Lors de son intervention avant-hier à l'espace Lotus-Pigier,
en marge de la vente-dédicace du livre qu'elle a
réalisé avec son amie Hafida Ameyar,
Annie Fiorio-Steiner a évoqué le cas d'Ahmed Zabana, le premier guillotiné de la guerre de libération
nationale. Elle a signalé que 198 chahids ont connu
le même sort que Zabana avant que De Gaule
n'interdise l'usage de la guillotine. Ce qui n'a pas
arrêté les exécutions des militants de la cause nationale. Intervenant dans le
même cadre, Ahmed Ancer, journaliste d'El Watan, a signalé qu'Annie, qui a fait cinq ans de prison
pour ses activités avec le FLN, n'a jamais bénéficié de pension de «moudjahida». Pis encore, elle a été dépossédée au lendemain
de l'indépendance de l'appartement que lui a cédé sa mère.
Hafida Ameyar, auteur du livre «La Moudjahida
Annie Fiorio-Steiner, Une vie pour
l'Algérie» n'a pas choisi le titre de son ouvrage à la légère. Le qualifiant «moudjahida» n'est pas attribué gratuitement à cette pied-noir,
algérienne au sens plein du terme. Et pour cause, dès le déclenchement de la
lutte armée, Annie, encore jeune, manifeste son désir de rejoindre les rangs du
FLN. Elle a applaudi le jour même où la nouvelle du déclenchement de la
révolution a été annoncée, en présence d'invités dans la maison familiale. Pleine
de fougue et d'enthousiasme, courant des risques, elle tentera toute seule de
rentrer en contact avec «el jabha». C'est grâce à Bachir Hadj Ali qu'elle réalisera son vÅ“u. Devenue agent de
liaison, elle finira par tomber entre les mailles de la police coloniale. Son
engagement lui coûtera cinq ans de prison. Elle séjournera à Barberousse, El
Harrach et dans d'autres prisons en France. Commença alors un autre
apprentissage, une autre découverte de la réalité coloniale, d'autres formes de
militantisme. Annie appellera tout au long de l'entretien avec H. Ameyar ses codétenues de «sÅ“urs». Langage emprunté à
l'esprit de l'époque de la guerre de libération certes, mais aussi pour
exprimer ce lien indescriptible la liant à celles qui partageaient les mêmes
conditions d'existence qu'elle et pour le même idéal.
Rien que de ce point de vue, le livre de Hafida
Ameyar et le témoignage d'Annie Fiorio-Steiner
constituent un apport à la mémoire collective. Ce travail a permis d'arracher à
l'oubli certains noms de femmes qui ont offert leur jeunesse et leur vie à la
révolution. Il vient à point nommé rompre avec l'extrême banalisation de
l'histoire de la Révolution
algérienne depuis qu'elle est devenue enjeu du pouvoir. Juste le bout
d'histoire que nous offrent Ameyar et Annie, se limitant
à une expérience personnelle, est pétillant de vie et de sincérité. Steiner a
précisé plus d'une fois qu'elle ne cherche pas à solder des comptes, encore
moins à s'auto-valoriser. Son ambition se limite à
reparler des anonymes que l'historiographie officielle condamnés à l'oubli. Des
femmes avec qui Steiner a partagé les affres de la prison et qui avaient fait
preuve d'énormément de courage et de foi dans des moments pénibles. Il lui
suffit de rappeler que chaque 1er Novembre était célébré comme il se doit dans
les bagnes des autorités coloniales. L'autre ambition de Mme Steiner est de
réconcilier les jeunes de son pays avec cet événement qui a perdu toute
signification à leurs yeux à force de ritualisation. Par ailleurs, et peut-être
à l'insu de notre sÅ“ur moudjahida, ce livre
réhabilite un certain nombre de personnes qui ont adhéré dès le déclenchement
de la guerre de libération nationale à l'idéal promis. Il s'agit de certains
pieds-noirs et juifs, dont l'un d'eux, chimiste de formation, a fourni la
documentation nécessaire pour la confection des bombes utilisées dans la
bataille d'Alger. L'apport des autres communautés à la guerre de libération
nationale doit un jour ou l'autre être posé en des termes clairs et précis.
Sur le chapitre des réhabilitations,
Mme Steiner consacre tout un chapitre à Mohamed Hadj Sadok,
un agrégé de la langue arabe, qui a été obligé de s'installer sous d'autres
cieux, pour faire profiter de ses compétences d'autres personnes. Cet agrégé
était l'enseignant d'Annie Fiorio quand elle avait, volontairement
et sans l'avis de ses parents, opté pour l'étude de la langue arabe à la place
et lieu de la langue anglaise. Malheureusement, ce Monsieur à qui Steiner
témoigne tout son respect et reconnaissance est parti au moment où l'Algérie a
choisi une arabisation à pas de charge et en faisant appel à des milliers de
Moyen-Orientaux. Aussi, le livre évoque la carrière de Mme Steiner dans le
secrétariat général du gouvernement. Elle se remémore le souvenir de Houari
Boumediene qui a tenu à lui serrer la main suite à une de ses interventions
lors d'une réunion de travail. Elle se remémore encore les deux heures passées
avec le Général Giap, en visite à Alger, grâce au rendez-vous que lui a aménagé
Mouloud Hamrouche quand il était à la présidence de la République. Elle
revient sur ses déboires avec son mari, Suisse d'origine, après sa sortie de
prison et comment elle a perdu la garde de ses deux filles par voie judiciaire.
Mais à ne pas se méprendre. Le livre n'est pas une somme de souvenirs égrenés
lors d'une série d'entretiens avec notre consoeur Hafida
Ameyar. Au contraire, il invite à méditer
l'expérience et l'engagement de cette dame qui a fait son choix et qui l'a
assumé pleinement une vie durant. Mieux, Steiner, jusqu'à nos jours, ne rate
pas une occasion pour manifester son engagement en faveur d'une cause
quelconque. Comme le cas du moujahid Mohamed Gharbi.
Le public qui s'est rendu à l'espace Lotus-Pigier
pour rencontrer Annie Fiorio-Steiner a été séduit par
la simplicité de cette dame et sa force de caractère. A son âge, elle continue
à croire dur comme fer que la révolution algérienne est un tournant décisif
dans l'histoire de l'Algérie.
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Posté Le : 19/11/2011
Posté par : sofiane
Ecrit par : Ziad Salah
Source : www.lequotidien-oran.com