Algérie

Anachronismes mentaux



Si M. Abdelaziz Belkhadem a voulu être rassurant en direction des enseignants «coupables» de s'être mis en grève à l'appel de la Coordination nationale des syndicats autonomes, il s'y est pris d'une étrange manière, en se livrant à un exercice d'euphémisme qui n'est pas de nature à tranquilliser les concernés. De ses propos, on peut comprendre que les enseignants grévistes ne seront pas licenciés mais seront «sanctionnés administrativement». Le problème est qu'une sanction administrative peut aller de l'admonestation au licenciement, en passant par la retenue sur salaires. Intervenant après une virulente attaque contre les «agitateurs» et des nouvelles inquiétantes au sujet du renvoi des enseignants vacataires, cette « mise au point» du chef du gouvernement est peut-être destinée au ministère de l'Education nationale, tenté de s'attaquer à ceux qui constituent le maillon le plus faible du corps enseignant. Belkhadem signifie au ministère de l'Education qu'il peut utiliser toute la panoplie des sanctions administratives, sans aller jusqu'au licenciement. Voilà une lecture «optimiste» qui n'est pas de nature à mettre aux anges les syndicats autonomes et encore moins à réduire leur appréhension. On a beau en effet essayer de «positiver», l'insistance sur le caractère «illégal» de la grève des fonctionnaires indique que le gouvernement continue dans son choix, de plus en plus intenable, de ne pas admettre que le champ syndical n'est plus le monopole des «amis» de l'UGTA. Les grèves à répétition qui se déroulent dans la fonction publique peuvent être ramenées à une seule cause: le choix du gouvernement de négocier la grille des salaires et le statut de la fonction publique avec la seule UGTA. Il était prévisible que quelle que soit la qualité de l'accord - et à l'évidence, il est discutable sur de nombreux points -, cette exclusion des autres partenaires sociaux n'allait pas être sans conséquences. La plus visible consiste en ces mouvements de grève en forme de relais qui exaspèrent le gouvernement, sans pour autant faire perdre aux syndicats autonomes la sympathie dont ils bénéficient au sein de l'opinion publique et dans la presse. Pour l'opinion, les choses sont simples: le pouvoir d'achat se dégrade et il est naturel que les syndicats autonomes deviennent, au-delà même des corps qu'ils représentent, ceux qui expriment le mieux une réalité générale. Dans la presse, la sympathie générale à l'égard des autonomes paraît être une réaction au rétrécissement du champ du pluralisme dans le pays. Dans tous les cas, il existe une conviction que les syndicats autonomes, dans leur diversité et parfois dans leur cacophonie, font oeuvre de salubrité publique en voulant, avec pugnacité, exercer les droits reconnus par la Constitution et la loi. Et c'est bien parce qu'ils agissent à contre-courant d'une certaine tendance générale à la résignation qu'ils exaspèrent et passent pour des «agitateurs». Un langage de la période glaciaire de «l'unité de pensée et d'action». Un anachronisme mental qui empêche de voir les syndicats autrement que sous les traits de comploteurs ou de subversifs.


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