Le retournement d'une partie de l'opinion égyptienne - dont l'importance reste indéterminée, mais la tendance réelle - à l'égard de l'armée égyptienne est assez significatif pour ne pas être relevé… Même s'il est encore prématuré d'affirmer que face au chaos sécuritaire, les Egyptiens sont en train de basculer vers une «contre-révolution» consentie. Il est clair cependant que les grandes manifestations de la place Al-Tahrir contre l'armée qui a dirigé le pays pendant un an et demi après la chute de Hosni Moubarak relèvent bien du passé.
L'armée égyptienne qui est une puissance économique dans le pays s'est mise en retrait depuis que Mohamed Morsi a limogé en août 2012 le maréchal Hussein Tantaoui, l'ancien ministre de la Défense. Débarrassés de la gestion du pays et des problèmes d'une transition chaotique, les militaires qui avaient accumulé les erreurs dans le cadre du Conseil suprême des forces armées (CSFA), sont en train de se refaire une virginité et une popularité. Une pétition informelle est en train de circuler pour appeler ouvertement à un coup d'Etat contre les Frères musulmans… Mais les militaires qui ont peiné à gérer le pays et la transition sous le CSFA savent qu'ils prendraient des risques énormes en revenant aux premières loges. Gouverner l'Egypte dans le climat de tensions, de violences et de blocage politique qui y règne n'est pas un cadeau.
L'armée va probablement cultiver son légalisme ayant eu l'assurance de la part du président Mohamed Morsi de ne pas voir ses grands intérêts économiques remis en cause. En reprenant la main dans la ville en furie de Port-Saïd, désertée par la police, les militaires ont pris la mesure de leur popularité nouvelle. Mais ils seraient aveugles de ne pas y voir l'effet d'une conjoncture chaotique qui ne peut être traduite automatiquement à un niveau politique. L'armée cultive plutôt une posture d'arbitre ou de recours possible en cas de dégradation de la situation. En janvier dernier, à la suite de troubles meurtriers liés aux ukases de Mohamed Morsi qui s'était octroyé des pouvoirs jugés exorbitants, les militaires avaient lancé un avertissement général en mettant en garde contre «l'effondrement de l'Etat». Le général Abdel Fattah Al-Sissi, ministre de la Défense et commandant des forces armées, avait lancé un avertissement aux forces politiques en leur demandant de trouver une solution aux «problèmes politiques, économiques, sociaux et sécuritaires».
L'armée vient de réagir avec vigueur à l'appel du procureur général du Caire qui a exhumé un article du code de procédure pénale pour demander aux Egyptiens à agir en auxiliaire de police. Une telle option, rejetée, il faut le préciser, par le Parti de la liberté et de la justice (FM), est porteuse d'un «spectre de guerre civile», ont averti les militaires. Mais c'est un fait, l'armée n'a jamais paru aussi forte depuis la chute de Moubarak… Elle sait qu'elle le doit à son «retrait». Pas plus qu'elle n'ignore qu'un coup d'Etat pourrait amener les Frères musulmans à utiliser, à leur tour, cette rue qui les empêche de gouverner. C'est la raison qui fait que les militaires ne vont pas se précipiter malgré les appels au coup d'Etat. Leur popularité est conjoncturelle. Et de très nombreux Egyptiens n'oublient pas qu'ils sont au pouvoir depuis des décennies... Et qu'ils y sont encore !
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Posté Le : 17/03/2013
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : M Saadoune
Source : www.lequotidien-oran.com