Algérie

Ami de l'Algérie, il a signé un livre référence sur la torture Henri Alleg tire sa révérence



Kateb Yacine a souvent évoqué un certain Rouge, un rouquin, Rouji. Parlait-il d'Alleg avec qui il partageait l'idéologie communiste doublée d'un anticolonialisme viscéral ' Probablement.Il est l'un des derniers amis de l'Algérie et s'est éteint le 17 juillet à Paris. Il s'est fait connaître en Algérie et en France par son livre La Question, compilation de bouts de papier sortis de prison et tapés par sa femme, paru aux Editions de Minuit en 1958. Un livre qui relate son expérience, en tant que victime de la torture exercée en Algérie par les parachutistes français. Un témoignage poignant qui réveillera la censure à l'époque avec l'interdiction de la réédition du livre qui choquât l'opinion.
Des sévices qu'il a subis en 1957 après son arrestation au domicile de Maurice Audin, disparu, lui, avant que l'on découvre qu'il a succombé sous la torture. Le livre fera bouger "l'intellect" progressiste de la métropole qui lui manifestera un soutien. Harry Salem, de son vrai nom, né à Londres en 1921, de parents juifs russo-polonais, Alleg deviendra français lorsque sa famille s'installe au nord de Paris, enfin algérien en 1962. Il est à lui seul un brassage culturel. Un peu aventurier, il décide, alors qu'éclate la Seconde Guerre mondiale, de changer d'air.
Entre l'Amérique et l'Algérie, il choisit l'Algérie. Il ne quittera plus ce pays. En 1962, il ne cache pas sa déception lorsque le pouvoir est accaparé par Ben Bella. Mais le coup dur viendra de Boumediène en 1965 avec l'interdiction d'Alger Républicain, le quotidien de gauche dont il était directeur et où signaient, entre autres, Kateb Yacine et Albert Camus. Il décide alors de quitter son pays adoptif et son peuple et de rentrer en France. Mais son "combat" ne s'arrêtera pas pour autant. En 2000, il signe l'Appel des douze pour "la reconnaissance par l'Etat français de la torture". En 2005, il publie Mémoire algérienne. Et son combat semble contrarié par les adaptations reniements des partis communistes, notamment le PCF, qui ont "cédé du terrain à l'adversaire". Il fera connaître ses positions par rapport également à la social-démocratie qui a "dénaturé" le marxisme et s'est imposée comme un modèle alternatif, un melting-pot qui allie les "vertus" du capitalisme et les subsides d'un communisme en déchéance. Malgré ces aléas "idéologiques" et ses déceptions, il restera cependant attaché à sa terre adoptive dont il fera le point de départ de son combat post-indépendance. Cela d'autant qu'il s'agit d'histoire qui l'a fait héros malgré lui et qui demeure encore un sujet non entamé et qui déteint sur les relations entre l'Algérie et l'ancienne puissance coloniale.
Evidemment, c'est la violence qui s'est exprimée durant toute la colonisation et érigée en mode de gestion de la contestation (révolution et résistance dès 1954) qui a éveillé en lui ce pouvoir d'affronter l'injustice. Et devenir malgré lui un acteur de cette histoire avant d'y plonger plus en profondeur et d'en faire un autre combat. Combat pour la reconnaissance de la pratique systématique de la torture ' il en était témoin et victime ' et partant de la violence de la colonisation que des parties veulent présenter comme un acte civilisateur.
Il est parti, à la veille de son anniversaire, emportant avec lui ses constants rires, ses blagues "multiraciales" et ses profondes convictions que le temps n'a pu altérer. Il est parti, l'ami de l'Algérie. Une amitié que l'Algérie n'a pas toujours su lui rendre.
D B
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