Apartheid politique

Au regard des procédés ignominieux mis en œuvre pour empêcher les marches pacifiques auxquelles a appelé, jusque-là, la Coordination nationale pour le changement et la démocratie (CNCD), il apparaît clairement que les décideurs sont prêts à tout pour se maintenir au pouvoir. Cela y compris à précipiter l’Algérie dans une guerre civile.
Comment expliquer, alors, que durant les jours de marche des partisans du changement, des hordes de «baltaguia», toujours les mêmes d’ailleurs, investissent systématiquement les rues d’Alger avec comme mission de casser du «sale kabyle» et de «renvoyer ces ennemis de la nation dans leur montagne» comme si les habitants de Kabylie n’avaient pas le droit de se rendre dans la capitale et encore moins d’y manifester ' Nourries par un discours des plus haineux, ces «descentes», qui prennent aujourd’hui l’allure de véritables chasses à l’homme ont lieu, faut-il le souligner, sous le regard impassible des responsables des forces de sécurité. Pour corser le tout, un citoyen algérien peut se voir interdire d’accéder à Alger du simple fait qu’il soit né en Kabylie ou qu’il soit soupçonné de vouloir aller prêter main-forte à la CNCD. Ces pratiques d’un autre âge, dignes du régime de l’apartheid, ne vont pas sans rappeler d’ailleurs les traitements humiliants et dégradants actuellement infligés par l’armée israélienne aux Palestiniens.
Incapable de trouver des arguments politiques valables à opposer aux acteurs de la CNCD pour justifier l’interdiction de leur manifestation et la confiscation des libertés, le pouvoir semble n’avoir pas eu d’autre choix, en effet, que de jouer sur la fibre régionaliste pour continuer à garder son contrôle sur la société. En somme, il s’agit de diviser pour régner et, surtout, d’inventer un ennemi. Dans ce cas précis, tout est fait pour présenter les Kabyles (comme si d’ailleurs les deux ailes de la CNCD n’étaient composées que de Kabyles) comme de dangereux barbares venus casser la «belle» capitale du pays et une menace pour la paix et l’unité du pays ! Une menace contre laquelle tout le monde doit se mobiliser.
Bref, le pouvoir essaye de refaire la même opération de manipulation et de désinformation que celle menée le 14 juin 2001 et destinée à diaboliser la marche du mouvement citoyen de Kabylie organisée à Alger. Plus insidieux, l’autre objectif recherché à travers la stigmatisation des Kabyles est, bien entendu, de provoquer aussi au sein de la CNCD et, plus largement, dans les wilayas du centre du pays un repli identitaire. Une telle réaction aurait ainsi servi d’argument au régime pour justifier, une nouvelle fois, l’exclusion de la Kabylie de l’échiquier politique national. Maintenant que ce plan machiavélique – soutenu par de nombreux médias nationaux – n’a pas marché, à quoi faut-il s’attendre d’autre ' Tout le monde se le demande avec la plus grande des inquiétudes.