Algérie

Année blanche



On sait la menace de l'année blanche planer sur le cursus des médecins résidents et sur celui des écoles nationales supérieures (ENS), en grève assidue depuis plusieurs semaines. Le spectre d'un exercice à blanc a également effleuré les établissements scolaires, dans certaines wilayas notamment, des suites de la grève du Cnapeste...Mais la menace la plus lourde dans le registre est celle de l'année blanche politique. Le pays risque en 2018 de voir s'expédier les affaires courantes en attendant l'échéance d'avril 2019. Les horloges du sérail, malgré les dénégations, sont d'évidence réglées sur le rendez-vous de la présidentielle : tout événement qui interviendra dans l'attente est d'autorité condamné à en subir les enjeux et épouser le sens de la trajectoire fatidique.
Ahmed Ouyahia en fait l'expérience depuis quelques semaines et doit être aujourd'hui plus édifié qu'avant sur la complexité de sa position. Arrivé en trombe en août 2017, l'ancien directeur de cabinet du président de la République a dès le départ occupé les espaces qui s'offraient à lui (ou ne s'offraient pas d'ailleurs), imposant les termes du débat national à l'APN, sur la scène politique et dans les médias. C'est cette séquence qu'il revendiquera plus tard, non sans fausse modestie, en déclarant que c'est bien lui qui a sorti les Algériens de l'illusion de l'opulence, et les a donc installés dans la réalité de la crise pour mieux l'affronter.
Mais les ennuis ont commencé quand l'homme s'est rapproché des milieux qui ont eu la tête de son prédécesseur. Si Tebboune avait mortellement péché par excès d'hostilité, Ouyahia, lui, semble avoir attiré les foudres pour délit de proximité intéressée avec le milieu des affaires. L'ombrageux et fébrile «cercle présidentiel», a décelé, dit-on, d'indues tractations précoces en vue de la succession. On signifiera à l'impatient, via la fameuse mise au point présidentielle sur les privatisations, que les cartes jouées sont trop voyantes et qu'il a intérêt à brider ses élans. Un travail de parasitage acharné est par ailleurs confié au FLN de Djamel Ould Abbès pour accentuer le brouillage de l'action du gouvernement.
Depuis, personne ne sait réellement ce qui advient de la charte portant Partenariat Public-privé (PPP) signée avec le FCE à la fin décembre dernier. Ahmed Ouyahia est désormais au régime discursif maigre. Le Premier ministre ne hausse plus la voix que lorsqu'il parle en tant que SG du RND. C'est ce qu'il a fait le 20 janvier dernier à l'issue du conseil national du parti, puis devant les militants à Biskra quelques semaines après.
Neutralisé et réduit à des mondanités diplomatiques pour suppléer un tant soit peu l'absence du président, le Premier ministre a cessé de renvoyer jusqu'à cette image qui lui a toujours collé de commis de l'Etat prêt à assumer les besognes les plus ingrates. Même le rôle du méchant semble lui être refusé.
Le fait est que les institutions bruissent depuis des semaines de rumeurs de remaniements profonds et de changements de cap qui, certes, ne viennent pas, mais qui ne sont pas non plus franchement écartés par une quelconque régularité et cohérence de l'action publique. Une instabilité qui dissuade toute initiative dans l'administration et sème la démobilisation dans le fameux état profond.
Il faudra donc s'attendre à ce que l'année soit prioritairement dépensée aux mouvements tectoniques liés à la bataille pour la présidentielle, au risque de tétaniser les rouages de l'Etat qui tournaient encore et cumuler les passifs pour les exercices à venir? La crise, quant à elle, pourra bien continuer à enfoncer ses crocs dans le corps malade de l'économie nationale.


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