Algérie

Analyse



Une charte à cordons déliés L?argent n?est pas le nerf de la seule guerre. Il peut aider souvent à sceller la paix. L?autorité palestinienne a dédommagé - copieusement - les 8000 colons israéliens qui viennent de vider la bande de Gaza. Le gouvernement israélien aussi les paye en leur offrant de nouveaux logements de qualité. Confondu - à tort ?- dans l?attentat de Lockerbie, le régime libyen de Khadafi a racheté un droit de cité international en payant près de deux milliards de dollars d?indemnité aux familles des victimes. Chez nous, à bien regarder le projet de charte pour la paix et la réconciliation nationale, c?est encore l?argent qui fournit son carburant à la démarche. Pas de vérité, pas de reconnaissance des culpabilités, pas de confrontation ni de pardon demandé par les uns, accordé par les autres. Mais des indemnités et des pensions en file indienne. Il y a d?abord au chapitre III de la charte les « dispositions concrètes destinées à lever les contraintes que continuent de rencontrer » les éléments des groupes armés qui ont choisi la concorde civile. Quelles dispositions concrètes ? Il existe sans doute là un volet administratif (passeport, etc.), mais aussi financier, comme l?explique immédiatement l?article suivant en parlant de « normaliser leur situation sociale », notamment pour ceux qui ont subi des licenciements administratifs. Combien sont-ils ? Quelles imputations pour le budget de l?Etat ? Dans la même veine du renforcement de la cohésion nationale, le projet de charte promet de « prendre des mesures de solidarité nationale au bénéfice de ces familles qui sont démunies et qui ont été éprouvées par le terrorisme à travers l?implication de leurs proches ». Cela a toutes les allures d?un RMI pour veuves, orphelins et parents de terroristes morts ou détenus très longtemps. Cela peut être financièrement considérable. A cela, il faut bien sûr ajouter le plus lourd. Comment calculer « le droit à la réparation » aux familles des disparus considérées désormais par le texte du projet de charte comme des « victimes de la tragédie nationale » ? Un dossier sur lequel - contrairement aux autres - la responsabilité de l?Etat est totalement engagée. Mais ce n?est pas fini. Ce projet de charte, qui achète de la paix à cordons déliés, ne dit rien de nouveau sur le statut des victimes du terrorisme qui renvoie à un surcroît de prise en charge. Les râles se sont déjà fait entendre. Il y a fort à parier qu?il faudra très vite corriger cette grossière maladresse après le 29 septembre et augmenter les pensions et indemnités fixées au milieu des années 90 lorsque l?Etat était misérablement pauvre. De sorte que le projet de loi de finances pour 2006 devra mettre en provisions quelques milliards de dinars pour traduire la victoire du oui en « données concrètes ». Mais qui devra payer ? Une allusion dans le texte peut semer le doute : « Il (le peuple algérien) considère qu?il est désormais du devoir de chaque citoyen d?apporter son tribut à la paix. » Un nouvel impôt pour financer la paix ? Ou alors une journée chômée et payée qui saute, comme a tenté de le faire en France le gouvernement Raffarin pour financer l?aide aux plus vieux après le scandale de la canicule ? Si c?est le cas, les Algériens ont déjà donné : cette année, ils ont travaillé le 19 juin. Financement de la paix ? Là aussi, sans doute, merci le nouveau choc pétrolier.


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