Homme de lettres, homme politique, il a vécu loin de la terre de ses aïeux et qui l'a vu naître, mais il est resté attaché aux traditions ancestrales qui l'ont nourrir avant qu'il n'en ait fait son terrain d'investigation.
Même coupé physiquement de son pays natal et des siens, il s'est toujours dit Algérien en exhibant haut et fort ses origines. Le destin a voulu qu'il vive en déraciné à Tunis où son père avait élu domicile sitôt qu'il s'était marié avec la femme devenue elle aussi célèbre par son itinéraire hors du commun. C'est dans cette capitale qu'il a fait ses études primaires et secondaires et qu'il a exercé le métier prestigieux de professeur. Albert Memmi, écrivain et sociologue, lui aussi enfant de Tunis, a été son élève. Jean El Mouhoub Amrouche avait fait des études universitaires fructueuses à l'école normale supérieure de Saint-Cloud où il a terminé 1er, mais d'où il est sorti 2e de sa promotion en raison de ses origines indigènes qui ne lui donnaient pas le droit d'être 1er. L'homme de lettres émérite Malgré ses origines montagnardes, un père et une mère de niveau très moyen, il a acquit un niveau qui lui permettait d'affronter qui il voulait dans la langue de Molière. Par deux dialogues, l'un avec Claudel, l'autre avec Giono, réalisés sous forme d'ouvrages très volumineux, il avait donné la preuve de ses capacités dans sa langue de travail et par ses connaissances. Jean El Mouhoub Amrouche devait avoir le don de versificateur de grand talent. Il composa deux recueils de poèmes d'une haute tenue littéraire. Il faut avoir connu la vie de l'auteur, être d'un niveau suffisant pour décrypter ces 'uvres poétiques composées dans la plus grande concision avec un contenu assez dense. En voici un exemple pour en juger : «Dormir, noyé, sur un lit d'algues couleur de mer / Fondre dans la nuit simple ma chair qui pleure / Et mon âme démente / Comme un enfant blessé.» De la poésie classique qu'il a lui-même composée dans un style recherché, à la chanson traditionnelle, il n'y a pas pour Amrouche une grande distance. Tout le répertoire de grand-mère dont il a fait un héritage précieux à sauvegarder, lui a été transmis. Taos, sa s'ur s'est chargée de chanter ce qui est resté dan les mémoires, sur un ton triste et presque sans accompagnement musical, les sons instruments s'étant faits sobres, parfois même effacés. Ces chants des aïeux, anonymes ont été réunis et traduits par Jean El Mouhoub sous le titre de «Chants berbères de Kabylie». Cette traduction de la langue des ancêtres à celle du colonisateur, a été une trahison. Il l'a ressentie comme une rupture avec le cordon ombilical. «Heureux ont été ceux qui composaient oralement des textes poétiques chantes dans les siècles passés et dont il a été le premier traducteur et par l'écrit. C'est pourquoi, il devait avoir de l'admiration pour ceux dont le support de transmission a été la voix. Ce qui l'a poussé à travailler ses cordes vocales en devenant intervieweur de radio : «Virtuose de l'interview et toujours travaillé par la question de la trace, il attribue une valeur de document historique à la critique littéraire parlée dont il est considéré comme le créateur» dit Beïda Chikhi, auteur de «Relais de la voix, chaîne de l'écriture» des Amrouche ; Jean, Taos et Fadhma. C'est de cette façon que Jean El Mouhoub Amrouche, ancien professeur, diplômé de l'Ecole normale supérieure après de brillantes études, est devenu critique littéraire de radio et directeur général de l'ORTF jusqu'à son éviction au début de la révolution algérienne pour activités patriotiques qui s'étaient accentuées le 8 mai 1945. L'homme politique jusqu'à l'indépendance Tous les hommes exclus après l'indépendance finiront par être reconnus. Amrouche est passé de vie à trépas après une longue maladie, sans avoir vu l'Algérie indépendante. Ce mois d'avril est le mois de l'anniversaire de sa mort en 1962. Ferhat Abbas qui l'avait connu lui avait rendu visite à son lit d'hôpital. Amrouche avait dit face aux revendications légitimes des Algériens en 1945 : «Ni les avions, ni les blindés, ni les canons de la flotte ne prévaudraient contre la haine, fille du désespoir. Si le sang d'abord jette la terreur, il provoque ensuite les meilleurs à la résistance.» Celui que l'on montrait du doigt comme un converti, ou un assimilé, avait brouillé la piste à tout le mon- de ; aux colonisateurs qui le prenaient pour quelqu'un des leurs, à ses compatriotes dont certains ne cessaient pas de le mettre à l'index. Il avait comparé le colonialisme français au nazisme, voire même au fascisme. Le gouvernement colonial français refusait de reconnaître des mouvements nationaux africains. «On refuse, dit-il, d'assimiler les mouvements nationaux africains à la résistance française contre l'occupant allemand et nazi. Les Français n'admettent que l'on compare leur nation à d'autres que si la comparaison tourne à l'avantage de la France». Jean Amrouche avait été destitué de son poste de directeur de l'ORTF pour ses prises de position pour l'indépendance de l'Algérie. Il paraît qu'il avait même servi d'intermédiaire entre les membres du GPRA avant les négociations pour l'indépendance et le général de Gaulle. Lors d'une conférence qu'il donnait à Rabat le 16 mai 1959, il disait : «Je suis algérien, c'est un fait de nature. Je me suis toujours senti algérien. Cela signifiait, puisqu'on était en pleine guerre de libération : «J'exprime mon appartenance à un peuple et je partage l'épreuve difficile qu'il subit.».
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Posté Le : 18/04/2012
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Boumediene Abed
Source : www.lnr-dz.com