «menace sur la paix. Dans la même optique de
création de structures propres, il a appelé à la création d'une Cour pénale
propre au mouvement comme substitut à la CPI. Il a également défendu le droit
d'enrichir l'uranium à des fins pacifiques dans un soutien évident à l'Iran.
Les différents appels au «rééquilibrage» - pour ne pas parler de l'improbable
«révolution» exigée par Kadhafi ne sont, en l'état actuel du rapport de force
global, que des voeux pieux. Quelques pays non-alignés - Brésil, Inde, Afrique
du Sud, Indonésie, Arabie saoudite-font partie du G20 qui, selon certains
analystes, pourrait prendre le pas sur le G8. Mais, ces pays qui ont déjà des
intérêts de pays «plus riches» peuvent-ils être les représentants de ce vaste
et vague mouvement de non-alignés ? Il est intéressant de noter que le projet
de déclaration finale du sommet appelle le mouvement à se coordonner avec la
Chine -présente à Charm El-Cheikh en tant qu'observateur - pour faire entendre
sa voix au sein du Fonds monétaire international (FMI) et de la Banque
mondiale.
Le mouvement des non-alignés, en
quête de dénominateurs communs, est de facto condamné à compter de manière
imparfaite sur l'action de ceux qui en sont membres ainsi que sur la Chine, au
sein du directoire mondial émergent.
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Posté Le : 16/07/2009
Posté par : sofiane
Ecrit par : M Saâdoune
Source : www.lequotidien-oran.com