Musique andalouse, malouf, chaâbi et haouzi se sont retrouvés comme s’il s’agissait de renouer avec une tradition perdue et en même temps attiser le feu sacré de ces genres de musique.
Huit soirées déjà avec pour chacune un programme d’animation dans un théâtre qui ne désemplit pratiquement pas jusque tard dans la nuit. Le public y vient, toujours pressé de reprendre le contact coupé la veille avec les chanteurs et les musiciens. Dans l’ombre, Driss Boudiba, le commissaire de la manifestation, et son équipe travaillent comme s’il s’agissait pour eux d’organiser une commémoration perpétuelle de l’art lyrique. Entreprise sympathique, généreuse, voire quasi pieuse renouvelée chaque soirée et ce à quoi le commissaire et également directeur de la culture à Annaba se consacre. Il le fait avec sa jeune équipe non sans mérite, avec lucidité et patience. Boudiba a appelé les artistes-peintres comme Demis, Nourredine, Mme Khodja et beaucoup d’autres pour exposer leurs œuvres. Ce faisant, il a ouvert le festival à la diversité artistique, à la compétition et à la grande ronde culturelle. Le hall et la scène du théâtre Azzedine Medjoubi ont été transformés en un lieu de rencontres. Il est offert à tous les artistes des autres arts, qui tentent de tisser des liens plus étroits entre la peinture, le théâtre, le cinéma, l’habit traditionnel…, d’unir en un même mouvement ces forces parallèles à l’origine communes et aux destins contraires. Pour le commissaire du festival, c’est la démarche qu’il fallait entreprendre pour rompre les ponts avec la spécificité lyrique, pour désarçonner les habitués de la monotonie et, avec les moyens disponibles, réaliser l’impossible. Durant toutes les soirées de la manifestation, la musique citadine est revenue tout naturellement aux instruments et à la voix. Un retour, une régénération, une réhabilitation ou une commémoration d’une musique citadine telle qu’elle s’est révélée aux Algériens depuis des siècles. Pour ce premier festival, les musiciens et les chanteurs sont présentés comme des messagers d’un art lyrique qui se dispersait au gré de l’oubli des uns et des autres. Dib Layachi, Nadia Benyoucef, Kamel Bourdib, Mohamed et Salim Fergani, Brahim Bey, Fateh Arouana, Abdelkader Chaou, Dakhla Embarek, seraient bien modestes sans la présence de la grande Saloua et la vivacité d’humeur de Boughamza lors des premières soirées. Le spectacle a été léger, allègre, sans prétention particulière. Il a confirmé la part magique, ésotérique, la grandeur souveraine de l’andalou, du malouf et du chaâbi. Chaque soir, à partir de 21h30 et jusque tard dans la nuit, les « symphonies » se suivent et ne se ressemblent pas. Chaque chanteur paraît avoir laissé sa solitude pour s’engager avec conviction dans sa musique et sa chanson par lesquelles il respire. C’est dire qu’à ce festival de Annaba, l’on a joué des instruments musicaux et de textes de chansons comme jamais vu. Avec un hommage à Saloua, le festival s’est fait plus intime même si les troupes de chanteurs et de musiciens Saddek El Bedjaoui de Béjaïa, Arts et littérature de Blida, Echbilia de Souk Ahras, ont mis tout leur savoir-faire lors de leur prestation. Boughamza de Annaba, la troupe Arts et animation de Mostaganem, les élèves de Hassen El Annabi, Baba Aïssa, Kara Tirki, Mokdad Zerrouk, Cheikh Hasanoui Amechtouh de Tizi, Salah Benini, la troupe El Kaïssaria de Cherchell, y ont mis leur grain de sel dans des chansons et musiques époustouflantes. Hier, Karouani Ada de Tiaret, la troupe El Moutribia de Biskra, la chanteuse de haouzi Bahdja Rahal devaient se surpasser dans des tours de chants inoubliables. Ils l’ont fait sous le regard de Hamdi Benani qui attend son tour. Il est programmé pour aujourd’hui aux côtés du grand Hadj Ghafour de Nédroma et le grand Chaou Abdelkader. Du malouf au chaâbi en passant par l’andalou, ces trois artistes de grandes renommées, nous feront oublier les luttes intestines que nous avons décelées dans les formules de politesse des artistes entre eux, les profondeurs obscures et les silences abyssaux des conversations de coulisse. A Annaba, ce festival a offert à son public et celui des régions limitrophes, y compris de Tébessa, Oum El Bouaghi, Khenchela, Constantine… une sorte de musique citadine confidentielle, sous jacente, masquée. Fergani père et fils virtuoses du malouf avaient réussi à donner une harmonie à quelques discordances. Aux antipodes de ces variations musicales très citadines, savantes mêmes, on retiendra aussi l’admirable engagement du personnel du théâtre Azzedine Medjoubi tout au long des neuf soirées. Ces nuits de Ramadhan 2006, Annaba a été noyée d’étoiles, de jeunes chanteurs et de musiciens ambitieux. Ils se sont produits au gré des lumières tremblantes des soirées dont les effets magiques n’ont pas réussi à escamoter la musique et les chansons. Variation des styles et du genre se sont opposés au gré de plusieurs cortèges de notes musicales tirées des entrailles de l’histoire du malouf, de l’andalou et du chaâbi.
Posté Le : 11/10/2006
Posté par : hichem
Ecrit par : A. Djabali
Source : www.elwatan.com