Le Sahel des rançons
Ayant compris qu’il lui est relativement simple de tirer une rançon rondelette contre les deux otages autrichiens qu’elle a enlevés le 22 février dernier en Tunisie, Al-Qaïda au Maghreb continue à s’arc-bouter sur ce qu’elle considère comme sa condition principale pour les relâcher, celle de la libération d’un certain nombre de ses membres qui sont en détention en Algérie et en Tunisie. Le premier délai de trois jours qu’elle a laissé aux autorités autrichiennes pour obtenir une satisfaction de ses exigences et qu’elle a fait savoir dans son communiqué du rapt le 10 mars dernier, a été prolongé d’une semaine qui devait expirer ce 23 mars. Cette nouvelle échéance, comme prévisible, a été de nouveau étendue jusqu’au 6 avril prochain. En insistant auprès des autorités autrichiennes sur la libération de prisonniers détenus par d’autres pays contre la vie de leurs deux ressortissants qu’elle a pris en otages, Al-Qaïda au Maghreb risque de tout perdre. Consciente qu’elle s’est fourvoyée dans une impasse d’où elle ne peut sortir que totalement humiliée, elle cherche à faire porter la responsabilité à l’Algérie de ce qui pourrait arriver aux otages dans le cas où elle n’est pas satisfaite dans ses exigences qu’elle négocie avec... l’Autriche.
Au lieu de se contenter d’une «bonne» rançon comme pour tous les précédents cas des dernières années que d’autres branches d’Al-Qaïda ont négociés dans différents pays, notamment en Irak et en Afghanistan, Al-Qaïda au Maghreb, en disposant de la vie de deux simples touristes pris en otages, s’est crue en mesure de dicter ses quatre volontés à la fois à l’Autriche, à la Tunisie et à l’Algérie. L’on pourrait supposer que si, en plus d’une rançon, elle continue à insister sur la libération de prisonniers détenus en Algérie et en Tunisie, tout en sachant qu’elle n’a aucune chance de l’obtenir, elle cherche surtout à mieux arrondir cette rançon.
Pour tous ces pays, répondre à son exigence de libération de prisonniers ne serait rien d’autre que de l’encourager à récidiver dans cette même voie pour d’autres enlèvements et d’autres situations de même nature. Ce sera toute la lutte antiterroriste qui sera remise en cause si chaque fois qu’un chef terroriste est arrêté, il a toutes les chances de se faire libérer en échange d’un touriste pris en otage.
Et justement, puisque, après le précédent de 2003, c’est pour la deuxième fois qu’un groupe de l’ex-GSPC procède à un rapt de touristes étrangers et se replie avec eux, chaque fois, dans la zone du Sahel, il est temps que cette région soit perçue sous cet aspect qu’elle est en train de prendre.
Jusque-là, le Sahel a été considéré comme une région subsaharienne plus ou moins contrôlable par les pays qui se la partagent, mais il avait tendance à attirer différentes rebellions et gros trafiquants. Il est temps d’intégrer que, dans cet espace, s’est progressivement inscrite également une présence de l’ex-GSPC.
Non pas potentielle, mais comme une réalité. Avec la prise d’otages de 2003 et celle actuelle des deux touristes autrichiens, toutes les deux ayant trouvé refuge dans le Sahel, il est comme une voie qui est en train de s’ouvrir pour l’ex-GSPC pour ce genre d’actes criminels dans cette même région. Les pays riverains sont tenus donc d’unir leurs efforts pour qu’Al-Qaïda au Maghreb, qu’ils ont combattue efficacement jusque-là, ne réussisse pas à faire de cette zone celle où elle n’a rien à craindre. Ou même, comme il est en train de se prouver, celle où elle se retire pour empocher ses rançons avant de les convertir en armes et revenir vers le Nord pour continuer à narguer les Etats, menacer leurs institutions et assassiner leurs enfants.
Mohamed Issami
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Posté Le : 27/03/2008
Posté par : sofiane
Source : www.voix-oranie.com