Elles sont des centaines à maîtriser la fabrication artisanale des paniers en osier, dans de nombreuses localités de la wilaya de Boumerdès : Beni Amrane, Kadara, Dellys, etc. L’artisanat de l’osier (ousranes), comme le nomme la population locale, est devenu une source de revenus pour la majorité des villageois de cette région, notamment les femmes, car ce sont elles qui sont contraintes de rester à la maison faute d’opportunités de travail qui s’ajoute à l’éloignement de ces localités des centres urbains. La fabrication des paniers et corbeilles en osier demeure un métier qu’exercent toutes les familles, transmis d’une génération à une autre. Si autrefois ces femmes puisaient dans la nature, par contrainte, pour fabriquer ces objets, actuellement l’utilisation de la matière première bio est plus qu’une nécessité.
Leur savoir-faire apporte des réponses concrètes aux questions actualité liées essentiellement à la protection de l’environnement : le remplacement de l’usage des sachets en plastique par des couffins durables à base de la matière première gratuite se trouvant dans la nature au niveau de cette région et à l’ouest du pays. Cela fait 50 ans que Aïcha Hour, résidant dans la commune de Kadara, dans la localité de Bouzegza, fabrique des couffins en osier (doum).
A l’âge de 10 ans, Aïcha a déjà mis la main à la pâte. «J’avais 10 ans quand j’ai commencé ce métier. Mon père n’a jamais été salarié. A cette époque, je me suis mise à fabriquer ces couffins en osier pour aider ma mère, qui à son tour fabrique des couffins destinés à la vente pour subvenir aux besoins de sa famille. Nous sommes 9 sœurs et frères.
C’est grâce à ce métier que nous avons survécu», se souvient Aïcha, artisane, qui a, tant bien que mal, réussi à imposer son métier, notamment lors des grands événements, à l’instar de la célébration de la fête de Yennayer. Un événement qu’elle compte célébrer également cette année en exposant ses produits au centre-ville de Boumerdès. Aujourd’hui, cette artisane est attendue au Centre culturel islamique de Boumerdès. Pour la journée du dimanche, coïncidant avec la célébration de Yennayer, elle compte animer cet événement au centre culturel Rachid Mimouni en exposant ses objets témoignant du patrimoine ancestral. Un patrimoine qui témoigne à son tour de l’attachement de ces populations au respect de la nature. Aïcha ne vit que de son travail.
Son temps est partagé entre l’artisanat et l’activité agricole, seule opportunité de travail que lui offre le milieu rural dont elle est issue. Lorsque nous avons pris attache avec elle, Aïcha était aux champs des oliviers. «En ce moment, je récolte les olives, je ne dispose pas de temps pour me déplacer, mais mes couffins sont exposés au Centre culturel islamique au chef-lieu de Boumerdès.» Cette artisane ne compte pas rater les grands événements tels que la fête de Yennayer. «Les foires nous permettent de faire connaître notre travail et peut-être décrocher des marchés. On ne vit que de ce travail», insiste Aïcha, précisant que les gains de cette activité demeurent la seule ressource financière pour de nombreuses femmes dans ces localités des plus retirées. «Ces artisanes peuvent aider leur famille, mais cette activité, à elle seule, ne peut pas répondre à tous les besoins de la famille», estime Aïcha, qui souligne à l’occasion qu’en raison de la hausse du pouvoir d’achat, cette activité ne donne pas ce qu’elle offrait autrefois. «Je me souviens quand ma mère nous a acheté un téléviseur pour la première fois. C’est grâce à ce travail artisanal que nous avons tous les appareils électroménagers, c’est ma mère qui les a achetés», se rappelle Aïcha. A présent ce métier artisanal ne permet pas de couvrir les besoins de ces familles, mais il reste plus ou moins rentable pour les artisans qui travaillent à temps plein.
La matière première provenant principalement de la région de l’Ouest, notamment de Chlef, se vend à 2000 da la botte. Pour cette quantité, l’artisan peut gagner entre 8000 et 9000 da, sachant que le prix du couffin est actuellement de 500 da. «Je fabrique de très beaux couffins. Les acheteurs viennent de différentes régions, mais le produit artisanal n’est pas valorisé», déplore Aïcha qui a dû renoncer à un marché avec un acheteur de la wilaya de Bouira, qui a tenté de revoir à la baisse le prix du panier. La durée de fabrication d’un couffin est estimée à 7 heures. «Le métier est rentable pour ceux qui s’investissent toute la journée. En ce qui me concerne, notamment en cette période de la récolte des olives, je profite le soir pour finir mes couffins», raconte Aïcha, qui exerce son métier également dès son réveil à l’aube jusqu’à ce que le jour pointe, moment de son départ pour la récolte des olives afin de rentabiliser ces journées.
Au-delà des profits, Aïcha et les femmes qui se sont lancées dans cette activité tentent également d’apporter des solutions crédibles aux problèmes d’ordre environnemental : l’irradiation du plastique ! Un problème intercontinental, qui a fait réagir des gouvernements des différents pays sans pour autant apporter de réponses concrètes. Ainsi, la généralisation de l’usage des couffins en doum dans les transactions commerciales (alimentation générale surtout) demeure l’une des solutions, du moins pour l’irradiation des sacs en plastique. M. Charef lance un appel en premier lieu aux institutions étatiques visant les cantines scolaires, les restaurants universitaires et même les hôtels et les restaurants privés afin de remplacer les corbeilles en plastique dans lesquelles on sert le pain par des corbeilles en osier. «Ces dernières sont plus belles, bio et elles sont disponibles en Algérie à des prix abordables.»
En deuxième étape, les boulangers et les magasins peuvent se procurer les grands paniers en osier (asenadj) pour le pain au lieu d’utiliser des paniers en plastique. Concernant ce point, il faut rappeler que le contact du pain très chaud (sortant immédiatement du four) avec le plastique engendre, comme dénoncé à plusieurs reprises par les spécialistes, la migration des particules chimiques sur le pain, d’où la nécessité d’en finir avec l’usage du plastique dans les boulangeries. Et pour éradiquer l’usage des sacs en plastique, M. Charef suggère le recours à la généralisation d’utiliser le couffin en osier (ousranes, une matière première extraite de l’osier, une plante qui se trouve dans des régions montagneuses, notamment dans la localité de Boumerdès, soit à plus de 300 m d’altitude). Une option que la section de l’artisanat de la wilaya de Boumerdès avait tenté de réaliser en 2018 en collaboration de l’hypermarché Uno.
Lors de cette campagne, 10 000 couffins en osier ont été offerts aux clients. Le remplacement du plastique par des produits bio n’est pas une chose difficile aux yeux de Mohamed Charef, président de la section des artisans de la wilaya de Boumerdès affiliés à la fédération nationale des métiers. «Nous avons de la matière première (l’osier, le roseau et l’olivier sauvage pour la fabrication des couffins, corbeilles et les grands paniers (asenadj). Nous disposons également du savoir-faire, il ne manque qu’une chaîne de distribution pour voir la boucle bouclée», estime M. Charef.
Ainsi, l’alternative au plastiques existe, il suffit de puiser dans les produits du terroir. Et cela va épargner des dépenses concernant l’importation de la manière première, elle permettra de créer de l’emploi notamment dans les régions montagneuses où l’accès aux débouchés demeure très infime voire nul. Surtout que ce métier est exercé principalement par les femmes. Comme il permet de lutter efficacement contre la pollution de l’environnement en réduisant l’usage du plastique.
Par Djedjiga Rahmani
drahmani@elwatan.com
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Posté Le : 09/01/2020
Posté par : akarENVIRONNEMENT
Ecrit par : Djedjiga Rahmani
Source : elwatan.com du jeudi 9 janvier 2020