Tlemcen (ar. vulg. tlemsèn, class. Tilimsan) est la forme du pluriel berbère tilmisân dont le sing. tilmas signifie « poche d'eau, source » (Cette étymologie est préférable à, celle .donnée dans le Guide de Touriste, première édition). Le nom berbère de cette ville « Les Sources » convient admirablement à. notre pays où les innombrables sources donnent une eau abondante, fraîche, agréable au goût.
Il n'est pas douteux que le flanc nord du massif montagneux sur lequel est aujourd'hui Tlemcen et plusieurs villages indigènes, fut, dès les temps préhistoriques, habité par les hommes. Tout s'y prêtait : la situation dominant les plaines du Nord, l'abondance des cavernes naturelles percées dans les calcaires dolomitiques ou travertineux et dans les grès, l'excellence des terres et du climat permettant les cultures les plus variées, la grande quantité des eaux.
Aussi, les vestiges préhistoriques déjà retrouvés dans la région ne représentent-ils qu'une faible partie de la récolte promise aux chercheurs futurs.
Ce que nous savons, c'est que l'ancien Tlemcen, jusqu'au XI siècle de J.-c., se trouvait sur le petit plateau où s'élève aujourd'hui la Mosquée d'Agadir et s'appelait aussi Agadir. Ce mot d'origine phénicienne, passé en berbère, se retrouve ailleurs en Afrique du Nord ; il signifie " rocher abrupt " et définit bien ici la situation du. plateau d'Agadir dominant brusquement, et d'assez haut, la plaine voisine au Nord et à l'Est.
Les Romains qui avaient à Tlemcen une colonie et un poste de cavalerie pour surveiller la grande voie d'Altava (Lamoricière, auj. Ouled Mimoun) à Numerus Syrorum (Marnia) et la plaine au Nord, avaient donné à la ville le nom de Pomaria « Les Vergers », en raison de l'abondance des jardins et des arbres fruitiers, qui font encore de la campagne tlemcénienne l'un des paysages les plus délicieux de la Berbérie tout entière. Ils avaient favorisé l'irrigation des jardins car un canal amenant l'eau des Cascades d'El-Ourit, et ce canal de 6 à 7 kil., bien que reconstruit plusieurs fois depuis, est utilisé aujourd'hui pour le même usage ; les Indigènes l'appellent Saguiat ennasrâni « canal du Nazaréen », c’est-à-dire « du chrétien ».
Une divinité romaine de Tlemcen s'appelait Aulisva. Elle représentait sans doute quelque ancienne divinité berbère. Ce qui semble probable c'est que les Indigènes de la région, juifs et idolâtres, conservèrent longtemps leur religion, même après l'époque romaine. Ils virent passer, sans se convertir bien sérieusement à l'Islam orthodoxe, les premiers guerriers musulmans, notamment ceux que conduisit en conquérant jusqu'à l'Océan Atlantique, Oqba ben Nafi, au VII siècle de J.-C.
Au VIII siècle, les Berbères de Tlemcen se convertirent en grande partie aux doctrines hétérodoxes de l’Islam, et le chef Kharedjite Abou Qorra fit de Tlemcen son éphémère capitale.
Ce fut à la fin du VIII" siècle qu'Idris l, le père du fondateur de Fès, fit la conquête de Tlemcen et construisit la Mosquée d'Agadir, dont le minaret actuel (bâti au XI 11° s.) indique l'emplacement. C'est de ce moment que .date l'établissement définitif de l'Islam dans ce pays et le développement important que prend la ville.
Au XI siècle, le fondateur de Marrâkech, le souverain almoravide Youcef ben Tachefine, pour assiéger Tlemcen, c'est-à-dire Agadir, installe son camp un peu à l'ouest de la, ville, sur l'emplacement qu'occupe Tlemcen actuellement, et ce camp (en berbère tagrart) devient une cité nouvelle qui prit le nom de Tagrart.
Ce sont les Almoravides (1060 à 1146) qui, dans la première moitié de notre XII" siècle, fondèrent la Grande Mosquée actuelle et, à côté d'elle, pour leur résidence, un palais qui a disparu.
Leurs successeurs, les Almohades, firent entourer Tlemcen-la-Nouvelle d'un rempart, dont Bâb-el-Qarmâdine est l'un des plus importants vestiges.
Sous les Almohades, maîtres de Tlemcen (1144) pendant près d'un siècle, la ville demeure le siège d’un gouvernement de province et se développe sensiblement (1144-1236). Cependant, à part des agrandissements et des aménagements à la Grande Mosquée, la fondation du Sanctuaire de Sidi Bou Médine à EI-Eubbad, à la fin du XI siècle, il ne nous reste aucun autre édifice (mosquée ou palais) que l'on puisse dater là coup sûr de l’époque almohade, ni dans la ville, ni dans les environs immédiats.
Vers 1236, alors que I'empire almohade était affaibli par des luttes intestines, un chef berbère, Yaghmoracen, des Béni Abdelwâd (ou Béni Zeyân) fraction des berbères Zenata, établit son autorité à Tlemcen et proclame l'indépendance de cette ville et de toute la province. Il fonde un royaume, dont Tlemcen devient la capitale, et dont ses descendants seront souverains presque sans interruption jusqu’en 1555, date à laquelle Salah-Raïs, pacha d'Alger, s'en empare, tandis que le dernier roi de Tlemcen se réfugie à Oran chez les Espagnols.
C’est Yaghmoracen, le premier roi musulman de Tlemcen, qui a fondé le Méchouar où il établit sa résidence. Il a fait aussi construire les deux minarets des mosquées d'Agadir et de TIemcen-la-Nouvelle, minarets qui existent encore.
Pendant trois siècles, Tlemcen est la capitale d'un royaume et sa population atteint et dépasse peut-être 100 000 âmes. Elle connut cependant bien souvent alors les rigueurs de la guerre et même de la conquête étrangère. Les rois de Tlemcen ont eu pour ennemis leurs cousins — des Zenata comme eux — les Mérinides, rois de Fès, qui avaient fait tomber sous leurs coups l'empire almohade de Marrakech, vers le milieu du XIII siècle.
C'est l'un des premiers rois mérinides qui fonde Mansoura (la Victorieuse), en 1290-1306, à l’Ouest de Tlemcen pour assiéger celle-ci, de même que l'Almoravide Youcef ben Tachefine, un peu plus de deux siècles auparavant, avait fondé Tagrart pour assiéger Agadir. Mais Mansoura n’eut pas le succès de Tagrart et des trois villes (Agadir, Tagrart, Mansoura) qui ont successivement, vers l'Ouest, agrandi Tlemcen, il ne reste plus depuis longtemps que celle du milieu, la Tlemcen actuelle.
Les luttes entre rois de Tlemcen et de Fès , sont interrompues par des trêves plus ou moins longues, des périodes de paix au cours desquelles les souverains de Tlemcen travaillent à l'embellissement de la capitale, au développement de la religion, des sciences religieuses, des études arabes, du commerce et de l’industrie. Ils fondent des mosquées, dont il nous reste de très belles, des Médersas dont la dernière -la Médersa Tachefiniya- s’élevait sur la place actuelle de la Mairie et fut détruite depuis l'occupation française.
La cour de ces rois n'est pas sans éclat ; des ambassadeurs des souverains orientaux, de Tunis, de l’Espagne y sont reçus, des savants réputés y sont comblés de faveurs, la poésie y est en honneur et les chroniqueurs du temps nous parlent avec emphase des fêtes qui y sont données chaque année à l'anniversaire de la naissance du prophôte (Mouloud) et des concours de poésie qui se tenaient alors au palais.
D'ailleurs, les rois de Fès, les Mérinides, s'étant rendus maîtres de Tlemcen à deux reprises (1337 à 1348 et 1352 à 1359) s'installent dans le Palais de la Victoire, à Mansoura, et laissent aussi la durable empreinte de leur gouvernement par des constructions dans ce remarquable style hispano-moresque du XIV siècle., comme le groupe des édifices de Sidi Bou Medine et la Mosquée de Sidi el Haloui.
Dès la fin du XIVe siècle, l'heure de la décadence est venue pour la dynastie des rois de Tlemcen, comme aussi pour leurs rivaux, ceux de Fès. Les premiers ne tombent cependant qu'en 1559 sous les coups des Turcs d'Alger, après leur avoir résisté, ainsi qu'aux Espagnols d'Oran, pendant un demi-siècle.
Les Turcs à Tlemcen, pendant près de trois siècles, n'ont guère laissé dans les monuments qu'une restauration de la porte du sanctuaire de Sidi Bou Médine et quelques aménagements de la Mosquée de Sidi Brâhim. A la population, ils ont donné un élément ethnique important, les Koulouglis. Il est resté cependant un mauvais souvenir de leur administration. Après 1830, et avant même l'arrivée des Français, la population tlemcénienne accepta la suzeraineté du Sultan du Maroc.
Les soldats français entrèrent la première fois à Tlemcen, le 13 janvier 1836 [jour de la fête d'Ennayer (Januarius) ou janvier de l'année julienne, encore fêtée depuis l'époque romaine dans toute 1'Afrique du Nord, sous la conduite du Maréchal Clauzel escorté par le vieux chef turc, Mustapha ben Ismaïl.
Tlemcen, reprise par l'Emir Abd-EI-Kader par le traité de la Tafna (mai 1837) ne redevint française qu'en janvier 1842.
Comme d'autres villes d'Algérie, Tlemcen eut à résister à la politique coloniale, politique qui s'est accentuée à la fin du 19ème siècle pour se développer jusqu'à la veille de l'insurrection de 1954. La cité des Zianides, par la disponibilité de ses habitants attira les intellectuels les plus en vue durant la période comprise entre 1919 et 1939. Hommes politiques, théologiens, syndicalistes, militants affluèrent vers Tlemcen, les uns pour prêcher la Nahda, les autres pour organiser la résistance. Une nouvelle ère commençait avec l'Indépendance en juillet 1962.
-
Votre commentaire
Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Posté Le : 28/09/2007
Posté par : hichem
Ecrit par : Extrait du Livret-Guide "Tlemcen et sa région"
Source : www.tlemcen-online.net