Algérie

Amine Kaïs, réalisateur et producteur algérien, à L'Expression «Je raconterai bientôt l'école des cadres du fln»



Publié le 11.08.2024 dans le Quotidien l’Expression

Amine-Kaïs est un réalisateur, producteur et scénariste algérien. Il est connu pour Road to Freedom: Women in the Algerian Secret Services (2012), Men's Affair (2008) et Road to Freedom: The Radio Transmissions (2013). Il a été révélé au grand public grâce au téléfilm Les rues d'Alger, diffusé sur l'Entv. Il a aussi à son actif une série de huit documentaires sur le MALG, l'ancêtre des renseignements algériens. Actuellement, il a plusieurs projets en courts. En septembre prochain, il présentera un documentaire intitulé Maybe One Day», où il revisite Nahla du regretté Farouk Beloufa, en hommage à ce grand cinéaste. Un film soutenu par le ministère de la Culture et des arts et du Cadc. Aussi, il travaille en outre sur un autre film où il mettra l'accent sur une grande moudjahida de la région de Cherchell. Mais ce n'est pas tout! Il réalisera bientôt le making-of de sa rencontre avec le MALG. Amine Kaïs devra également réaliser une série télévisée internationale. Vous l'aurez compris, ce réalisateur est un mordu d'images, mais d'histoire surtout. Ici il nous dévoile en menus détails, chaque projet qui lui tient à coeur.
Suivons-le.

L'Expression: Vous avez récemment participé à un événement culturel intitulé «Croisement». Pouvez-vous nous en dire plus?

Amine-Kaïs: Croisement est un événement fascinant, car il incarne véritablement un carrefour entre avocats, artistes, et avocats-artistes. Ce qui le rend particulièrement intéressant, c'est sa focalisation sur le droit de la propriété intellectuelle, un sujet essentiel pour rapprocher ces deux mondes. Nous partageons un intérêt commun: réévaluer et renforcer les droits des artistes dans notre société en gestation, face aux besoins urgents: La protection des oeuvres, des artistes mais aussi la lutte contre le plagiat qui est un acte criminel et qui sera plus tard, pénalisé. J'y veille en particulier avec les organisateurs de croisement et remercie à cet effet le barreau de Blida, mais aussi ceux qui oeuvrent au développement de la propriété intellectuelle et des droits d'auteurs.

Vous avez réalisé le portrait de la plasticienne Djahida Houadef, un exercice inédit pour vous compte tenu de votre filmographie. Pourquoi ce choix et pourquoi cette artiste?

J'ai réalisé ce portrait en 2015, car Djahida Houadef était à l'époque peu médiatisée, presque marginalisée par le ministère de la Culture et l'Arc. Son oeuvre m'avait profondément touché, et je trouvais ses tableaux d'une grande beauté. J'ai donc décidé de créer cette capsule artistique de six minutes, avec l'espoir que cela contribuerait à promouvoir son travail et que cela puisse être vu par tous. Cela a fonctionné, notamment sur les réseaux sociaux. Mon objectif était de défendre l'artiste, sans pour autant jouer l'avocat du pauvre ou du diable. C'était une démarche volontaire et assumée. Djahida Houadef est une artiste authentique, comme tant d'autres.

On croit savoir que vous travaillez actuellement sur un nouveau portrait, cette fois d'une moudjahida de Cherchell. Pouvez-vous nous en dire plus?

En effet, je suis engagé sur plusieurs projets simultanés. En septembre prochain, je présenterai un documentaire intitulé Maybe One Day, où je revisite Nahla de Farouk Beloufa, en hommage à ce grand cinéaste. Ce film retrace non seulement le parcours de Farouk et de Nahla, mais aussi celui de son équipe technique, incluant Ahmed Bedjaoui, Youcef Saiah, Kamal Mekesser, et Allel Yahiaoui, tout en évoquant les événements de Beyrouth, survenus il y a 45 ans. Youcef Saïah, un des personnages principaux de Nahla, occupe une place centrale dans ce documentaire, en nous offrant un nouvel éclairage sur le film. En parallèle, je relie l'oeuvre de Beloufa à l'actualité palestinienne, les tragédies du Liban en 1976, notamment le massacre de Talae El Zaâtar, trouvant un écho troublant dans la situation actuelle. Il est essentiel de souligner le rôle du gouvernement algérien de l'époque, qui a soutenu des initiatives révolutionnaires, donnant ainsi naissance à un cinéma indépendant. Ce documentaire met en lumière la contribution de Abderrahmane Laghouati, connu sous le nom de guerre Laroussi au sein de MALG, qui a joué un rôle crucial dans la création des services de transmissions révolutionnaires et le lancement de la radio clandestine, la voix de l'Algérie libre et combattante au sein de la base de l'EST. Il est également derrière le premier enregistrement de Kassaman, l'hymne national algérien, et a ensuite dirigé l'institution publique RTA (Radio télévision algérienne), contribuant à l'émergence de publications culturelles et à l'intégration des femmes dans les médias.

Et vos autres projets?

Je travaille également sur un film qui explorera les horreurs de la guerre et du génocide, en revisitant la colonisation dans la région de Cherchell. Ce projet m'a profondément interpellé grâce à la figure d'une femme exceptionnelle, chef de secteur du FLN, qui a pris les armes et dirigé un réseau composé d'hommes, de femmes et d'enfants. Ce film, d'une durée de 2h15, propose un point de vue croisé: celui de l'armée coloniale française, autrement dit des Français d'Algérie, mais aussi des prémisses de la résistance et de la «force invisible» qui se manifestait sur tout le territoire national. Le casting débutera en octobre 2024. Le scénario est déjà terminé, et je prévois de le soumettre prochainement au ministre des Anciens Moudjahidine. Par ailleurs, je développe une série télévisée internationale intitulée Police Controls, qui réunit des acteurs de renommée mondiale ainsi que les meilleurs talents d'Algérie. Cette série mettra en lumière la puissance des services de renseignement durant la décennie noire, ma génération à cet égard, ainsi que les nouvelles guerres contre le terrorisme international et le trafic de drogue entre l'Afrique de l'Ouest et l'Afghanistan.

L'histoire est le moteur de votre démarche filmique, cela a été le cas avec votre série de film ou saga sur le MALG. Pourriez-vous nous parler de ce laborieux travail et comment est-il né?

Mon travail sur le MALG est né d'une quête personnelle, une exploration des racines de mon héritage familial, centrée sur mon grand-père, Si Lahbib Benyekhlef. Cet homme, d'une bonté et d'une humilité exemplaires, était profondément patriote, dédié corps et âme à son pays. Son engagement ne se limitait pas à sa participation au sein de l'État-Major Général (EMG) et du Ministère des Liaisons Générales et Communications (MLGC) durant la lutte de libération; il était bien plus qu'un simple militant. Président du Croissant-Rouge et des affaires sociales, il prend soin des réfugiés dès 1954, tout en étant professeur d'arabe et technicien en langue berbère. Sa lutte pour l'indépendance avait commencé bien avant, dès 1936, lorsqu'il oeuvrait dans la clandestinité, opérant sous plusieurs identités pour échapper aux autorités coloniales. Récemment, un homme m'a contacté pour me remettre un document précieux: un avis de recherche émis par le SDECE en 1960, sous un nom que je ne connaissais pas. Ce document témoigne de la vigilance des autorités coloniales à l'égard de mon grand-père, qui était activement recherché à partir de cette période. Pourtant, Si Lahbib a réussi à préserver son anonymat et à mener une vie discrète, restant dans l'ombre malgré son immense contribution à la cause nationale. C'est à cet homme exceptionnel que je rendrai hommage. Bientôt, je réaliserai le making-of, de ma rencontre avec le MALG, une oeuvre qui retrace non seulement mes échanges avec les anciens membres, mais aussi l'histoire de l'école des cadres du FLN, où ont été formées les bases des services de renseignement algériens. Ce projet est une manière de revivre et de partager l'histoire de ceux qui, comme mon grand-père, ont joué un rôle clé dans la libération de l'Algérie, tout en restant fidèles à leur devoir de discrétion et de service à la patrie. Une dernière chose: Mon grand-père était un homme fédérateur, un esprit noble, profondément réfractaire à l'indécence, aux comportements mesquins, et à l'ingratitude. Son sourire, fin et discret, exprimait toute la profondeur de son dédain pour ces travers. Et lorsqu'il prenait la parole face à des situations injustes ou excessives, il trouvait toujours le verbe juste, avec une précision et une clarté qui impose le respect.
O. HIND



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